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dimanche 31 janvier 2021

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Tu as perdu
L'assurance des lendemains. 

C'est un chemin
De ronces et d'épines
Où tu te faufiles
Dans la nuit. 

L'écriture est la lampe
Que tu tiens
Juste au-dessus de toi. 

C'est l'alliée sûre
Des matins. 

* 

Tu t'avances à pas lents
Vers la lisière de tes peurs. 

Tu as l'enfance
De ton âge, 

Et cette crainte tapie
Au creux de tes silences. 

Sans te lasser,
Tu cherches l'accord
Où nous serions vainqueurs. 

* 

L'ombre s'est épaissie
Sur notre commune 
Attente. 

Au fond de soi,
Chacun espère trouver sa voie
Dans les dédales où rôde 
L'invisible ennemi. 

L'aube que nous cherchons,
Nous la portons en nous 
Comme une boussole
À l'orient des jours. 

*

Tous ensemble
Nous soignons nos blessures, 

Nous portons la flamme
Qui nous survivra. 

Jean Lavoué, 30 janvier 2021
Photo afp.com/PHILIPPE DESMAZES



















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vendredi 29 janvier 2021

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Petit remède pour la planète : 




Préparer pour le Chant
Nos mains de jardiniers ; 

Faire taire 
Tous les bruits, 

Chasser 
La grisaille des ondes ; 

Sur chaque arpent de terre
Dessiner la courbe d'un poème ; 

Y semer à la volée
Des graines de soleil ; 

Faire confiance aux landes 
Et même aux déserts ; 

Attendre avec patience
Qu'une forêt s'y devine ; 

Dialoguer
Avec la moindre pousse 

Être tendre
Avec chaque racine ; 

Veiller à ce que l'oiseau
Confirme chaque branche, 

Écouter avec lui
La musique du silence ; 

Réhabiter ainsi 
Le monde, 

Ouvrir en lui sans se lasser
La clairière des matins. 



Jean Lavoué, 27 janvier 2021
Photo 12019/Pixabay


















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jeudi 28 janvier 2021

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TEL UN ARBRE QUI DURE 

Oui, nous rajeunirons 
Dans les rides de l'aube,
L'écorce aura en nous 
L'empreinte des matins,

Nous serons secourus
De sèves passagères,
Aimantés par le souffle
Aux sources du grand vent,

Avec chaque blessure
Nous serons humbles et tendres,
Patients avec nous-mêmes,
Nous n'abdiquerons pas.

Où trouver cette graine
Où le cœur se prolonge,
Cette force où l'enfance
De l'arbre se propage,
Ce chemin sans chemin 
Où la mort n'atteint pas
La digue de nos pas ?

Au solstice des peurs
Nous laisserons la vie
Nous prendre dans ses bras,
Nous ferons place en nous
Aux racines du ciel,

Dans les bois du malheur
Surgiront les bourgeons
D'une joie printanière,
Nous laisserons le chant
Frémir dans nos feuillages,

Nos branches se noueront
Au tronc de l'espérance,
Nous ne vieillirons pas. 

Jean Lavoué, poème partagé le 26 janvier 2020 
Photo losxo/Pixabay















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mardi 26 janvier 2021

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"Parfois, quand je passe à bicyclette, 

pédalant tout doucement, 

totalement absorbée

par ce qui se déroule en moi, 

 

je me sens en possession

de possibilités d'expression si impérieuses, 

si sûres [...]. 

 

Toute ma tendresse, 

l'intensité de mes émotions, 

 

la houle de ce lac, 

de cette mer, 

de cet océan de l'âme, 

 

je voudrais les déverser en cataracte 

dans un seul petit poème"



Etty Hillesum

















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dimanche 24 janvier 2021

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Si tu creuses
Où tu as tes racines, 

Finiras-tu par trouver
Des mots 

Gardant l'empreinte
Du soleil ? 

*

Le ciel
Est bien trop vaste 

Pour y glaner
Ton chant : 

Dans le secret de l'arbre
La sève écrit le monde. 

* 

Il nous faut retrouver
Dans l'obscur du silence 

Cachés au fond de soi 
Des éclats de lumière, 

Petits signes gravés
Sur l'écorce du vent. 

*

Dans la simplicité de la terre
S'éprouve la foi nue, 

S'épousent 
Les courants 

Et l'oiseau qui se pose
Certifie la parole. 

* 

Davantage d'attention,
Et moins de battements d'ailes : 

C'est avec
Trois fois rien 

Que tu conjugues 
Le verbe aimer.

Jean lavoué, 23 janvier 2020
Photo Jackie Fourmiès




















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samedi 23 janvier 2021

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Si le silence t’échappe,
Echappe-toi avec lui !
Suis le premier oiseau,
Ecoute bien son chant :
Comme il résonne en toi
D’un amour infini.

Si le froid t’engourdit
Chausse-toi de courage,
Mets tes pas dans la neige
Suis des chemins de gel,
Eprouve leur douceur
Apprivoise leurs cris.

Quand le jour t’appauvrit,
Quand la nuit te précède,
Que tu ne sais plus l’heure
Ni l’instant de ta perte,
Pose là tes désirs
Tes armes et tes combats.
Sors des ombres têtues,
Prends la voie souveraine
Qui n’a pour seules lumières
Que d’épouser tes pas.

Si ton cœur te fait mal
Si ton corps te malmène,
Si ta vie est pour toi
Un supplice, une croix,
Ecoute murmurer
La sève de tes veines :
Sois le sang des racines,
L’effleurement de l’aile,
L’adagio des nuages,  
La vibration de l’air.

Si tu te sens très seul
Si l’hiver est en toi
Comme un puits déserté,
Une branche si nue,
Un matin sans soleil,
Frôle la dure écorce,
Devine son enfance,
Sois pour elle saison
Bruissante de bourgeons.

Ne retiens rien pour toi,
Laisse faire le silence
Et il te le rendra
Au plus près de ta joie.

Jean Lavoué
www.enfancedesarbres.com

Photo partagée par Amy Chang et Marie Benoit 
李显波绘画 Chinese ink painting by Li Xian Bo



Combien ce poème, début 2017, était clairvoyant quant aux années qui ont suivi... Malgré l'épreuve, la maladie, l'hiver, la persistance du chant silencieux de l'oiseau qui fait signe...

























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vendredi 22 janvier 2021

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Voici la lettre adressée en 2015 à l’ami Morice Benin à propos du manuscrit qu’il m’avait partagé : « La vie, absolument. Journal d’un saltimbanque ». Il souhaita garder ce texte comme préface à son livre. 


" J’ai beaucoup aimé te lire, Morice, te retrouver avec toute la ferveur de ton engagement pour faire grandir l’humain dans toutes ses dimensions. 

Il y a beaucoup de tendresse derrière ta rage de voir le monde aller comme il va…
Et beaucoup de confiance et d’espérance aussi. 

C’est un très beau livre de vie que tu te prépares à partager
à tous tes amis connus et inconnus.
Comme à ceux qui ne te connaissent pas encore et découvriront
avec ce livre cette belle parole d’homme accordé au vivant. 

Je l’ai lu en marchant et pu éprouver ainsi le rythme de ta poésie amoureuse.
Ce bel hommage à la femme et à la part de féminin déployée
que tu assumes comme le plus vif de ton être et de ton écriture… 

J’ai aimé « ton regard pour trouver Dieu sans le nommer »
et te savoir « de ceux qui se cachent pour prier. » 

J’ai aimé ton tendre et bel éloge de ta femme bien-aimée, de tes enfants,
d’Hélène Cadou… de tous ces lieux d’amour
et de beauté où s’ancre ton poème.
J’ai d’ailleurs trouvé que celui-ci ne cessait d’aller s’amplifiant
tout au long de la lecture. 

Avec en filigrane la belle présence de Christiane Singer,
comme un viatique, une bénédiction pour la route. 

Je suis très heureux du chemin qui s’ouvre à présent
pour « La vie, absolument »…"

Je pourrais, malgré la peine, encore écrire ces mots aujourd’hui, cher Morice.
Je suis confiant de te savoir toujours accompagné par tant de présences aimées
vers La vie, absolument... 

Jean Lavoué

jeudi 21 janvier 2021

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Olivier Risser : « La fée de Westerbork »
(Note de lecture de Pierre Tanguy)

C’est un roman pour les enfants et pour les grands enfants. Il nous parle d’Etty Hillesum devenue, sous la plume d’Olivier Risser, la fée de Westerbork, du nom de ce camp de transit qui était l’antichambre d’Auschwitz pour les Juifs hollandais.
Comment parler de la Shoah à de jeunes lecteurs ? Le cinéaste italien Roberto Benigni y est parvenu merveilleusement en 1997 dans son film « La vie est belle » en tournant en dérision – sur un mode ludique – la vie dans un camp de concentration. Le père fait croire à son fils que les occupations dans le camp sont en réalité un jeu dont le but est de gagner un char d’assaut. Pour gagner ce char, le père lui explique qu’il faut accomplir des tâches difficiles. La farce tragique tourne au burlesque. Oliver Risser, lui, a choisi un autre registre: celui du conte.
Mais, d’abord, les faits (puisque tous les contes, n’est-ce pas, ont un fond de vérité). Etty Hillesum est cette jeune Hollandaise, née en 1914, qui au moment de la mise en vigueur des lois anti-juives aux Pays-Bas, demande de pouvoir travailler au service des personnes placées en transit au camp de Westerbork. C’est se jeter sciemment, en quelque sorte, dans la gueule du loup. La jeune Etty effectuera quatre séjours dans ce camp avant d’être embarquée le 7 septembre 1943 sur un train pour Auschwitz où elle mourra le 30 novembre 1943. Elle avait 29 ans.
Son dévouement et son profond amour des autres ont fait d’elle une figure éminente de l’amour fraternel et de la quête de lumière dans les plus profondes ténèbres. C’est ce que raconte, à sa manière, Olivier Risser en s’appuyant sur des lettres ou des extraits du journal d’Etty Hillesum mais aussi de celui de Philip Mecanicus, un journaliste codétenu avec lequel elle se lia d’amitié. « Si on voulait donner une idée de la vie dans ce camp, le mieux serait de le faire sous la forme de conte ». C’est Etty Hillesum qui l’a elle-même écrit et le romancier l’a pris au mot pour « conter l’histoire horrifique et pourtant véridique de la fée de Westerbork ». Car, ajoute Olivier Risser, « d’ici peu, fées et histoires auront disparu de presque toutes les mémoires ».
Dans ce camp où « la nuit enveloppe les âmes », il y a la figure du mal représentée par « un chef terriblement méchant, le commandant Tür ». C’est le loup du conte de fée, face à qui les enfants ne pèsent pas lourd, à commencer par Sacha, « un petit garçon à qui il manquait une jambe » mais sur qui veillera, à la manière d’un ange gardien, la fée de Werterbork. « La fée connaissait tous les recoins du camp où Sacha et ses compagnons se trouvaient enfermés ; Elle survolait chaque jour l’amas de baraques disposées en lignes, pour ainsi dire collées les unes aux autres ; elle visitait les détenus. Les malades surtout. Elle cherchait sans cesse à réconforter les malheureux autant qu’il était en son pouvoir. On attendait sa venue car elle apportait, on ne savait de quelle nature, une certaine goutte d’espérance »

Mais cette histoire de fée – une fois n’est pas coutume – se termine mal. « Oui tous les gens montés dans le train vont être assassinés en un lieu d’atrocités, oui avant ils vont beaucoup pleurer, oui ce sera cruel et injuste ». Oui, mais « il s’est passé quelque chose comme dans tous les contes, explique l’auteur, et ce quelque chose a eu lieu à plusieurs reprises sans que tu le remarques nécessairement. L’amour, de sa fine lumière, a réussi à pénétrer l’obscurité et à y laisser sa trace ».
Olivier Risser (qui est professeur de français en collège) signe là un roman sur l’amour triomphant de la mort. Et, au-delà des écrits d’Etty Hillesum, figure de référence aujourd’hui pour des femmes et des hommes de plus en plus nombreux, il nous guide, au fil des pages, vers les épîtres de saint Paul, les Psaumes, le Livre de Job ou encore les écrits de Simone Weil. Un livre pluriel sur la compassion et le don de soi.
Pierre TANGUY.

La fée de Westerbork, Olivier Risser, peintures d’Anne Courtine, L’enfance des arbres, 150 pages, 15 euros.
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