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vendredi 30 juin 2017

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A nous poètes en herbe
Jeunes et moins jeunes
Cherchant le bel été
Pousses balbutiantes
Ou bien tiges déjà affirmées
Je nous souhaite
De ne pas nous laisser détourner
De notre  voie sacrée

Lançons-nous des défis sans réplique
N’écoutons les voix qui déconcertent
Que si elles sèment en nous
A corps perdu
Des graines de jeunesse
Le souffle qui délivre
L’élan qui agrandit

Donnons-nous de l’espace
Comme à nos fleurs coupées
A nos brindilles d’amour
Ou même à nos vivaces
Tout autant qu’à nos hirondelles blessées

Ne courons pas après les modes
Citadelles de certitudes et de savoirs
Façades aux miroirs sans fond
Dont les sanctuaires nous scrutent
Mais laissons-nous atteindre
Par les causes perdues
Par ces villes torturées
Ces victimes sans nombre
Ces milliers de passants
Dont les barques en nous chavirent

Préférons encore les sentiers moussus
Et les nuits de lichens
Là où la fine joie grandit
Où l’humble solitude
Compose sans regrets
Avec nos visages simples
Son masque de feuillages

Ecoutons le silence
Qui fait trembler nos branches
Accueillons le repos
Où les mots sont légers
Où l’attente est sans prise
Où le don est gratuit.


Jean Lavoué

Photo JL, Le Blavet, Hennebont

lundi 26 juin 2017

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Combien c'est reposant
De ne plus compter sur demain
Pour vivre aujourd'hui même
Tout ce qui est à vivre

Comme c'est libérant
De creuser chaque jour
Le sillon de l’instant
Où notre cœur se donne 

C'est un carré d'amour
Qui s'ouvre en plein ciel
Une fenêtre de gratitude
Sur la beauté des jours

Tu y croises les rayons de l'été
Et la verdeur de l'âme 
Tu caresses du regard chaque fougère
Chaque sourire chaque matin      

C'est un chemin docile
Aux aspérités du silence
Une simple respiration
Posée sur la patience des heures

Comme c'est vivifiant
Et tendre pour le souffle 
De laisser ainsi monter en soi
La sève de la joie.


Jean Lavoué








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samedi 24 juin 2017






Aujourd'hui dans Ouest-France, en hommage à Leili Anvar


Pour une culture ouverte aux forces de l’esprit


Plusieurs pétitions circulent sur les réseaux sociaux. Après huit ans d’émissions consacrées sur France-Culture au dialogue entre les spiritualités, d’abord avec Frédéric Lenoir pour « Les racines du ciel » puis seule, depuis deux ans, pour les Discussions du soir, Leili Anvar vient d’apprendre que son émission n’est pas reconduite dans la future grille des programmes de septembre. Motif : « la chaine culturelle a d’autres préoccupations que la spiritualité ! » Nombreux sont les auditeurs qui s’émeuvent d’une telle décision. Qu’une chaîne publique consacre au dialogue entre les aspirations spirituelles de l’humanité une heure hebdomadaire constitue pour beaucoup un havre, une respiration, un signe d’espoir et d’ouverture en cette période de guerres de tranchées et de violences exercées au nom de la religion.

Leili Anvar incarne elle-même ce pluralisme tant par son origine iranienne et sa spécialisation dans la mystique et la poésie soufies - ses œuvres de traductrice du grand poète persan Attâr en témoignent -  que par son ouverture et son intérêt pour toutes les manifestations de l’esprit. Sa porte n’était fermée à aucune expression, pourvu qu’elle ne soit pas revendicatrice d’une vérité exclusive mais qu’elle vise, au contraire, la fine pointe où toutes les expériences spirituelles authentiques finissent par converger.

On imagine aisément ce que des personnes, y compris dans ce monde de la culture, fermées à toute expérience de cette dimension d’intériorité, puissent trouver à redire en voyant défiler dans le studio de Leili Anvar des religieux ou des laïcs au sujet desquels il peut être tellement tentant de n’en rester qu’à l’apparence : aux signes religieux extérieurs ! Sans jamais chercher à percer, et d’ailleurs le plus souvent sans le pouvoir, le secret de ces vies habitées par le mystère d’une présence qui ne se réduit ni à l’intelligence, ni à la psyché ou au corps, ni au matérialisme utilitaire.

En ces temps où, plus que jamais, le dépassement des formes stériles de laïcisme pour s’ouvrir à une laïcité d’intercompréhension et de dialogue s’avère d’une urgente nécessité, la fermeture de cette fenêtre de réceptivité et d’intelligence à l’égard de l’étincelle de l’âme humaine paraît incompréhensible. Pire c’est une erreur, une faute majeure ! Là où devrait être encouragé tout espace de rencontre avec l’autre dans sa différence, sa beauté intérieure et sa sensibilité aux choses de l’esprit, comment comprendre cet asséchement délibéré de la culture ? Car celle-ci ne saurait se résumer à la gestion de la psyché ou de l’intellect. Elle se doit de prendre aussi en compte ce qui en l’homme se révèle plus grand que lui mais ne pourrait pas être sans lui : ce que des athées, des  agnostiques comme des croyants peuvent d’ailleurs éprouver ! Or c’est bien à cela que s’attache précisément la voix de Leili Anvar comme celle de tous ces auteurs reçus au fil des années.

Si par souci d’une laïcité mal comprise on boucle de tels espaces publics, si par utilité marchande les chaînes publiques n’ont pour seule boussole que l’audimat, quitte à mépriser toute une partie de leurs auditeurs pour lesquels l’intériorité compte davantage que le divertissement, si l’impérialisme de la technique et des sciences doit réduire à néant toute velléité de penser l’homme dans sa dimension également spirituelle, alors on peut être sûr que des religions mal comprises et violentes continueront à dévaster les fragiles territoires de notre humanité.


Jean Lavoué, auteur et éditeur

Photo ©-P.-Desrousseaux

jeudi 22 juin 2017

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Il y a en toi 
Bien plus de mots d'amour,
Plus de notes de feu
Et d'oiseaux océan,
Que pas une fontaine, 
Le plus brûlant poème, 
La plus folle cantate,
Ne pourraient contenir.


Jean Lavoué

































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dimanche 18 juin 2017

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C'est un matin peut-être
Où les arbres te montrent
Impatients le chemin,

Un matin où marcher
A des allures d'enfance,
Même de premiers pas,
De sève trouvant sa voie,      
Sa ligne de vie chanceuse,
Dans l'azur éclaté, 

Un matin où les bruits, 
Toutes les rumeurs du monde,
Montent puissants vers toi 
En échos sans pareil,
En gestes assourdissants,
En retraits silencieux,
En signes qui ne trompent,
Un matin sans mépris
Où ne pas triompher 
Mais rejoindre à tout prix
L'aire fertile du soleil.

C'est un matin d'amour
Où nul ne peut gagner
Ni s'emparer du sceau
Sans reconnaître en soi
L'ombre de chaque frère. 

C'est un calme horizon
Que nous n'atteindrons pas
Sans laisser place à l'autre,
Un feu dans les remises 
Un brasier sous les combles,
Une tempête logée sous l'écorce des mots,
Un silence refoulé
Dont on pressent les cris.

C'est un matin fiévreux
Pour dire la justice
Et la bonté exacte
Sous  les branches de vivre,
Un jour pour n’ignorer
Tout ce qu’il reste à faire
Afin que l'homme en nous,
Son Chant et ses racines,
En toutes leurs agonies,
Partout soient secourus.


Jean Lavoué


dimanche 11 juin 2017

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Comme il s'atténue vite 

Le bruit sourd qui cogne
À la porte du cœur,
Dès que la vie nous hèle,
Dès que l'espace est là,
Fruit ouvert tout entier,
Ce printemps de feuillages,
De balançoires et de ramiers, 
Ce feu d'enfances éblouies,
Cet orchestre habité,

Comme il devient ténu
Le tic-tac du temps,
Et comme on rejoint vite
Cette passion gourmande  
Et cette rage de vivre,
Nougaro au piano,
Les trompettes du vent
Et les tam-tam maudits,

Mais rien n'arrête en fait 
Le glissement des heures,
Nulle musique ailée,
Nul chant pour s'étourdir,
Nul saxo aux sanglots,
Nulle émotion tenace, 

Seule cette connivence,
Cette étreinte éprouvée
Avec l'envers des choses
Ou plutôt leur jeunesse,
Leur éclat sans couture,
Leur surgissement sans dû,

Et cette célébration qui dilate l’esprit
À l'auberge du fleuve, 
Et cette gratitude de se savoir aimé,
Dans ce qui reste à vivre
Et ce qui a été.

Jean Lavoué

Photo JL, Le Blavet, 10 juin 19H30





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jeudi 8 juin 2017

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J'ai arpenté une fois encore les couloirs infinis
De cet immense vaisseau adossé au grand large.
J'ai soupesé un à un tous les sacs de douleur,
La plainte silencieuse des marins en partance.
J'ai porté sur chacun un regard de confiance,
Et nous avons dit oui,
Et nous nous sommes compris.
Je connaissais le moindre bruit,
Et les signes têtus et les gestes d’amour
Et l'odeur des varechs, la courbe de la rade,
Le sillage ébahi des navires en partance.

J'ai laissé nos voies de mer aux  mouettes et aux vagues,
Abandonné au ciel le fil de nos errances.
J'ai salué le vent, le soleil, les nuages,
Et hissé haut les voiles pour couronner nos songes,
Puis béni l'horizon pour tout ce qu'il cachait,
Les remous, les courants, le secret des hauts-fonds,
Les récifs sans cordages,
Mais aussi pour les passes,
Les brèches espérées
Et pour la joie furtive.

Je garderai en moi la ferveur de ces quais
Comme espace donné où la clarté se fait,
Clairière de haut amour, comme un beau talisman.

J'ai hâte de retrouver mes racines et mes souches,
Mon temple de verdure,
Mes lichens et mes sèves,
Le souffle vertical où tout est célébré, 
Où chaque chant nous lie,
Où la Vie n'attend pas.

Mais je n'oublierai pas
D'emporter avec moi
Ces vastes trouées de paix
Et ces carrés d'azur où l'essentiel se dit
Derrière chaque hublot,
Chaque matin promis. 


Jean Lavoué


Hôpital du Scorff, Lorient le 7 juin 2017

Photo, Le départ du marin pêcheur - Fécamp - 1949 © Willy Ronis

mardi 6 juin 2017

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C'est parfois un souffle léger,
Comme la caresse d'un fin silence,
- Annonciateur de quels bouleversements ? -
Qui s'engouffre dans la fenêtre des jours.

Rien n’est changé
Et pourtant l'air que tu respires
Paraît soudain plus vaste,
Comme si l'espace en toi s’était soudain élargi.

Ce n'est pas par voie d'imagination 
Que tu te laisses alors déplacer par ce vent inconnu,
Ni par subtile méditation,
Mais par simple consolation de n'être que ce que tu es,
Laissant place en toi pourtant, imperceptiblement,
A Cela que tu aspires à devenir.

Tu pressens qu'il y a là
Bien plus que tu ne peux nommer,
Ce que ta voix elle-même ne saurait saisir,
Ni aucun mot,
Ni aucun espoir,
Ni aucune crainte.

Ce Chant peut-être dont nous sommes
A la fois pour un temps les comètes visibles
Et l'espace infini où elles se déploient.

Aucun de nos rites,
Aucune de nos échappées stellaires,
Nulle de nos constructions mentales
Ne peuvent donner prise à cette entente vive, 
A ce tracé dans l’invisible
Dont nous sommes les veilleurs,
Les bergers d'un feu qui ne faiblit pas ;

Mais le mystérieux sourire en soi d'un enfant à naître,
Son don très secret qui nous protège,
Et son silence en nous, à pas lents,
Déjà mesuré.

Jean Lavoué

Gentle Breeze est une photographie de Lyle Huisken


dimanche 4 juin 2017

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J’ai tout aimé. Et ma sagesse fut d’aimer follement.

J’ai tout aimé. C’est mon honneur. Vous ne me retirerez pas cela. Pas cette faim en moi des autres jusqu’à m’enivrer, pas cette gourmandise-là. Tous les chemins courent entre les haies d’été vers la rencontre heureuse d’Emmaüs. Et nous sommes sauvés et nous ne le dirions pas ?

J’ai tout aimé : hommes, femmes, enfants. Sources, lacs, forêts. Montagnes, plaines, vallées. Les ports gonflés de rêves. Le sel. Le soleil !

J’ai tout aimé. Je me suis rassasié d’amour.

J’ai tout aimé. Et j’aurai aimé aller au-delà des êtres.

Vous aimerez la Joie, vous aimerez l’Amour. Vous irez par la terre recréant les paysages que j’aimais, bénissant la lumière et vous parant d’aurore.

Je vous conjure d’admirer. Tout est fabuleux pour qui sait regarder. La fraicheur du regard est le commencement de la sainteté. Tout est fabuleux de ce que frôlent nos yeux et de ce que prennent nos mains. Les bénisseurs possèdent cette terre.

La foi est porte ouverte, seuil franchi, affranchissement, bruit des pas sur la route, bonne brise, voilier filant aux îles. La foi est aventure, vent claquant, souffle, envolée de colombes, voile gonflée. Partez, partez au nom de Dieu !



Xavier Grall
L'inconnu me dévore


Transmis par Gersende en ce matin de Pentecôte...






























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