LES AUBES SONT
CERTAINES
Marche allègre et vive
sur les passerelles de l’aube
Le sang dormant
s’ébroue
L’écriture coule drue
Verticale
La pluie a ravivé les
feuilles
J’ai troqué mon pays
contre le rire immense
De chutes de cascades
de torrents vers la mer
J’ai traversé des
fleuves qui n’avaient pas de nom
J’ai reconnu le ciel au
tremblement des feuilles
Troqué des cimetières
contre des chemins d’or
J’ai tenu tête à l’âme
elle s’en est souvenue
J’ai marché sans
compter sans mesurer mes pas
J’ai senti le pollen
de mes aurores vives
J’ai bougé des écluses
dans le sens des astres
Changé des hirondelles
contre des nids cendrés
J’ai bu à toutes
sources le vin des venaisons
En toutes traces vives
je respirai ta voie
Tout était délivrance
rien n’était damnation
J’ai vu des cormorans dans
le vent silencieux
Bleuir toutes leurs
ailes dans le sens des courants
Comme ces étendards dans
les houles de Dieu
J’ai ouvert des
carrières
Là où l’espoir de
l’homme n’avait pu pénétrer
J’ai cru je vous le
jure voir la langue tanguer
Comme un buisson en
flammes
J’ai bu tous les
tourments je les ai transmués
La saison du poème fut
trouée d’oriflammes
De pervenches sonores
de grappes de jonquilles
D’oliviers feux
roulant jusqu’au bord de l’extase
De nappes suspendues
au plafond des Sixtine
J’ai recouvert l’écrin
où la raison chavire
D’un grand drap de
patience pour débusquer sa voix
J’ai toléré des arbres
beaucoup plus hauts que vifs
Alors qu’ils n’avaient
plus d’armes pour le combat
Je suis las de ces ors
des brancards pourrissants
C’est un chant qu’il
me faut puissant et sans scories
Un affluent de sève
Un matin délivré aux vigueurs
végétales
Un palmier où pivote
la racine du monde
Un tombeau dont le
jour ruisselle d’eau de vie
Et s’il ne reste rien
de ces bouquets de noces
Je porterai moi-même
leurs couronnes au néant
Ecris encore mon âme
délivrée des peaux mortes
Ne garde que ta soif
sur les versants du jour
Et ne soit que désir
vers les flots du couchant
Jean Lavoué