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mardi 28 février 2023

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Pierre Tanguy a lu le dernier livre de Philippe Forcioli : « Les impromptus de la Sauvegarde »

   Le chanteur et poète Philippe Forcioli a rédigé sur son lit d’hôpital avant sa mort le 16 février dernier, à l’âge de 69 ans, un livre-témoignage sur l’expérience vécue sur place mais encore plus sur certains moments-clés de sa vie. Un livre de gratitude et de ferveur de la part d’un homme qui a « troqué sa guitare contre un clavier de paradis/pour célébrer la vie en toutes ses octaves », comme l’écrit son ami poète et éditeur, Jean Lavoué, qui publie aujourd’hui le livre du chanteur. 

   Les impromptus de la Sauvegarde. Un titre de livre qui mérite explication. Impromptu, nous dit Philippe Forcioli, parce qu’il s’agit d’un manuscrit « improvisé », « sans préparation ». La Sauvegarde, c’est la clinique lyonnaise où il sera soigné au cours de cet hiver 2022-2023. « J’aime bien ce titre, note-t-il, je le verrais bien inscrit sur un bon et honnête bouquin doux au toucher, je l’emporterais dans mon panier, impatient d’entrer dans ce titre un peu mystérieux mais attirant ». Jean Lavoué a comblé ses vœux.

  Le déclic pour engager ce travail d’écriture a été, pour lui, l’annonce de la mort du poète Christian Bobin, le 23 novembre dernier. A peine huit jours après, Philippe Forcioli entamait son livre en commençant par un hommage appuyé au poète et penseur du Creusot dont il se sentait si proche. Et il le termine par une anecdote relative à Bobin (« histoire vraie d’un petit miracle ») puisqu’une dame de service de l’hôpital lui raconte, un jour, avoir bien connu le poète et surtout son amie Ghislaine dont celui-ci gardait les enfants (Ghislaine, La plus que vive, du récit fameux de Bobin). La boucle était bouclée. Comme un signe du destin.

   En une série de poèmes ou textes courts, Philippe Forcioli évoque sa vie d’hôpital en commençant par un hommage appuyé et profondément touchant aux infirmières, « veilleuses sans cesse allumées de l’intérieur ». Le lisant on pense ici au livre de Lydie Dattas, qui fut la compagne de Christian Bobin (décidément, on ne le quitte pas), racontant dans L’expérience de bonté (éditions Arfuyen) l’attention soutenue que lui accorda une religieuse infirmière lors d’un séjour à l’hôpital, alors qu’elle était enfant.  Les infirmières, donc, « aux gestes les plus délicats ». Mais aussi la chimio ou l’anesthésie locale, « allongé sur un lit à roulettes sous une toile bleu-vert » quand le chirurgien demande à l’infirmière : « Chantal, assurez-vous que M. Forcioli est à plat ».

Philippe Forcioli rêve, médite, interprète le passage des nuages (« ce don gratuit du ciel »), ces nuages dont Christian Bobin disait qu’ils étaient de « merveilleux infirmiers ». Il rembobine sa vie, celle d’un enfant « dans le ciel d’Algérie l’Oranie la forêt de M’Sila où mes grands-parents s’occupent d’une ferme viticole ». Celle d’un gamin qui assiste, émerveillé, au match Algérie-Brésil (avec Pelé) le 17 juin 1965 dans un stade d’Oran. Mais, surtout, voici sa mère, dont il dresse un portait touchant et dont il rapporte des confidences qu’elle lui a faites. « Elle m’a dit /chaque fois que j’entends que l’on frappe un enfant/j’ai envie de hurler j’ai envie de griffer » (…) « Elle m’a dit/ à sept ans j’ai remporté le premier prix de chant au conservatoire de la cathédrale ».

   Tenait-il de sa mère ce don pour le chant ? Pourquoi ne pas le penser. Philippe Forcioli, en tout cas, en a fait son métier. Il a bourlingué dans toute la France, surtout dans le sud, chansons « à textes » en bouche (façon Jacques Bertin, Julos Beaucarne ou Félix Leclerc), guitare en bandoulière. Il le raconte ici. Un bail de 40 ans. « Me suis rarement vendu. Partagé, loué, donné pour rien souventes fois, telle fut ma vie ». Vie de poète aimant les poètes. Bobin, bien sûr. Mais aussi René Guy Cadou, le poète « solaire et fraternel » qu’il a mis en chansons, comme l’a fait Manu Lann Huhel en Bretagne.

    Philippe Forcioli aimait Cadou. Il a chanté en Loire-Atlantique dans le pays de Cadou. Il aimait la Bretagne où il avait un réseau de fidèles. C’est en Bretagne que son livre-testament est aujourd’hui publié. Un livre qui répondait à une exigence, à une nécessité intérieure. « un jour nous comprendrons que la poésie n’était pas un genre littéraire mal vieilli mais une affaire vitale, la dernière chance de respirer dans le bloc du réel », écrivait Christian Bobin dans Un assassin blanc comme neige (éditions Gallimard). Philippe Forcioli nous le démontre s’il en était besoin.
                                                                                Pierre TANGUY.

Les Impromptus de La Sauvegarde, Philippe Forcioli, éditions L’Enfance des arbres, 132 pages, 15 euros (disponible en librairie sur commande ou chez l’éditeur, frais de port 4,50 euros, L’Enfance des arbres, 3, place vieille ville, 56 700 Hennebont, message à jlavoue@gmail.compour un virement)

Photos : portraits de Philippe Forcioli par Francis Vernhet et de Christian Bobin par Dominique Errante








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dimanche 26 février 2023







 Un chemin intérieur, Cheminer vers soi sur les pas du Petit Prince : ce livre de Muriel Mazet est paru en 2022 aux éditions L’enfance des arbres. L’auteure vient d’évoquer son ouvrage dans ce bel entretien avec Jeanne d’Anglejan sur RCF.

JL

Cheminer vers soi avec Le Petit Prince
Jeanne d'Anglejan - RCF, le 20/02/2023

CHEMINER VERS SOI AVEC LE PETIT PRINCE Durée : 29 min

Écrit et publié en 1943, "Le Petit Prince" est le livre le plus traduit à travers le monde après la Bible et le Coran. Aujourd’hui, il continue d’inspirer et de délivrer des leçons de sagesse, et ce peu importe l’âge du lecteur. Les lectures sont plurielles. C’est ce qui a poussé la psychologue et psychothérapeute Muriel Mazet à écrire "Un voyage intérieur. Cheminer vers soi sur les pas du Petit Prince" (éd. L’enfance des arbres).

Pour la psychologue Muriel Mazet, le Petit Prince est "l’enfant que Saint-Exupéry porte toujours en lui. C’est ce qu’on appelle aujourd'hui l’enfant intérieur" 
©Ronan Le Guernevel - photographie Auray

Un livre qui traverse les âges...
 
"Saint-Exupéry continue de nous dire des choses aujourd'hui." Son livre, "Le Petit Prince" (1943), traverse les âges, dans tous les sens du terme. Relire cet ouvrage une fois adulte, c'est voir le conte philosophique d'un autre œil et en tirer des enseignements de vie. L’auteur propose un dialogue essentiel et riche entre un aviateur et un enfant. Ainsi, un lecteur de dix ans y voit une jolie histoire, "un conte de fées", et "plus on avance plus on apprend".
 
Si Muriel Mazet est inspirée par "Le Petit Prince", c'est pour sa richesse : "Il nous fait cheminer vers nous-mêmes. Il m’a aidée à traverser mon voyage intérieur." Ainsi, l’épisode du désert dans le livre symbolise les épreuves vécues dans la vie. À travers les rencontres fabuleuses qu’il fait avec l'aviateur, le personnage du Petit Prince "approfondit plein de choses". Saint-Exupéry a la quarantaine quand il écrit ce livre : "C'est un passage de remise en question pour lui-même." Le désert peut être le miroir de sa propre expérience. Le Petit Prince est "l’enfant qu’il porte toujours en lui. C’est ce qu’on appelle aujourd'hui l’enfant intérieur."
 
... et qui aide à s'apprivoiser
 
"J’essaie à travers mon livre d’ouvrir des pistes de réflexion". De chaque rencontre avec un personnage, on peut tirer une leçon : l’astronome illustre le paraître, le roi est le despote vaniteux et despotique. Tous ces personnages mettent en lumière des côtés obscurs, et sont étonnamment atemporels. La figure du businessman, par exemple, parle aussi de l'époque contemporaine. La plus connue est sans doute la rencontre avec le renard qui enseigne "l’accès à l’autre et à soi dans le respect le plus total".
 
Muriel Mazet invite à cultiver le lien et à percevoir les clés données par Saint-Exupéry pour mieux vivre et mieux grandir. "Pour moi, le Petit Prince, c’est un bouddha miniature", illustre-t-elle. Le personnage s’impose comme un guide qui aide l’aviateur à trouver un puits dans le désert après un long cheminement. "Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part", souligne la psychologue. Il faut donc donner un sens aux épreuves. Plus que ça, Saint-Exupéry invite à s’émerveiller dans le quotidien. En 2023, l'exercice est d’autant plus difficile que chacun est pris dans une "frénésie de choses à faire, de recherche de pouvoir : cela nous fait perdre les choses essentielles", déplore Muriel Mazet.

Livre disponible sur commande en librairie ou à L’enfance des arbres, 3 place vieille ville, 56 700 Hennebont, 17 € + 4,5 € de port

vendredi 24 février 2023

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Voici quelques extraits émouvants du livre de Philippe Forcioli : « Les Impromptus de La Sauvegarde » écrits en décembre et janvier dernier depuis sa clinique à Lyon.
Une lecture magnifique et sensible d’Hélène Sakellaridès diffusée le 20 février sur RADIO semnoz (radio diffusant sur les Savoie).






L’ouvrage est toujours disponible en librairie ou bien aux éditions L’enfance des arbres (15 € + 4,50 de port) jlavoue@gmail.com


















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mercredi 22 février 2023

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Je marche avec vous vers le soleil
Ô mes amis poètes trop tôt en allés

De quelle bourrasque vous ayant emportés
Suis-je le rescapé
Moi que la mort a déjà visité 
Devenu depuis son provisoire naufragé 

Je respire
Je contemple la cime des arbres
Je foule le sol à vos côtés 

Chaque oiseau est pour moi
Le messager de votre chant
Je demeure ainsi en bonne compagnie

Vous nous précédez de quelques coups d’ailes
Au pays bleu qui nous attend

Vous nous accordez tant d’arcs-en-ciel et d’éclaircies 
Tant de révélations silencieuses 
Dans les palais du cœur

Plus j’avance
Et plus la forêt de vos présences
S’épaissit en moi

Je me prépare à m’y perdre avec vous
À devenir l’un de ces troncs moussus
S’élevant jusqu’au ciel

J’accueille dans mes ténèbres
Votre aujourd’hui 
Qui me gracie de toutes vos défaites

Je retrouve dans votre élan
La joie des bourgeons 
La clarté des lisières 
Et l’allégresse d’aller vers ces printemps lumineux

Vous êtes nos boucliers de tendresse et de justice
Contre tous les monstres
Qui nous font la guerre

Vous êtes nos bâtons de marche
Nos vagabonds protecteurs
Nos étoiles annonciatrices de l’aube

Arbres tombés qui nous ouvrez passage 
Poèmes jaillis de nos silences
Chemins de solitude aimante
Longues routes sans pourquoi
Chants d’aveu et de promesse

Vous êtes nos clairières que le matin transfigure
Nos paroliers célestes
Nos guides dans la nuit éclaboussée de feux triomphants.

Jean Lavoué, bois de Saint-Caradec, le 20 février 2023
Photos JL 20/02/23
www.enfancedesarbres.com 

En communion avec Philippe Forcioli, inhumé aujourd’hui à Villar-en-Val et aussi avec Christian Bobin et Christian Lucas, trois poètes, trois amis partis ces trois derniers mois sur le seuil de leurs 70 printemps







 

mardi 21 février 2023

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Les obsèques de notre ami Philippe Forcioli seront célébrées demain mercredi 22 février à 13h30 dans l’église de Labastide-en-Val (Aude) suivie de son inhumation au cimetière de Villar-en-Val, patrie de son cher Joseph Delteil. Ainsi reposera-t-il en proche voisin de Christian Bobin qui, depuis Marciac, pourra continuer à lui adresser le sourire de ses poèmes. Comme il l’avait souhaité, cette célébration sera suivi d’un « banquet » de poésie et d’amitié…

Je partage ci-dessous quelques premières réactions à la lecture de son livre dans lequel, depuis la clinique de La Sauvegarde à Lyon puis de l’unité de soins palliatif, il nous a livré son cœur au cours de ses dernières semaines de souffrance transfigurée par la jubilation de l’écriture poétique…

JL

Quelques premières réactions de lecteurs …

Au bout d’une épopée chansonnière de plus de quarante ans, Philippe Forcioli, sentant que son heure est venue, veut se « rassembler ». En quelques semaines il rédige sur son lit d’hôpital un bouquet d’impromptus, des traits d’humour et des lignes d’amour destinés à tous ceux qui ont reconnu ce rossignolet des maquis. La lecture du bouquin ne pourra remplacer la belle voix de cascade du chanteur méridional. Mais sa prose allègre restitue bien les facettes multiples qu’il a dévoilées tout au long de son rosaire de chansons. Les sujets varient, mêlant doux souvenirs à son présent d’épines. Chaque court chapitre prolonge sur un ton tout personnel la gaillardise et la truculence d’une certaine chanson populaire, l’élégance et les fulgurances d’une poésie terrienne, l’expression primesautière d’une âme franciscaine.  
Espérons maintenant un codicille à ce recueil testamentaire. La fantaisie et l’humour ne dorment jamais que d’un œil, c’est aussi ce que Forcioli nous dit en relatant les signes que lui envoient son ami Christian Bobin qui le précède depuis peu au paradis des poètes.
Arnaud Choutet, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la musique Folk


Je suis bouleversée par cette lecture, la puissance des mots, la qualité de la célébration où « Joie » va et vient sans bruit.
J’avais dit « vie à l'œuvre » et c'est encore au-delà de ce que je pouvais pressentir : Les impromptus ont appelé le miracle et cela est vrai !
L'ouvrage est de toute beauté, un vrai bijou, clair comme eau vive et chant d'oiseau. Merci aux veilleurs par qui Lumière passe. 
Lise, auteur de « Matins de tendre espérance », L’enfance des arbres 2019

Ami Philippe, je viens de recevoir votre bel ouvrage, et de le lire aussitôt. Émotions multiples, devant Philippe enfant, voyageur, en foi, en colères, riant, râlant, soufflant de l’air, comme toujours dans ses concerts, l’air du souffle et du chant et le frottement des mains et le regard large et le sourire profond. C’est beau, ce que tu as écrit, ils sont si touchants ces impromptus … Merci merci merci à toi !
Jean-Luc Schwartz, chanteur

Les « Impromptus de La Sauvegarde » sont comme une dentelle de mots vifs et joyeux – graves également – traduisant au plus près, le vécu d’un séjour en hôpital. Les mots ici se pressent, fusent, s’exaltent, résonnent.  Arthur Rimbaud y est présent en coulisses ainsi que Christian Bobin, à la fois déclencheur de l’écriture et compagnon reconnu de la joie souterraine. Philippe Forcioli s’avère ce franciscain dans l’âme, lui aussi est un messager du Très-Bas et compagnon émerveillé des paysages quotidiens. Son regard s’enchante de la présence attentive des infirmières comme de celle qui l’accompagne depuis l’enfance. Ce livre « sensible », à la Delteil, est un vrai trésor de confidences et de lumière. Comment ne pas y reconnaître « les germes d’une joie inconnue où les larmes abondent » ? Voilà Les Impromptus de La Sauvegarde, un livre passerelle, riche d’humanité, vibrant de poésie, tout spirituel.  Philippe ne théorise pas, il ne fera pas de diagnostic décidé à propos de la société. On peut connaître la dureté de la souffrance et maintenir le cap de la Joie. Il se situe du côté du secret de l’âme, de la musique naissante. À mettre entre beaucoup de mains, comme un cadeau furtif.
Joseph Thomas, auteur de plusieurs ouvrages dont « Nicodème ou le secret du Roi », Éd. Mine de Rien

« Dieu veuille que je voie le printemps, Dieu veuille que je tienne un jour dans mes mains ces impromptus sauvegardés… Que la joie quotidienne qui m’anime ici dans ce lit de malade m’accompagne jusqu’au bout ». La citation décrit la réalité d’un ouvrage arraché aux obscurités pour faire entrer la lumière des jours. Le livre vient de paraître. Comme un printemps avant l’heure. Poésie et foi, Philippe Forcioli questionne l’une et partage l’autre. Poète ? Voilà que « ce grade suprême dans la hiérarchie des dons, des talents » lui est attribué. Il est devenu poète affichant plus de 500 chansons-poèmes, 15 CD, 3 recueils et nombre de prix et donc : « Tout pourra être » écrit-il, et même être sauvé assure-t-il en citant François Cheng.  
… Ces impromptus sont aussi le recueil d’un « petit miracle ». Comme un signe envoyé par l’écrivain Christian Bobin. « Sacré Bobin », envolé le 23 novembre 2022.  Où l’on découvre la dédicace de l’auteur de « L’homme-joie » à l’ami Philippe : « Pour Philippe qui met le soleil en chansons ». Tout est dit.
Robert MIGLIORINI, journaliste, La Croix, blog Le cabaret du bon Dieu



Les Impromptus de La sauvegarde, Histoire vraie d’un petit miracle, 
132 pages, à 15 euros (port : 4,5 euros) Commande en librairie ou à Jean Lavoué, L'enfance des arbres
3, place vieille ville - 56700 Hennebont Tel 07 89 98 98 28
Ou bien adresser un mail à jlavoue@gmail.com pour un virement

Photo JL de Philippe Forcioli à Clisson, été 2019, lors de la relecture à voix haute de mon manuscrit « René Guy Cadou La fraternité au cœur ».








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lundi 20 février 2023

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En nous aussi existent 
Des saisons insurgées :
Le printemps, par exemple,
Dont nous percevons la venue
Bien avant que n'éclosent
Les premiers bourgeons. 

La sève nous fait signe,
La couronne des arbres
Semble dire oui au soleil.

Le vent hier qui nous glaçait 
Nous enveloppe soudain
D'un châle de douceur,

Et le jardin sans bruit nous appelle 
Pour renouveler avec nous l'alliance,
Le pacte avec la terre. 

Ainsi sommes-nous les passants
Des équinoxes de l'âme,
Toujours exacts au rendez-vous
Mais pourtant exposés aux vents contraires.

À nouveau nous nous tenons debout 
Dans la forêt du monde,
Et nous marchons sans risque de nous perdre,
Témoins irrécusables de ce qui nous dépasse. 

Il en va de même du dialogue 
Que nous entretenons avec nos ombres :
Les silences de la nuit
Nous sont aussi nécessaires
Que les babillages du ciel.

L'échappée de l'oiseau suffira toujours
À nous indiquer un chemin. 

Jean Lavoué, 18 février 2021 
Photo : Jackie Fourmiès







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dimanche 19 février 2023

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Lettre du 12 février 2018 adressée par François Cheng à Nathalie Fréour à propos de notre recueil « Chant ensemencé »…

Février 2018 

Instant miraculeux : d’ouvrir l’enveloppe, s’offrit à ma vue votre album couleur de nuit peuplé d’arbres aux traits blancs, alors que, au même moment, me surprit, par la baie vitrée, la vue du parc voisin enneigé où les hauts arbres dénudés élevèrent la blancheur terrestre jusqu’au ciel. La vie ensevelie, la vie ensemencée. Une seule vérité n’en finit pas de se renouveler, de renaître de ses cendres : la Vie. 
Cette vérité, elle est dite de façon combien émouvante, combien convaincante, par les chants de Jean Lavoué. Ce vrai chantre, ce grand témoin, à l’heure indécise, bien avant l’aube, nous arrache de notre sommeil, nous disant : « le matin t’est confié, / un soleil s’ouvre en toi, » « le souffle, sans un mot / saura bien te guider / vers l’espace ouvert / où ton chant est gravé, » « Le chant, c’est notre vraie déroute / Quand nous ne savons où aller, / notre foi sans écho / nos murs et nos œillères / jusqu’à cette fissure / qui soulève la pierre, / ce fleurissement de femme, / ce printemps des lisières, / cette voix reconnue, / ce prénom murmuré. » 
Transmettez, chère Nathalie, mes salutations reconnaissantes, à l’âme noble et généreuse qu’est Jean, l’Ami. 

F. Cheng















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samedi 18 février 2023

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Quelle émotion, après avoir accompagné toutes ces dernières semaines l’écriture de Philippe et la composition de son petit livre miraculeux jailli depuis son lit de clinique, de souffrance et d’éveil - Les Impromptus de La Sauvegarde* - de recevoir hier de mon ami Michel Lagarde cet entretien réalisé voici plusieurs années dans lequel Philippe évoque, avec sa tendresse et son humour coutumiers, la naissance et l’importance vitale pour lui de l’écriture poétique… et son débat de chaque jour avec la mort. Merci Michel !

JL

PHILIPPE FORCIOLI

Philippe Forcioli a déjà décroché deux fois le prix de l'Académie Charles Cros (grand prix en 1995 et coup de coeur en 2001) c'est vous dire la qualité de l'artiste... Moi... j'ai découvert un homme exceptionnel !
Michel Lagarde pour la revue 1 2 3 chansons 

Depuis quand écris-tu et qui t'a donné l'envie d'écrire ? 

C'est à l'adolescence que ça a commencé, mais il y a eu une première petite aventure dans ma vie liée à la poésie, avec mon frère et ma soeur, je sais pas pourquoi, mon frère était un littéraire, il nous avait mis au défit, plus ou moins, d'écrire des poèmes, et moi je savais pas ça et j'avais trouvé un poème, que je trouvais extraordinaire, je devais avoir 12/13 ans, ça s'appelait « le vase brisé » de Sully Prudhomme « ne touchez pas il est brisé » et j'avais recopié tel quel... et ils n'ont jamais voulu croire que c'est moi qui avait écrit ça... « le vase où meurt cette verveine »... mais moi je disais oui c'est moi... oui c'est moi oui c'est moi ! et à partir de là, ce livre ouvert d'anthologie des poètes où j'avais trouvé ça... ça a commencé comme ca, mais le réel déclic pour moi, ça a été Arthur Rimbaud... quand j'ai lu une « saison en enfer », une semaine après j'ai pris mon sac à dos et ma guitare et j'ai tout quitté, ça c'est passé comme ça dans ma vie ! Alors évidemment j'ai imité Rimbaud, et puis ensuite y a eu la guitare qui est venue là dedans, parce que écrire encore aujourd'hui c'est un style, écrire des chansons c'est une autre histoire, la mélodie, la rythmique, ce qui va être écrit pour être chanté devant d'autres en public c'est tout une autre réflexion.
Mais pour répondre à cette question : qui t'a donné l'envie d'écrire ? Arthur Rimbaud !

Comment pratiques-tu.......as-tu une méthode de travail ?

Non, je n'ai aucune méthode de travail, j'écris dans ma tête et je ressasse, je répète, je la fais par coeur dans ma tête... et je recopie !
Je suis pas l'écrivain qui se met à écrire une chanson, non !

Où trouves-tu ton inspiration et quels sont tes thèmes préférés ?

Je ne pourrais pas dire qu'il y a un lieu où je trouve mon inspiration ! En moi, je trouve en moi, voilà.

Pour les thèmes, ça varie avec le temps... ça fait plus de 35 ans que j'écris, mais j'ai essayé d'aller jusqu'au bout de certains thèmes qui me touchent... les mots, l'enfance. Ce qui m'a touché et me touche, qui me bouleverse encore dans la beauté de la nature « donnée » « offerte »comme ça, tous les jours, gratuitement. Mais aussi sur le « pourquoi »... s'il y a un sens à l'existence et cette grande question de la mort, toujours, qui revient tous les jours, chaque heure (rire).

Est-ce que ta gomme est un instrument utile pour écrire ?

Non... bien sûr je reprends certains thèmes, il m'est arrivé de chanter une chanson et 6 mois après d'enlever un couplet et d'en rajouter un autre...

As-tu un ordre bien défini, paroles puis musique ? La rythmique et la mélodie te « trottent »-elles déjà dans la tête ?

Les meilleurs chansons que j'ai faites, celles qui sont le plus inspirées, pour moi, sont celles que j'ai faites en même temps.

La page blanche te hante t-elle ?

Non, car je me trouve rarement devant une page blanche.

As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ?

Non.

Ecris-tu pour d'autres ?

Non, incapable d'écrire pour un autre que moi, j'ai essayé une fois pour Moustaki (rire), zéro...non, non, je suis pas bon pour ça.

Ecrire est-il vital pour toi ?

Oui bien sûr, oui bien sûr c'est vital...

Les périodes d'écritures sont-elles exaltantes ou déprimantes ?

Pas déprimantes... exaltantes. Les périodes d'écriture, c'est d'un coup retrouver les chemins de la source cachée, perdue, c'est un retour à... c'est une eau de jouvence, un rajeunissement de l'âme et de l'esprit. Non c'est pas déprimant ! Maintenant ça peut venir après une période de déprime ! C'est curieux ce phénomène, y a comme une espèce d'incubation, une espèce de mort, quelque chose de l'ordre de la maladie, je sais pas, qu'on incube...

Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier, ce serait lequel ?

Lis les poètes, et relis-les et lis les tous, tous les styles, voilà ce que je lui dirais.

Ta chanson préférée ?

Je pense à une chanson toute simple, que j'aime chanter avec certains amis à 3 ou 4 voix, « au marche du palais y a un p'tit cordonnier, c'est lui qu'a eu la préférence »Philippe chantonne : « Ma Belle si tu voulais... », c'est vieux comme le monde, elle a été reprise, mais enfin c'est l'histoire de la Belle qui tombe sous le charme de celui qui sait lui parler, qui est pourtant laid, c'est un p'tit cordonnier, un p'tit cordonnier à l'époque c'était un juif, sabotier, pauvre, mais il sait lui dire quelque chose de doux et de beau... et c'est ça qu'elle préfère la Belle et pas le beau mec et ça et ben c'est rassurant (il se marre)... voilà !

Y a t-il une question à laquelle tu aurais aimé répondre et que je ne t'ai pas posée ?

Oui, pour qui tu écris ?

(Lentement, il insiste sur chaque mot...) 

J'écris pour un enfant, un adolescent qui viendra et qui lisant mes vers, aura d'un coup son grand combat intérieur entre Jacob et l'ange, aura d'un coup vaincu... sortira avec la tête de satan ( Philippe mime l'adolescent portant une tête à bout de bras ! ) grâce à mes vers... j'écris pour donner, pour consoler, pour les coeurs blessés et j'écris pour faire un grand pied de nez à la mort...

Merci Philippe

A découvrir aussi le site de Philippe :http://sitephilippeforcioli.free.fr/index.htm
Pour lui envoyer un message :   forciolichante@club-internet.fr
Un extrait de : "Chanson du pain" de Philippe Forciol

Michel Lagarde

* Livre disponible en librairie et aux éditions L’enfance des arbres (m’adresser un message privé ou mail jlavoue@gmail.com) 


vendredi 17 février 2023

 




Notre ami Philippe Forcioli nous a quittés ce 16 février 2023. Il a eu la joie, il y a tout juste une semaine, de tenir entre ses mains son petit livre de vie, « Les impromptus de La Sauvegarde », écrit depuis son lit d’hôpital entre le 30 octobre 2022 (date à laquelle il apprend la mort de Christian Bobin) et le 15 janvier 2023. Depuis un mois et demi, nous œuvrions quotidiennement ensemble à faire venir au jour ce beau chant de vie et d’espérance… 


« Il ne restera de nous », c’est avec cette chanson que j’ai tant aimé interpréter au fil des années, que je lui dis ici un au revoir fraternel : http://www.dailymotion.com/video/x80oi0

Il ne restera de nous
Qu’une poignée de sable
Le souvenir très doux
Des heures passées à table
A partager le pain d’amour
Et les paroles comme cascades

Il ne restera de nous
Qu’un soleil d’évidence
Dansant nu et très fou
Sur l’autel de l’enfance 
Et brûlant gris tous ses cheveux
Au mystérieux de l’existence

Jusqu’aux berges de nous
J’ai poussé la balade
J’ai bu tous les vins doux
Des larmes camarades
Le désert est un océan
Et l’amitié un coquillage

Je m’en vais tout au bout
De ma vie de bohème
Le poème à genoux
Sera mon chrysanthème
Ma mémoire est un grand labour 
Des pas sonores de ceux qui sèment

Il ne restera de nous
Qu’une poignée de sable
Le souvenir très doux
Des heures passées à table
A partager le pain d’amour
Et les paroles comme cascades

Portrait de Philippe Forcioli par Francis Vernhet









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[URL=http://www.compteur.fr][IMG]https://www.compteur.fr/6s/1/6057.gif[/IMG][/URL]