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mercredi 30 septembre 2020

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"À 40 ans Franz Kafka (1883-1924) qui ne s'est jamais marié et n'avait pas d'enfants, se promenait dans le parc de Berlin quand il rencontra une petite fille qui pleurait parce qu'elle avait perdu sa poupée préférée. Elle et Kafka ont cherché la poupée sans succès.
Kafka lui a dit de le rencontrer le lendemain et ils reviendraient la chercher.

Le lendemain, quand ils n'avaient pas encore trouvé la poupée, Kafka donna à la petite fille une lettre "écrite" de la poupée qui disait : " S'il te plaît ne pleure pas. J'ai fait un voyage pour voir le monde. Je vais t'écrire sur mes aventures."

C'est ainsi que commença une histoire qui se poursuit jusqu'à la fin de la vie de Kafka.

Lors de leurs rencontres, Kafka lisait les lettres de poupée soigneusement écrites avec des aventures et des conversations que l'enfant trouvait adorables.
Enfin, Kafka lui ramena la poupée (en acheta une) qui était de retour à Berlin.

"elle ne ressemble pas du tout à ma poupée", dit la petite fille.
Kafka lui a remis une autre lettre dans laquelle la poupée écrivait : "mes voyages m'ont changée."La petite fille a embrassé la nouvelle poupée et l'a ramené toute heureuse à la maison.

Un an plus tard, Kafka est mort.

Plusieurs années plus tard, la petite fille désormais adulte a trouvé une lettre dans la poupée. Dans la minuscule lettre signée par Kafka, il y avait écrit :

"tout ce que tu aimes sera probablement perdu, mais à la fin l'amour reviendra d'une autre façon."









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mardi 29 septembre 2020

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Qu'avait-il donc à me dire ce vieil arbre encore plein de sève 
Tombé à quelques mètres devant moi ?
À quelle urgence m'invitait-il 
Pour précipiter ainsi à mes pieds L'automne de tous ses feuillages ?

Rien d'autres, une fois encore,
Que cette vie radieuse et précaire 
Se donnant ici-même
Dans sa tremblante beauté.

Quelques minutes avant le ciel était clair,
Puis cette averse brutale,
Cette bourrasque de grand vent.
Et voici l'arbre cédant dans un bruit sourd,
Tournoyant sur lui-même 
Comme s'il tentait de devenir passerelle vers le fleuve,
Barrage sur le paisible halage. 

Reste, trois jours après,
La trace d'un grand vide,
La terre retournée,
Une petite touffe de cyclamens Rescapée au pied de la souche 
Et le souvenir de cette frayeur devant la force adverse
En ce matin trempé de désolation.

Aujourd'hui les mots reviennent,
Et, avec eux, la féconde invitation  poétique :
Je publierai au printemps deux recueils en sommeil :
L 'un ayant accompagné, voici treize ans,
La naissance de l'enfance des arbres ;
L'autre, livre d'artiste réalisé avec l'ami Serge Marzin :
Ému par la vision d'arbres massacrés, 
Il consacra pour eux cette oeuvre, "Passio Végétalis",
Tel un chemin de croix.

Quand marcher est un appel,
Quand risquer révèle en soi des rivières enfouies,
Quand chaque branche est le signe
D'un élan nouveau,
D'une sève retrouvée,
D'une vie qui se relève !

Jean Lavoué, 28 septembre 2020
Photo JL 28/09/20

























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vendredi 25 septembre 2020

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Comment dire avec des mots de premier jour
Ce qui n'a pas encore déchiré
Le voile de nos surdités ?

Comment comprendre sous l'eau des silences
Le murmure de la source inentendue ?

Tant d'armes nous protègent,
Dressées contre les autres,
Souvent contre nous-mêmes,

Et cet aveuglement de naissance
À propos de la sourde rivalité qui nous traverse, 
Cette intime violence
Et cette indifférence confuse 
Aux affamés et aux exclus !

Quel pauvre,
Quel étranger,
Quel frère dans sa nudité 
Réveillera en nous
La tendre humanité ?

Quand prendrons-nous,
Sans souci de vengeance,
En toute occasion le parti
De l'innocence blessée ? 

Il est en nous tant de grèves inconnues,
Tant de matins inexplorés
Où nous serions sans peur
Accordés à la faiblesse qui donne,
Et à la joie de tout perdre
Pour commencer à aimer.

Hennebont, le 24 septembre 2020













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mardi 22 septembre 2020








Merci, cher René Myard, pour cette pensée philosophique, grave et actuelle, d'Hannah Arendt, si bien mise en valeur par ta calligraphie ! Comme une nécessité de mieux nous y arrêter...









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samedi 19 septembre 2020









Splendeur de la poésie de l'ami François Cassingena-Trévedy depuis l'Auvergne où il se trouve depuis quelques semaines déjà !


LETTRE DE LA MONTAGNE


Chers amis, après trois semaines de solitude, après plusieurs mois de suspension, le cœur me revient tout doucement, tout naturellement de vous écrire. Car il faut fuir le bavardage inutile et laisser aux mots, aux mots aussi, le temps de tomber à leur heure comme des fruits mûrs. Des mots qui procèdent du silence et qui soient à même d’y conduire. Des mots qui descendent des monts.

L’été ici lentement s’éteint, et l’automne insinue sa taciturnité. Oh ! le murmure pacifiant des choses qui consentent et s’abandonnent : le feuillage du hêtre au vent inquiet de l’après-midi, l’eau du ruisseau aux caprices de la pente, jusqu’à la cascade cristalline où il éclate. Sainte gravité des choses que ne contrarient ni la violence, ni le volontarisme de l’homme. J’ai abdiqué toute prétention doctorale, toute rigidité dogmatique et, disciple muet, je ne suis plus de cours que le cours du ruisseau. Aussi n’ai-je plus de cours à donner désormais que le cours du ruisseau. L’eau est gratuite.

J’entends la langue consciencieuse des bêtes – de mes bêtes (j’en ai cinquante à garder) – qui broutent autour de moi l’herbe maigre que la canicule a laissée, l’excitation des criquets qui vivent frénétiquement leurs derniers jours, le roucoulement du ru minuscule qui traverse les pâtures, l’effondrement de la bûche dans la cheminée. J’entends monter l’orage en attendant d’entendre tomber les neiges : en ce moment même il échafaude ses murailles aériennes de basalte, il étend son offensive sur les burons qui se terrent sous l’averse prochaine, et je l’attends de pied ferme, recueilli, comme on attend une solennité : l’odeur de la pluie arrive par la porte ouverte, et je la salue avec tous les êtres vivants comme une bénédiction. Le soir, délicieux mensonge, les monts du Cantal s’évanouissent dans une impalpable améthyste qui tourne au quartz rose, tandis que je construis le feu avec le bois que j’ai glané dans le bosquet de fayards qui surplombe ma retraite. La nuit, il pleut des étoiles et la Voie lactée déploie son fleuve qu’aucune pollution de lumière artificielle n’offusque. Mon pas lent de vacher, sur la pente de l’estive, a surpris la vipère, le crapaud, le gratis de sanglier, et levé le lièvre. Tandis que je me baigne dans le Neuffons (ce vocable est à lui seul toute une catéchèse baptismale), les Aubrac s’approchent, familières et curieuses, et je leur conte fleurette avec la scabieuse, l’aquilée et la renouée bistorte. Je hante les lacs de cratère et, de leur vasque étonnamment glauque, j’apprends que plus l’on est profond, plus l’on reflète. En arpentant avec vénération l’édifice des volcans démolis, je traverse des éclats de rire de lumière et de grands ombres fugitives. J’approfondis mon affinité avec l’infini que l’horizon susurre. « Tout est à moi. » L’espace énorme, austère et somptueux, intimement habité, est mon seul titre de noblesse de pauvre. J’emmène mon Virgile sous un vrai fayard et la coïncidence du poème avec le réel m’émeut jusqu’aux larmes : le texte aimé touche terre, comme jamais. Mon regard s’arrête longuement sur les vieux gonds de la porte de l’écurie, sur les bottes de foin qui dorment dans la grange, sur les ustensiles de la cuisine, sur les rideaux du lit-clos où je dors. Il est un « parti-pris des choses » : c’est lui que je prends tout bas, sans retour.

Et puis il y a le pain tout frais de Pierre, mon voisin des Ribages, et le vin d’un autre Pierre, vigneron-artiste de Champeix. Il y a la causette avec Fred qui, chaque matin, vient déplacer ses bêtes pour qu’elles profitent des regains. Il y a la vieille Marie-Antoinette qui me raconte les humeurs sauvages de la Clamouze à la fonte des neiges.

Nul doute que tout cela ne soit sacré. Je m’enfonce dans la terre, dans la profondeur de mon humanité et dans la profondeur des humanités voisines. C’est en se terrant que l’on surgit. Les âmes mitoyennes dans le travail peuvent former patiemment un village, sans dire grand-chose : l’amitié fait le gros œuvre, et la simple présence parmi les hommes.

« Jésus s’en alla seul dans la montagne pour prier. » Il prend de l’altitude, non par mépris, mais par sagesse. Et prenant de l’altitude, il révèle aussi l’altitude de toute chose. Car il existe au fond de toute chose une altitude secrète. Et notre altitude à nous est de savoir la discerner pour en rendre grâce. Altitude de l’eau, altitude de l’air, altitude, pour finir, du pain et du vin où tout se résume et se promet. Dans la frugalité. Il faut jeûner de Dieu, oserais-je dire, oui, de Dieu même, pour trouver Dieu. C’est l’essentiel de ce que je viens faire ici. Les psaumes, silencieusement chantés, accompagnent mes heures : basse continue, pareille à celle du ruisseau.

Pendant ce temps, le monde – je veux dire le monde mondain – joue sa mascarade au sens propre et figuré. Je l’observe à distance, avec empathie. Le théâtre de nos politiques et de tous les politiques du monde est effarant d’incohérence et d’étourderie. À l’aune de la gravité universelle qui m’entoure, de cette solennité des choses élémentaires inlassablement considérées, je puis évaluer la vanité impénitente de ce monde mondain qui ne veut pas entendre, et qui n’a toujours pas compris. Il y a quelques mois à peine beaucoup se gargarisaient du « monde d’après ». Or il ne sert de rien d’avoir ce monde d’après à la bouche : il faut s’y mettre pour de bon. C’est un grand renoncement qui s’impose à nous désormais si nous ne voulons pas périr. Si certaines fuites sont entachées de déshonneur, une autre fuite, beaucoup plus fondamentale, signe notre noblesse. Parmi les vertus de demain, je vois se détacher tout particulièrement la frugalité et la taciturnité. Et cela, bien sûr, dans le domaine religieux lui-même. Au religieux bavard, artificiel et alimentaire (d’autres idoles sont en train de tomber), il faut substituer la modestie d’un silence qui accueille le mystère de l’existence et s’ouvre fraternellement à quiconque s’interroge sur ce mystère, sans devenir sédentaire des réponses irréfléchies et automatiques. La béance irréparable du cœur vaut mieux que toutes les friandises qui prétendent la combler. Comme le voyait le prophète Ézéchiel, la gloire du Seigneur déserte le Temple pour retrouver la précarité du désert où fut inaugurée l’amoureuse Alliance : le temps est venu d’accompagner la Présence dans son exode. S’il est un Dieu, c’est un Dieu qui fuit tout ce en quoi l’on s’acharne à l’emprisonner.

Une interrogation immense transpire de la conversation du hêtre, de l’expression attachante des bêtes (elles ont bien à mes yeux un visage), de la lente combustion du bois dans l’âtre, du pain et du vin partagés avec les amis, du fourmillement nocturne des étoiles. Ce sont des questions, avant tout, que l’homme Jésus nous a laissées en testament. Des questions d’une infinie gravité auquel nul ne peut se soustraire : Et vous, qui dites-vous que je suis ? (Mt 25), et encore, et surtout : M’aimes-tu ? (Jn 21). C’est sur cette interrogation, c’est sur ces questions de l’Ami que je reste avec vous. Chacun de vous est à son tour un ruisseau, pour que cet évangile - cette “bonne nouvelle” - fasse son chemin. Fraternellement.

Frère François de l’Infinistère

Sous-le-Bois, 16 septembre 2020
Photo : François Cassingena-Trévedy


















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vendredi 18 septembre 2020





Quelle île nous précède 

Au-dedans de nous-mêmes 


Portail du silence

Clairière des rencontres 

Notre havre d'écriture

Nos criques en éveil 


Il nous faut chaque jour

Gagner ainsi le large
 
Tremper nos illusions

Dans l'encre de la joie


Il est un lieu en nous

Où tout est plus réel

La où le moindre souffle

S'engouffre dans nos voiles


Il nous faut jeter l'ancre

À l'aube de nous-mêmes 

Où rien ne nous est dû 

Mais où tout est donné 


Nous aurons des matins

Aux oraisons patientes

Et des ciels transparents
 
Accordés aux visages


Des marées insouciantes

Des envols sur la mer.


Jean Lavoué, 17 septembre 2020
Photo J. L. Landevennec, 12/09/2020

















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lundi 14 septembre 2020

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« Si l’on voulait donner une idée de la vie de ce camp, le mieux serait de le faire sous forme de conte. ». C’est ainsi que, dans une de ses lettres datées de 1943, s’exprime Etty Hillesum, alors détenue au camp de transit de Westerbork. Olivier Risser a souhaité lui rendre hommage et s’est prêté au jeu de l’écriture.

Voici, à la manière dont on pourrait la raconter à des enfants – mais cela s’adresse aussi et surtout à des adultes – une évocation de la vie au camp de Westerbork, au cours des années 1942-1943, tissée d’extraits des journaux laissés par Etty Hillesum et par Philip Mechanicus, un journaliste codétenu avec qui elle se lia d’amitié. 

Mais le récit, inspiré par la figure de cette femme à la vie bouleversée et par son inlassable amour du prochain, cherche avant tout comment trouver, même dans la nuit du mal, presque à tâtons, le chemin qui mène à la lumière. Par sa grâce et son indéfectible foi, la fée qui vient en aide à Sacha, le personnage principal, nous guide et nous ouvre la voie.


 

https://www.editionslenfancedesarbres.com/la-feacutee-westerbork--o-risser.html

 

 

Le livre d'Olivier Risser est disponible aux éditions L'enfance des arbres et peut être commandé dans toutes les librairies.

 

 

https://www.editionslenfancedesarbres.com/
















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De passage à Landévennec...

 

à l'ami Gilles Baudry 

 

Frère des hautes solitudes

Aux îles exaucées 

Sous les auvents du ciel

 

Tu arpentes en priant

Les allées du soleil

 

Les arbres te saluent

Dans les vergers de l'aube 

 

Compagnon silencieux

Des sources des visages

Et des marées patientes 

Tu fais cortège aux vents 

 

Guetteur de l'horizon

Où s'ouvrira le jour

Tu t'orientes au chant 

Des oiseaux de passage 

 

Dès le matin 

Sur les sentiers de la parole

Tu regagnes le large

Toujours saisi par le Poème 

Toujours en marche vers la mer.

 

Jean Lavoué, Landévennec, 12 septembre 2020

Photo : l’aube sur l'Aulne, J.L. 12/09/2020 















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vendredi 11 septembre 2020

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Les mots qui logeraient 

Au creux de tes silences

Le souffle de ta voix

Comment les réveiller ? 

 

La nuit viendrait peut-être 

Sur la crête d'un rêve

Au bout de l'impossible 

 

Cette trouée violente

Dans les dalhias du soir 

 

Les jardins de l'enfance

Seraient là redonnés

Avec toutes les roses

La brûlure de l'été 

 

Et cette cicatrice

Dans les jours du malheur

Serait comme oubliée 

 

La vie serait donnée

Et l'amour matinal 

 

Nul poème à écrire

Pour combler ici-même 

Ta lumière béante.

 

Jean Lavoué, 11 septembre 2020 

Photo Pixabay/Josch 13


















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dimanche 6 septembre 2020





Le poème tu le cueilles

Au bout de tes silences 

Ce rien qui inaugure

Tu en fais des clairières 

Débouchant sur le jour 

Tu vis de ces trouées

Dans les forêts de l'âme 

Pour te fondre au mystère 

 

Écrire ne serait rien

Sans cette écoute là 

Où tu es dépouillé 

De toutes tes croyances 

Tu t'avances sans but

Vers ces flaques de soleil

Où tu te sens rejoint

Où tu te sens compris 

 

Comme tu vas dégagé

Sur les sentiers de l'aube

Désencombré de tout

Disponible aux passants

Ce que tu as perdu

T'est partout redonné

Les branches écrasées 

Les herbes que tu foules

 

Où aller aujourd'hui

Sinon vers ces clartés

Cet univers sans bruit

Empli de chants d'oiseaux

Apprends à t'échapper

À sortir du courant

Pour goûter aux instants

Nourri de gratitude.

 

Tu te tiens sans un mot

Sur le banc des saisons

D'où tu vois s'écouler

Le fleuve de ta vie

Tes doutes ont disparu

Juste ce souffle en toi

Ce regard sans regard

Par où tu participes 

 

Cette grâce est donnée

A tout humain fragile

Qui se tient sans attente

À la lisière de soi 

Le monde passe en lui

Comme battement d'ailes 

Il n'a pour tout bagage

Qu'un grand vide à donner.

 

Jean Lavoué, 5 septembre 2020

Photo Jackie Fourmiès

 






















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