Traduire

jeudi 28 mai 2020

.












POUR ÉCRIRE



Pour parvenir à écrire quelques mots
Quelques arpèges de vent 
Un souffle une prière
Lâche-là tes pensées tes doutes tes ruminations
Enjambe le parapet de tes tâches inquiètes 
Écoute la musique des fleurs et du silence 
Et souviens-toi des arbres 
De leurs saisons bouleversées 

Fais confiance à ton pas sur les berges de l'âme 
Accueille la parole
Ses fruits inattendus 
L'orchestre des oiseaux en tes branches souveraines 
Pactise avec ton corps ses gestes affranchis
Laisse couler la vie 
La sève dans tes veines
Écoute palpiter les rumeurs de ton sang
Fais confiance aux courants
Écarte les nuages
Arpente l'inconnu 
Foule l'herbe encore fraîche

Tu n'as aucune vérité à dire
Aucun message à faire passer
Juste un rythme peut-être
Une ardente foulée pour respirer au large 
Tes amis sont partout dans ta mémoire 
Autant d'astres fidèles 
Bergers confiants de ta solitude 
Pars sans te retourner 
Regagne au loin tes sources 
Sur les sentiers du matin
Dans la force du soleil
Je te devine 
Je te suis 


Jean Lavoué, 27 mai 2020 
















.

samedi 23 mai 2020

.













L'INDICIBLE ABSENCE 



C'est pour ce temps de l'indicible Absence 
De la patience et du souffle 
Qu'il aurait volontiers donné toutes les autres fêtes du monde 
Pour ce printemps caché sous l'écorce des arbres
Cette nuit burinée de promesse et d'attente 
Ces marches à l'obscur où la respiration était plus ample 
Ce désert où la soif s'élargissait

Son oraison était de silence de mains nues et d'offrande
Aux ors des prophéties il préférait l'iris incandescent
Le chant nuptial des oiseaux 
Trouée de vide et de promesse son écriture 
S'accordait aux prairies aux fleuves et aux chevaux
Les graminées avaient sa préférence
Dont la graine couronnait un chant de surrection 

Au calvaire des saisons il se fiait au vent 
Il savait reconnaître la flamme du solstice
Le bleu de l'équinoxe le glaive de l'hiver
Il patientait alors sous le sang des racines 
Sentait venir la sève 
Chaque bourgeon tremblait dans la pénombre de son coeur 

La parole était nue
Aucun mur pour l'enclore 
Elle naissait de la joie qui se donne au vivant 
Elle pansait les blessures apaisait chaque manque 
Trouvait en lui la voie 
Le passage oublié
Il éprouvait alors la force tendre du nouveau-né 

Elle le mettait au monde en un pays de fête
Où deux ne faisait qu'un
Où la clarté se montrait reine
Où le Poème l'espérait 
Un royaume sans partage où le chant communiait 
Dans les éblouissements de l'aube 
Par-delà les vertiges de la mort traversée.

Jean Lavoué, 22 mai 2020 

Photo Fotorech/Pixabay 



















.

mardi 19 mai 2020

.














APRÈS LA PLUIE 



Cent mots au bout des doigts
Ne valent pas une once de joie pure
Dans un jardin en fête 

Chaque fleur est une reine 
Quand le soleil en tremblant 
Console sa lumière 

Le poème s'infiltre alors à grosses gouttes
Dans les nervures de l'âme

Sous la main de l'instant 
Immobile un pétale luit

Quelques graines roulent encore
Sur la peau des rivières 
Il pleut sans trêve du feu et de l'amour
Dans le vent des larmes 

Les nuages célèbrent en pleurant
Les myosotis du ciel 
Les arbres exultent en silence 
Le bonheur perle sans bruit.

Jean Lavoué, le 18 mai 2020
Photo Jackie Fourmiès

























.

dimanche 17 mai 2020

.












UN SOURIRE ANNONÇANT L'ÉTÉ



Quelle joie de retrouver l'écriture et la marche
Jaillies du même accord 
Ce concert où tout respire
Le chant du rouge-gorge du pinson de l'alouette
L'ombre des tourterelles 
La légèreté du sang qui coule dans nos veines 
La fluidité de l'air 
L'insouciance des passants
Les sourires retrouvés 
Les bavardages tranquilles
Les nappes sur les rives et les paniers offerts

Le printemps nous accueille
Avec ses joues en fête et ses habits de feuilles
Les eaux dormantes sont là attendant la marée
Tout va à l'amble de nos âmes 
Du vol de la mésange
À l'aile des châtaigniers 

Nous voici revenus à l'aube de nous-mêmes 
Accordés aux chemins aux écluses aux fontaines 
Capables de grands vents ou de brises adoucies
De ciels et de nuages
De soleil et de pluies 

Nous sommes assoiffés de vert et de chevaux
De dunes et de rivières
De plages constellées de cris d'oiseaux de mer
Nous sommes faits pour les rivages 
Pour la vague et pour le large
Pour l'offrande des forêts
Le secret des déserts
Les exils sans limites 

Nous allons à grands pas vers des matins d'enfance
Où la nuit en tremblant nous aura visités 
Nous sommes de ce pays sans bornes et sans frontières
Où la vie revenue nous prodigue un sourire
Nous annonçant l'été. 

Jean Lavoué, 16 mai 2020 
Photo 12019/Pixabay 











.

jeudi 14 mai 2020

.













Sur le sentier de la nuit 
Le poème a les yeux clairs 

Il égrène doucement 
Les notes du silence 

Aube de feu promise
Dans l'obscur assourdi

Ses semis sont de vent
Et ses branches légères 

Il se fie à l'inconnu
Sans crainte de trébucher 

Au bout de son sillon
L'enfance est familière 

Il garde au coeur 
Le testament de l'espérance 

Avec de simples mots 
Dont il connaît le chant 

Il fait lever déjà
La gloire du matin.

Jean Lavoué, 13 mai 2020, dans le sillon de la nuit...

Photo sasint/Pixabay



















.

mercredi 13 mai 2020

.












SOIGNER AVEC LES YEUX 



Un récit de sagesse confié à L'OBS par Delphine Horvilleur... 
Petite leçon (talmudique) de déconfinement : 
Quels « déconfinés » saurons-nous être ? A la veille de ce 11 mai, qui marque le retour – très – progressif aux activités, la rabbin libérale nous offre une réflexion inspirée. 

Par Delphine Horvilleur (Rabbin) Publié le 10 mai 2020

On raconte qu’au deuxième siècle de notre ère vivait en Galilée un homme nommé Rabbi Shimon Bar-Yoh’ai. Cet homme érudit vécut un jour une crise profonde, non pas sanitaire mais personnelle. Accusé par les autorités romaines d’être une menace pour l’empire, il fut condamné à mort et se réfugia dans une grotte de Galilée. Là, il vécut douze années entières, sans aucun contact avec le monde extérieur, confiné pour échapper à la mort et entièrement immergé dans l’étude de la Thora. 

Douze ans plus tard (de quoi nous plaignons-nous ?), la voix d’un prophète lui annonça qu’il pouvait enfin sortir. L’homme se « déconfina », plein de sagesse et d’espoir. Mais en constatant qu’au dehors, le monde vaquait à ses occupations profanes et délaissait l’étude, il fut pris de colère. Selon la légende, partout où ses yeux se posaient, le monde prenait feu.
Une voix céleste lui hurla alors : « Si tu es sorti de ta grotte pour détruire mon univers, retournes-y immédiatement. » Ainsi, connut-il une seconde vague de confinement, avant d’être autorisé à revenir au monde. Un an plus tard, Rabbi Shimon apprit à poser sur le monde un regard apaisé, et selon la légende, à « soigner avec les yeux ». 

Cette très vieille histoire talmudique m’obsède depuis des semaines. Constamment, je me demande quels « déconfinés » nous saurons être à la sortie de nos grottes ? Ces semaines passées hors du monde, dans un monologue forcé avec nos certitudes, a sans doute renforcé chez beaucoup d’entre nous, des convictions existantes, conforté des « Thoras » personnelles en nous convaincant que nos grilles de lecture du monde étaient les bonnes. 

Tendez l’oreille et vous l’entendrez : tant de gens autour de nous interprètent la crise dans le sens d’un « on vous l’avait bien dit ! » idéologique (sur le capitalisme, l’environnement, l’économie, la politique ou la religion…) Nos doutes risquent de rester bien longtemps confinés. Comment, dès lors, nous assurer que notre retour au monde ne rendra pas nos regards incandescents, ne nous fera pas jeter au dehors un œil destructeur, empli de mépris pour ceux qui vivent autrement et ne partagent pas notre « vérité » et nos interprétations ? Comment saurons-nous ne pas haïr ceux qui nous menacent de contamination ? Aurons-nous besoin comme Rabbi Shimon d’un retour temporaire à l’intérieur de nos grottes pour développer un autre regard et apprendre nous aussi à « soigner avec nos yeux » ?









.

lundi 11 mai 2020

.










"LE VENT SE LÈVE..."

C'est maintenant l'heure où le printemps se décide
Plein cap vers l'été ou bien retour entre les murs d'un automne assombri 
Le moment où nous pouvons encore laisser du champ à l'ennemi invisible
Ou bien continuer à le maintenir en respect 

Mais bien plus enraciné dans les fibres de notre détresse
Que ce minuscule colonisateur de nos vies
Il y a l'oubli du berger que nous sommes
De son poème envisagé
De son royaume souverain 
Il y a cette avidité sans partage
Cette absence à nous-mêmes 
Cet effacement de la fragilité du monde 
Cette accumulation sans répit

Nous sortons d'un silence inespéré 
D'une caverne jusqu'où la flamme est descendue
Mais nous laisserons-nous saisir à nouveau 
Par l'aveuglant soleil de la déroute
Par la brûlure du toujours plus 
Ou bien garderons-nous ce vide intact en nous
Ces instants gravés cette rencontre secrète 
Cette soif apaisée

Certes des vents contraires souffleront 
Nous serons encore longtemps toutes voiles affalées 
Tiraillés contre nous-mêmes 
Mais nous saurons loin des récifs garder le cap
Nous ancrerons cette joie sobre
Nous voguerons dans la splendeur de vivre
Nous larguerons tant d'objets inutiles 
Et avec eux cette folie dont nous étions les aveugles errants

Nous renouvellerons ensemble 
La décision de nous battre et d'aimer
De tenir tant au grand large qu'à nos îles 
D'affronter les courants
Juste pour être là pour espérer
Et pour "tenter de vivre".

Jean Lavoué, 10 mai 2020

Le titre et les derniers mots du poème sont une reprise du célèbre vers du Cimetière marin de Paul Valéry publié voici un siècle, en 1920, juste après l'effondrement de la première guerre mondiale :
"Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !"











.

[URL=http://www.compteur.fr][IMG]https://www.compteur.fr/6s/1/6057.gif[/IMG][/URL]