Si l'arbre ne devient pas la mesure de
ton pas
S'il n'oriente en toi l’espace et le chemin
Si son écorce ne t'épaule en marchant
Si ses bourgeons tout en haut ne
t'allègent
Si son tronc vertigineux ne t'envoûte
Si son chant immobile ne te foudroie
Si sa danse ne t'emporte vers le ciel
Si son ombre sacrée ne te recouvre
Si ses feuillages en toi ne respirent
Si ses mousses sont trop froides pour
toi
S'il tend en vain l'or de ses lichens
Si sa vie silencieuse ne t'abrite
Si sa sève ne s'accorde à ton sang
Si tu restes aveugle au feu de son
vitrail
Si tu ne sens monter sa fièvre végétale
S’il n’éclaire la forêt de ton
pas
S'il ne démêle en toi tes pauvretés
inutiles
Si tu ne le perçois qu’au tumulte qui
t'agite
Si tu n'entends sourdre l'orchestre de
ses racines
Si tu ne suis la partition allègre de
ses bois
S'il ne t'enivre d’aventures promises
S'il ne creuse en toi des sillons
inconnus
S'il ne ruisselle en toi de
forces contenues
S'il n'ouvre à fonds perdus les
trésors de ta joie
Alors vaine est ta course
Infertile ta solitude
Infructueux ton poème
Stérile le sentier parcouru
Jean Lavoué
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