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samedi 31 mai 2008


Qui ne souhaiterait un jour
Grimper tout à la cime
Pour devenir fruit

Homme ou femme accomplis,
Prêts à se détacher ?

Et se laissant porter,
Balancer par les vents
Jusqu’à l’heure

De tomber sans retour
Dans le bonheur

Plume ou pierre !

vendredi 30 mai 2008


Les mots
Ne se laissent pas prendre,

Tu peux ranger
Ton filet d’oiseleur
Et disperser ton grain.

S’ils ne viennent d’eux-mêmes
Se poser sur ta main

S’ils n’épousent ton cœur,
Tu as cherché en vain !

jeudi 29 mai 2008


Le seuil décide de tout,
C’est entrer dans l’inconnu
Qui est difficile,

Quitter la clarté
Où tu te tiens debout,

Franchir de plain-pied
La pénombre,

Sentir soudain
Sur ton visage
La fraîcheur de la nuit.

Ne pas savoir
Si c’est assis ou à genoux
Qu’on guettera le mieux le jour.

Laisser faire chaque mot,
Chaque syllabe balbutiée,
Attendre chaque étoile,

Puis dresser sur sa palette
Les traces incertaines
D’un chant constellé.

mercredi 28 mai 2008


Aujourd’hui, il y aura peut-être foule
Dans la maison du pain,

Mais qui s’arrêtera
Pour écouter bruisser les pas
De l’amour silencieux ?

Je porte ton enfance
Comme une table bénie
Où l’on ne dédaignait
Ni la croûte, ni la mie.

Je partage avec toi
Cette nourriture sainte :

Qu’elle nous garde pour la vie !

mardi 27 mai 2008


Un jour étonné
Tu avais entendu l’oiseau
Dont ton âme était éprise,

Tu avais tout quitté
Pour l’apprivoiser.

En apparence
Rien n’avait changé,

Mais pour la première fois
Tu avais su que le chant
Que tu croyais dehors,

C’est tout au fond de toi
Qu’il avait résonné.

lundi 26 mai 2008


Je vins vers toi,
Pour que tu fasses de moi
Un corps capable de chanter,

Un instrument poreux
A l’envol de ta voix.

Je vins vers toi
Pour un baptême,

Pour que le ciel s’ouvre
Dans le bleu du Jourdain.

Je vins vers toi,
Pour exister sur cette terre,

Pour que le souffle enfin
Se reconnaisse en moi,

Et que l’oiseau un jour
Se donne à travers nous.

dimanche 25 mai 2008



Quand je suis là
Quand je ne pense plus à refermer les bras
Quand l'âme trop longtemps polit sa feuille blanche
Quand je sens des oiseaux s'éveiller dans mes hanches
Tu peux tout effacer
Si tu laisses les branches


René Guy Cadou



Il t’a suffit de relire
Chacun des titres de ses recueils,
De ses poèmes,
Pour te sentir soudain
De plain-pied
Dans sa vie rêvée.

Et ce cœur
Qui n’en finit pas de battre
Dans tes veines !
Est-ce à cause de la présence
D’Hélène ?

Où a-t-il appris
Ainsi à dilater,
Pleine poitrine,
La force qui le fait aimer ?

Il se peut que ce matin
Tu ais ouvert le livre définitif,
Et que seule la lampe qui brûle
A l’avant de toi
Le devine !

samedi 24 mai 2008


Dans chacun des versets
Qui relatent sa vie
Tu as cherché l’instant
Où quelque chose en lui
Tout à coup chantait.

Et c’était toujours
Dans le feu d’une absence
Cet amour qui l’emportait,

Cette profonde nostalgie :
Laissez venir à moi l’enfance
Et ses chansons !

Cet air venu de très loin
Qui seul semblait le guider,

Un souffle dont il cherchait sans fin
A retrouver sur chaque lèvre
Les paroles oubliées.

vendredi 23 mai 2008


Et ce qui tombe ainsi
Lorsque nous disparaissons !

Comme ces pétales de camélia
Sur la pierre nue,

En cette petite église
Enclose dans la roche,
Qu’on aura juste ouverte
Pour fleurir de loin
Une messe incertaine :

Il faudra bien qu’une main
Les ramasse,
Qu’une femme se penche
Pour effacer doucement leur couleur ;

Tandis qu’elle les emporte peut-être,
En secret,
Comme une promesse sur son cœur.

jeudi 22 mai 2008


Ecrire,
Pour se rendre présent
Aux choses fraternelles,

Ecrire,
Comme on murmure une prière,
Sans un mot,
Le dos contre la nuit,

Ecrire,
Pour entre au désert,
Effacer toutes traces,

Laisser surgir en soi,
Le palmier de la joie.

mercredi 21 mai 2008


Et si le temps était venu
De Le rencontrer
Non pas là où l’on avait cru L’enfermer
Mais sous l’eau des fontaines,

Dans chaque chemin creux
Où s’enfoncent nos pas
Dans les pas des humains !

Et sur la roche nue
Qui désormais affleure,

L’élémentaire de nos vies
Où nous sommes réduits,

Maintenant que le ciel
Se voit dans nos mains,

Et que la voûte des églises
Ne retient plus nos chants !

mardi 20 mai 2008


Etre chacun pour l’autre
Cette lampe qui brûle,
Ce bruissement d’ailes
Léger,

Se tenir
Dans le rêve accompli,

Veiller chacun
A la persistance de l’ange,

Prendre à brassée les mots
Qu’il n’a pas prononcés
Pour les offrir autour de soi.

Alors, qui sait,
Tenir tout contre soi
Le visage brûlant qui rassemble

A la table du cœur.

lundi 19 mai 2008


Tant que tu n’es pas descendu
A l’auberge où il te précède,
Tant que tu ne l’as pas retenu
Pour l’asseoir à ta table,
Comment prétendrais-tu savoir
Où il te conduit ?

Cette absence
Dont il vous fait l’hôte !

Cette brûlure
Qui se lit désormais dans vos yeux !

Ce chant
Que vous fredonniez déjà
Tandis qu’il se taisait en chemin !

dimanche 18 mai 2008



S'en tenir
à la terre

Ne pas jeter d'ombre
sur d'autres

Etre dans l'ombre des autres
une clarté

Reiner Kunze

La terre disponible
Dont tu as rêvée,
Porteuse de violons
Et d’anches,

Un arbre seul
Pouvait la célébrer,
Guettant le son rugueux d’une voix,
La caresse d’un regard.

Il s’offrait là
En sacrifice
Sur l’autel dévasté.

L’orchestre dont chaque corde
Attendait l’archet
S’apprêtait à ressusciter en lui
Tout un peuple de branches,
De feuilles, de ciels familiers,

Depuis longtemps promis.

samedi 17 mai 2008


Ces arbres, ces champs,
Ces toits, ces maisons, ces forêts,
Ces troncs alignés dans la mer,
En quelles écorces de ton enfance
Sont-ils gravés au canif,

En quelles feuilles de saules
Endormis leurs printemps ?

Et l’homme qui était ton père
Où a-t-il pu plier sa force,
Lui dont les bras
Elevant les foins
Faisaient face au soleil ?

jeudi 15 mai 2008


Ces carnets,
Qui te les a prescrits,
Qui t’a indiqué leur voix ?

L’alouette
Signale-t-elle à d’autres
Son butin ?

Tu t’aventures seul
Sur ces traces exaucées.

Tu pars sans vivres,
Sans itinéraire,
Sans savoir où aller.

Tu ne négliges pourtant
Aucune halte,
Aucun feu d’aubépine,
Aucun nuage familier,

Tu te tiens debout,
Parcourant patiemment
La feuille des saisons,

Guettant
Le moindre frémissement,

Poussant l’arceau du vent
Dans le soleil.

mercredi 14 mai 2008


Tu avais l’eau pour sœur.
Bien d’autres avant toi
L’avaient chantée !

Elle était partageuse et pure,
Transparente au mystère.

Elle revenait la nuit, le jour,
Jamais tu ne le savais.

Elle nourrissait
Tes branches souterraines,
Redonnait du printemps
A tes feuilles.

Tu n’avais aucun pouvoir sur elle.

Et si un jour elle ne revenait plus,
Qui souffrirait le plus
Tant la vie, en vous séparant
Vous avait à jamais unis ?

mardi 13 mai 2008


Elle était dans ta vie
Comme un sacrement,

Une offrande intouchable.

Tu avais choisi de te laisser faire
Par ce signe immuable.

Pas plus que le vent,
Tu ne saurais dompter son errance.

Tu communiais
A la parcelle infime
Chaque jour qu’elle te laissait,

Et c’était comme un pain bienfaisant,
Une nourriture sacrée
Qui ressoudait tes os,

Proclamait en ton âme
Des siècles de jachères,

Envisageait très loin
De vastes moissons hauturières.

lundi 12 mai 2008




Tu avais appris à ne pas retenir
Cela qui t’emportait,

Cet amour impalpable
Rythmant les marées de ton sang.

Il n’y avait qu’un lieu
Où le ciel s’ouvrait,

Qu’un estuaire
Dans l’offrande des jours,

Tu sentais de partout
Ses racines te prendre,

Tu espérais
La nuit de ses feuillages,

Tu laissais le courant
T’empoigner dans sa joie.

dimanche 11 mai 2008



Le chant des arbres,
C'est la vie qui nous tient réunis

Je suis partout,
Veillant sur vous,
Sur cette terre.

Jacques Bertin


Au-delà des silences
De Celui qui t'enseigne
Y-a-t-il place encore
Pour la parole?

Une entaille,
Un interstice
Pour y glisser ton poème,

Le souffle d'une brise
Lègère
Pour l'emporter?

Toutes les couleurs
De la langue que tu cherches
Sont réunies dans le matin
Du jour de Pâques,

Soleil,
Qui fait de chacune de tes heures
Un jardin à traverser!

samedi 10 mai 2008



Rejoindre les marées fraternelles
De l’enfance,

La petite main rassurée
Qui sans trembler
Tient la tienne,

Traverser la forêt de troncs noueux
Telle une armée en déroute,

Ne pas craindre
L’assaut répété des vagues,

Ne pas quitter des yeux
L’icône du soleil,

Prendre à pleines mains cet alliage
De sels et d’ors,
Ces bleus constellés,

Tenir vivante la promesse,
Quoiqu’il arrive, ne jamais la lâcher !

vendredi 9 mai 2008




Mais Seigneur Dieu
Comme la vie était jolie
En ma bretagne bleue!

Xavier Grall


De chaque jour
Tu aimerais composer un morceau,
Une symphonie.

Te souviens-tu de ce mercredi bleu
Où tant de voiles peignaient les grèves ?
Il y avait du feu sur ton établi !

Et le soir un poète trouvait des mots
Pour résumer ta vie.

Cet homme qui labourait tes terres
Chantait la Bretagne
Ressuscitait ses pardons,

De quel lointain sommeil
T’adressait-il encore
La mouette rieuse de son regard ?

jeudi 8 mai 2008


Clin d’œil des rencontres
Entre poètes noctambules,

L’amitié au bord des cils
Et la poignée de main
Muette comme un cœur.

Serais-tu un jour admis
Dans cette confrérie
De ceux qui savent parler au vent,
Ecouter la pluie ?

Ces pauvres qui t’accompagnent,
Tu n’irais pas les renier
Pour trente sous,

Un rayon de miel
Suffit à leur bonheur.

mercredi 7 mai 2008



De l’arbre elle avait retenu
Sa parenté avec le vent,

Elle devinait l’oiseau
Avant qu’il se soit tu,

Elle laissait faire les courants,
Gagnait les passes dangereuses,

Elle redoutait l’exil.
Elle était faite pour aimer,

Sa voix se plaçait
Sur chaque feuille,

Son chant redressait
Chaque fleur,

Et ses mains virtuoses
Se posaient sur ton cœur.

mardi 6 mai 2008


Tu avais reconnu
En chaque parcelle de tes journées
La voix cassée du temps
Par où la lumière s’engouffrait.

Tu restais silencieux
Célébrant le passage
Que nul ne connaissait.

L’instant n’était plus séparé
De son axe,
Le ciel tenait la terre
En son milieu,

Toi, sans trembler,
Tu écartais parfois les branches,

Rien ne te détournait
De l’espace sacré
Où venait se glisser
La brûlure d’un visage.

lundi 5 mai 2008



Au faîte du silence
Avide il boit le ciel
A la source

Anne Perrier
Il suffit d’une poignée d’ajoncs
Sur l’ardoise du ciel
Pour peindre ton pays,
Poing dressé face à la mer.

Comme pommiers en fleurs
Les neiges et l’oiseau
Dispersent ses labours,

Tout chante en cette terre
Compagne des tempêtes,

Et la mort traversée,
La grande familière.

dimanche 4 mai 2008



Quel est le lieu des morts,
ont-ils droit comme nous à des chemins,
parlent-ils, plus réels étant leurs mots,
sont-ils l'esprit des feuillages
ou des feuillages plus hauts?

Yves Bonnefoy

Pourvu que tu sois resté
Veillant,
Priant,
Auprès de ce corps impassible,

Un jour
Tu connais la joie pure,

Tu vis dans la prophétie !

Les morts,
Il faut les prendre sur son dos,
Les descendre de leurs croix
Inutiles.

Il faut les déposer
Sans bruit
Dans une roche en soi
Que nul n’a visité.

Il faut savoir attendre
Que la nuit les consume.

samedi 3 mai 2008


Tu n'en finis pas
de croire au printemps!

Certains crient au scandale :
Comment peut-on perdre son temps
Avec une poignée de mots
Pour chanter l’aujourd’hui ?

Quand il y a tant à faire,
Un monde à fabriquer,
La terre à retourner,
La morale à sauver !

Mais toi, tu passes au milieu d’eux,
Tu vas ton chemin.

vendredi 2 mai 2008


Savais-tu
Que le bois le plus dur
Etait aussi capable de fleurs,
D’oasis,
De gestes de douceur ?

La roche la plus fermée
Elle aussi livre passage.

A chaque instant
Le bras fort de la vie
Cherche à rouler la pierre.

jeudi 1 mai 2008



Sous un ciel opaque,
Le printemps est là.

Je ne le vois plus,
Je t’entends.

Fr. Roger Schutz

De combien de ciels
N’as-tu pas été l’hôte,
Et dont tu n’as rien vu ?

Qui t’a mis sur cette terre
Pour t’enfouir sous le gris
De tes pensées,

Te recouvrir de choses
Mortes,

Te rendre seul comptable
De tes idées ?

Il est dehors
Des couleurs à aimer,

Des fleurs
Des cris d’oiseaux,
Des matins purs,

Qui t’appellera
A sortir du tombeau,

Qui t’enseignera
A voir,

Qui t'apprendra
A écouter ?
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