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jeudi 29 juillet 2021

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Écrire ne renforce en rien tes certitudes
Ni tes croyances,
Cela t'appauvrirait plutôt. 

Ta symphonie est muette,
Tes notes s'envolent
Au moindre coup de vent. 

Lettres après lettres, mots après mots,
Tu fais tomber tes appuis,
Tu apprends à marcher
Sans repères ni boussoles
Sur des chemins sans chemins. 

C'est sur ce qui te manque
Que s'ouvrent des clairières ;
Écartant les feuillages de ton savoir
Tu entrevois parfois des soleils. 

Tu apprends finalement à devenir
Cet orchestre silencieux,
Cet être des lisières,
Avec tout le poids du jour dans ton dos,
Cette ombre qui te traverse, 

Et devant toi,
Par delà la nuit qui coud l'horizon,
La baguette du sourcier,
Le passage improbable,
L'espérance d'une brèche,
Déjà la force d'un matin. 

Jean Lavoué, 27 juillet 2021
Photo JL, La Chesnaie, 06/21





















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mardi 27 juillet 2021

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Quand le silence
Fera naître en toi
Le bourgeon du poème, 
Tu accompliras enfin
L'ardente prophétie :
Tu seras devenu
L'arbre de ton désir.

De la racine aux branches
Tu sentiras la sève, 
La foi qui te soulève, 
Tu te fieras au vent, 
Au souffle sans répit.

Tu seras tout entier
Symphonie de feuillages
Et pépiement d'oiseaux
Accordés aux nuages. 

Soumis au feu de l'instant,
Sans ressources et vulnérable, 
Tu aimeras ta solitude
Et dans l'espace de ta vie 
Tu connaîtras
Le printemps de l'âme.

Jean Lavoué, 27 juillet 2020


























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dimanche 25 juillet 2021

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C'est unis que nous sommes entrés dans l'épreuve,
Sacrifiant des mois durant
Notre liberté d'aller et venir,
Honorant la générosité de tant de soignants épuisés, 

Et voilà que nous en sortons terriblement divisés,
Plus dispersés que grains de sable au désert, 
Tentés de déchirer la toile fragile
De notre commune humanité. 

Par le monde,
Les morts se comptent par millions,
Mais ils semblent devenus tellement abstraits
Qu'on en viendrait même à se demander
S'ils ont vraiment existé, 

S'ils ont partagé avec nous 
Ce même désir de vivre,
Cette même soif d'aimer, 

S'ils ont souhaité comme nous
Prolonger autant que possible 
Leur séjour sur la terre,
Et voir grandir leurs enfants
Et les enfants de leurs enfants. 

Essayons de les entendre
Et de considérer aussi avec tendresse
Tous ceux dont les forces ont été cisaillées
Et qui ont douloureusement survécu,
Poursuivant parfois un chemin cahoteux. 

Cela nous permettrait peut-être simplement,
Comme nous le faisons déjà courageusement depuis un an et demi,
De continuer à nous protéger les uns les autres
Sans besoin d'installer à chaque porte
Un judas sanitaire ! 

Sommes-nous encore capables 
De cette libre sagesse,
De ce mince filet d'eau d'une vie risquée, dangereuse 
Et pourtant protectrice de soi et des autres,
De cette vulnérabilité attentive,
De cette solidarité avec tous, 
De cet amour, affranchi de la loi, 
De cette source pure du souvenir ? 

Jean Lavoué, 21 juillet 2021














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Au cœur du magnifique récital Brel-Barbara que donnait ce soir à Guidel notre amie Fabienne Marsaudon, privée comme ses musiciens de concert pendant 19 mois, cette émouvante lettre-poème écrite par Barbara au lendemain de la mort de son ami. Si vous voulez retrouver l'émotion de ce très beau récital, voici le lien pour commander le CD (18 euros + 2 euros de frais de port) : 


Il pleut sur l'île d'Hiva-Oa
Le vent, sur les longs arbres verts
Jette des sables d'ocre mouillés
Il pleut sur un ciel de corail
Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges et les bleus-violets de Gauguin
Il pleut
Les Marquises sont devenues grises
Le Zéphir est un vent du Nord
Ce matin-là
Sur l'île qui sommeille encore 

Il a dû s'étonner, Gauguin
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord
Il a dû s'étonner, Gauguin
Et toi, comme un grand danseur fatigué
Avec ton regard de l'enfance 

Et toi, bonjour monsieur Gauguin
Faites-moi place
Je suis un voyageur lointain
J'arrive des brumes du Nord et je viens dormir au soleil
Faites-moi place 

Tu sais
Ce n'est pas que tu sois parti qui m'importe
D'ailleurs, pour moi tu n'es jamais parti
Tu sais
Ce n'est pas que tu ne chantes plus qui m'importe
D'ailleurs, pour moi, tu chantes encore
Mais penser qu'un jour
Le vent que tu aimais te devenait contraire
Penser que plus jamais
Tu ne naviguerais, ni le ciel, ni la mer 

Plus jamais, en Avril toucher le lilas blanc
Plus jamais voir le ciel au-dessus du canal
Mais qui peut dire
Moi qui te connais bien
Je suis sûre qu'aujourd'hui
Tu caresses les seins des femmes de Gauguin
Et qu'il peint Amsterdam
Vous regardez ensemble se lever le soleil
Au-dessus des lagunes
Où galopent des chevaux blancs
Et ton rire me parvient
En cascade, en torrent
Et traverse la mer
Et le ciel et les vents
Et ta voix chante encore
Ho, il a dû s'étonner, Gauguin
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord
Il a dû s'étonner, Gauguin 

Souvent, je pense à toi
Qui a longé les dunes et traversé le Nord
Pour aller dormir au soleil
Là-bas, sous un ciel de corail
C'était ta volonté
Sois bien, dors bien
Souvent, je pense à toi 

Je signe Léonie
Tu sauras qui je suis
Dors bien 

Barbara

Photo J.L.






















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mercredi 21 juillet 2021

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Tu es soudain partie sur le seuil de tes 21 ans, voici 48 ans aujourd'hui... Élisabeth, à jamais passante dans la lumière du poème...

C'est ainsi que tu es

Tu parles par ma voix
mes nuits sont tes silences
mes jours disent l'absence
dont tu me renouvelles

Tu guides vers ce qui est profond
tu ne veux rien de conforme
tu ne retiens pas l'apparence
tu es ce qui surprend

Tu sais la vie au-delà de la vie
tu orientes
tu montres le chemin

Tu es cette imperceptible vibration
ce très léger battement d'ailes
de l'éternité dans le temps

Tu ouvres mon aujourd'hui

Jean Lavoué 
Soleil des grèves, éditions Calligrammes, 1997















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lundi 19 juillet 2021

 






À la pointe de ton silence
S'ouvre un chemin
Où tu n'es jamais seul. 

Tu n'en devines la destination
Qu'à pas comptés, 
De nuit. 

Tu y apprivoises avec tendresse
Terres fertiles,
Et limons étrangers. 

À la manière d'un arbre
C'est là que tu as appris à demeurer,
Patient, immobile. 

Sans ce cœur à l'écoute,
Comment accepterais-tu avec  joie
De t'y perdre ? 

Ton poème connaît mieux que toi
La face muette
De ton errance, 

Il en tire des mots jamais entendus,
Des trouées d'azur
Qu'il apprivoise en grand secret. 

Jean Lavoué, 17 juillet 2021
Photos JL Le Blavet, 17/07/21



















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dimanche 18 juillet 2021

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Comment connaitre la joie
Si l'on n'a jamais senti passer sur soi
Le vent de la tempête ?

Comment être relevé
Si l'on ne s'est pas un jour 
Retrouvé à terre ?

Comment puiser l'eau vive
Sans avoir traversé un désert ?

Nous allons de blessures en naufrages
Par des radeaux de lumière
Qui n'auront pas de fin.

Quand nous voyons gonfler
L'ouragan de la déroute
S'ouvre en nous un passage, 
Quand nos jambes vacillent
Nous nous sentons portés 

C'est ainsi que nous goûtons
À des voies inconnues, 
Que l'amour nous submerge,
Que le ciel est complice.

C'est au creux de la vague 
Que triomphe un soleil, 
C'est quand le jour décline
Que l'étoile nous guide,
Si nous sommes à genoux
Là se dessine une Aube. 

Jean Lavoué, 17 juillet 2020
Photo J.L. 15/07/21

















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mercredi 14 juillet 2021

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C'est en perdant ses appuis
Que l'on apprend à marcher. 

Nous avançant dans la nuit,
Nous allons déjà vers le jour. 

Quand plus rien n'a de sens,
Scintille en nous l'étoile du matin. 

Tout savoir devenu inutile,
Nous pouvons naître au poème. 

Nous approchant du mystère,
Nous devenons comme des enfants. 

Alors que tout nous échappe,
Nous nous sentons rejoints. 

Manquant notre cible,
La flèche de l'amour nous atteint en plein cœur. 

Si nous sommes perdus,
S'ouvrent en nous des clairières de joie. 

Lorsque le monde vacille,
Un autre avenir se dévoile. 

Manquant d'assurance,
Nous nous fions à l'inconnu qui vient. 

Jean Lavoué, 13 juillet 2021












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mardi 13 juillet 2021

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Quel bonheur de retrouver dans ce bel album ces grandes chansons de Barbara et de Jacques Brel, magnifiquement interprétées par Fabienne Marsaudon  : Une petite cantate, Dis, quand reviendras-tu, Quand on a que l'amour, Les marquises... et quelques autres moins connues...
L'orchestration est de toute beauté. L'étroite fraternité unissant les deux chanteurs est superbement mise en valeur par cet entrecroisement de leurs textes mais aussi par cette œuvre de l'amitié : on sent qu'interprète et musiciens s'accordent à merveille pour la réalisation de ce CD. 
L'objet lui-même est très réussi avec un livret rappelant les circonstances de la création musicale et de l'écriture de chacun de ces textes.
Amoureux de la chanson française, n'hésitez pas à vous procurer ce très beau récital...! Émotion garantie... 

    Petits aperçus : 




    Pour commander (18 euros + 2 euros frais d’expédition) cliquez sur ce lien : 







dimanche 11 juillet 2021

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La forêt ne révèle ses secrets
Qu'à ceux qui marchent :
Sa symphonie de silence
Jaillie de l'orgue de ses futaies, 

Sa jubilation de feuillages et de branches 
Lancés à l'assaut du ciel,
Ce cortège immobile de veilleurs 
Dont nous devenons les alliés, 

Ces vitraux taillés dans le vert de l'été,
Cette oraison battant le sol
Au rythme de nos pas, 

Ses lisières incertaines,
Ses sentiers sans pourquoi,
Cette peur de se perdre
Qui se transforme en joie, 

Ses soleils suspendus
À la cime des arbres,
Cette complicité avec la nuit
Où chantent des clairières, 

Sa compagnie des simples,
Sa volière aux oiseaux,
Sa fontaine aux légendes, 

Sa solitude à fleur d'écorce
Et son orchestre végétal, 
Sa complicité avec le vent,
Avec le souffle, avec l'élan. 

Jean Lavoué, 9 juillet 2021
Photos JL 9/07/21


















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