Les Granges de Lesches, terres de Marcel Légaut, août 2009
Penser, c'est déjà se soutenir dans le vide.
C'est comme nager ou comme faire le funambule.
C'est un exercice qu'il faut apprendre.
Pour pouvoir penser,
il faut avoir appris à se soutenir dans le vide.
Autrement dit, il faut avoir pu prendre appui, au moins une fois,
sur un autre qui déjà se soutenait dans le vide,
qui lui-même avait appris cela d'un autre encore.
C'est à cela que servent - allons-nous devoir le dire à l'imparfait - les maîtres.
Faire l'apprentissage de penser n'est donc pas une affaire simple.
Il s'agit non seulement d'apprendre,
mais aussi et surtout d'apprendre à apprendre.
Non seulement de connaître ce qui a été appris,
mais aussi de quitter l'appui que l'on a pris sur ce qui a été appris de l'autre.
Car continuer à prendre appui, ce ne serait pas vraiment penser,
puisque penser, c'est tenir sans appui.
Ou en tous cas, avec uniquement la mémoire de l'appui.
Il faut donc le lâcher, cet appui,
et, à partir de là, tenir.
C'est cela, penser :
se soutenir dans le vide,
tant que dure la vie.
Jean-Pierre Lebrun
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