"LE VENT SE LÈVE..."
C'est maintenant l'heure où le printemps se décide
Plein cap vers l'été ou bien retour entre les murs d'un automne assombri
Le moment où nous pouvons encore laisser du champ à l'ennemi invisible
Ou bien continuer à le maintenir en respect
Mais bien plus enraciné dans les fibres de notre détresse
Que ce minuscule colonisateur de nos vies
Il y a l'oubli du berger que nous sommes
De son poème envisagé
De son royaume souverain
Il y a cette avidité sans partage
Cette absence à nous-mêmes
Cet effacement de la fragilité du monde
Cette accumulation sans répit
Nous sortons d'un silence inespéré
D'une caverne jusqu'où la flamme est descendue
Mais nous laisserons-nous saisir à nouveau
Par l'aveuglant soleil de la déroute
Par la brûlure du toujours plus
Ou bien garderons-nous ce vide intact en nous
Ces instants gravés cette rencontre secrète
Cette soif apaisée
Certes des vents contraires souffleront
Nous serons encore longtemps toutes voiles affalées
Tiraillés contre nous-mêmes
Mais nous saurons loin des récifs garder le cap
Nous ancrerons cette joie sobre
Nous voguerons dans la splendeur de vivre
Nous larguerons tant d'objets inutiles
Et avec eux cette folie dont nous étions les aveugles errants
Nous renouvellerons ensemble
La décision de nous battre et d'aimer
De tenir tant au grand large qu'à nos îles
D'affronter les courants
Juste pour être là pour espérer
Et pour "tenter de vivre".
Jean Lavoué, 10 mai 2020
Le titre et les derniers mots du poème sont une reprise du célèbre vers du Cimetière marin de Paul Valéry publié voici un siècle, en 1920, juste après l'effondrement de la première guerre mondiale :
"Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !"
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