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samedi 29 août 2020

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Même immobile

Tu arpentes les allées triomphantes du soleil 

 

Sans souci des averses

Le ciel a des éclats qui ne trompent pas

 

Tant de marches joyeuses 

Refluent en toi vers leur source

 

Tu es le passeur 

Des rives insoumises 

L'inaccessible voie

Tu l'inventes en chemin 

 

Tu es de l'assemblée priante

Des arbres et des rivières 

Même assis silencieux

Tu les emportes en toi

 

Tu suis les pas de l'homme qui ne s'arrêtait

Que pour dire aux passants qu'en eux il y avait des aubes

Des printemps souverains

 

Et l'intacte confiance

Et la force imprenable. 

 

Jean Lavoué, 28 août 2020 

Photo Devanath/Pixabay 























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mardi 25 août 2020

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Joie de Retrouver Sulivan sous la plume de Marion Muller-Colard dans La Croix du samedi 22/dimanche 23 août. J’achève en ce moment la mise en forme du livre d’hommage que lui consacre L’enfance des arbres à l’occasion des quarante ans de sa mort : « Jean Sulivan, dans l’espérance d’une parole ». Une soixantaine de témoignages enthousiastes pour dire l’empreinte d’une écriture qui demeure forte chez beaucoup…


MURMURER


Par Marion Muller-Colard, écrivaine et théologienne protestante

Marion Muller-Colard nous livre au fil de l’été une méditation personnelle. Prenant le contre-pied de l’obsession ambiante sur ce qui doit changer, elle s’intéresse à ce qui dure et qui nous permet de traverser les tempêtes. 


Je voudrais clore ce temps partagé avec vous, cette traversée de l’été, comme je l’avais commencé : en murmurant. Le murmure me semble à l’équilibre : il n’est pas sans audace, mais il est sans prétention. Il émane de la trinité humaine que Sulivan organisait autour de l’homme « libre, insolent et amical ». On trouve dans cette trinité tout ce qui tient un être, en miroir des valeurs républicaines de liberté, de fraternité et d’égalité. Je corrélerais volontiers l’insolence à l’égalité, si l’insolence veut dire ne jamais douter plus de soi que les autres doutent d’eux-mêmes, et déjouer les inégalités en les croyant tout simplement inopérantes – en n’y croyant pas, en somme. Murmurer consiste à renoncer à la fois à se taire et à crier. Vous écouteront ceux qui savent tendre l’oreille, capter votre basse fréquence, comme une oasis dans le désert que nous traversons – car la saturation, ne nous y méprenons pas, conduit à pire désert que le manque. Le murmure renonce à porter la parole providentielle, l’eurêka que nous cherchons à droite et à gauche, puis à gauche et à droite, comptant les points d’un match auquel nous participons si peu. J’aurais voulu aussi – disons : mon ego et moi-même aurions beaucoup aimé – porter un coup à l’histoire en disant la chose intelligente et définitive. Je ne l’ai pas dite, je ne l’ai pas entendue, mais les murmures de toutes nos conversations m’irriguent, me déplacent lentement, déjouent mes précipitations. À vous entendre j’admets, avec la prieure du Dialogue des carmélites, que c’est « quand le mal fait le plus de bruit que nous devons en faire le moins possible ». Bien sûr, elle parle en carmélite, depuis « un ordre voué à la contemplation », et il ne s’agit pas ici de se retrancher dans la pure contemplation au prétexte que le monde fait un bruit assourdissant. Il ne s’agit pas de fuir, il ne s’agit pas davantage de résoudre la tension entre la vita activa et la vita contemplativa que la philosophe Hannah Arendt opposait dans Condition de l’homme moderne. Au contraire, il s’agit de prendre au sérieux les affaires humaines et de savoir qu’elles ont besoin, pour cesser de tourner en rond, de personnes irriguées (et la vie contemplative participe à cette irrigation). Que les problèmes sérieux requièrent notre concentration, et que l’urgence, traduction de la menace en temps, requiert étrangement une certaine lenteur.

Participons donc ! En murmurant, avec liberté, insolence et amitié. N’existons ni trop bas, ni trop fort. Et pour la route, cet extrait éloquent de Sulivan, écrit comme un murmure, soufflé jusqu’à moi par le poète Jean Lavoué : « Je vous invite donc à ne partir que pour mieux rentrer en vous-mêmes. Et même si vous ne partez pas il est possible de retrouver votre ”terre intérieure”. Qui que vous soyez, quelle que soit votre peine ou votre solitude, il y a des instants heureux pour vous : des chemins, des ruisseaux, des quartiers de votre ville, la mer qui invite à la sérénité, la montagne qui dit : redresse-toi. (…) On nous a mis dans la tête que le but de la vie c’est de réussir en occupant des fonctions, en gagnant beaucoup d’argent, en acquérant du prestige. Quelle puérilité ! Le but de la vie c’est de rajeunir spirituellement. Chaque homme naît vieux, emmailloté dans les mots et les préjugés qu’on lui inculque. Devenir jeune en vieillissant, c’est se libérer de la peur, moins céder aux pesanteurs sociales. Finalement le plus grand service que nous puissions rendre à la société ce n’est pas de réussir, d’acquérir de la considération, mais de devenir libres et joyeux. » (Jean Sulivan, Parole du passant.)









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lundi 24 août 2020



Pourquoi de pauvres mots

Auraient-ils le pouvoir

De nous mettre en communion avec l'instant insaisissable 

C'est qu'ils sont notre chair

Notre nourriture ardente

Et le signe tangible 

De notre présence au monde 

 

Nommer les berges du silence

Les oiseaux le chemin

Suffit à nous relier aux arbres

Aux fougères aux racines 

Aux ronces insoumises 

Et nous voici remis à ce monde sauvage

Dont nous sommes les hôtes

Aux côtés des granites et des schistes patients

Des tiges frémissantes

Des battements d'ailes de grives ou de mésanges

 

Comment aimer sans nommer ?

Comment voir poindre le jour

Sans reconnaître l'aube

La gloire du soleil

Et le ciel qui s'entrouvre 

Ses clairières promises

Et l'étoile pâlissante ?

 

Quand nous donnons un nom

Aux nuages et au vent

Au tremblement de l'onde

À l'herbe qui s'incline

Le temps n'existe plus 

Nous voici accordés 

Au chant de l'univers 

Nous sommes à la juste place

Dont la vie nous fait ici-même

Le cadeau sans pourquoi.

 

 

Jean Lavoué, 23 août 2020 

Photo JL 22/08/20



















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samedi 22 août 2020

 






Photo clin d’œil adressée par l’ami Pierre Tanguy : les livres de L’enfance des arbres sont en bonne compagnie à la librairie Ravy de Quimper.

En grand lecteur de poésie, voici la note qu’il consacre au recueil de Bernard Victor Chartier : « Dans tes pas, peut-être »



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Bernard Victor Chartier : « Dans tes pas, peut-être »

 

     Retrouver son père, marcher dans ses pas, le réinventer et peut-être même le ressusciter : Bernard Victor Chartier le fait par le truchement de la poésie sans jamais quitter son jardin ni sa cabane nichée dans un sycomore. Tel un sage au cœur de son bocage sarthois, il médite sur la filiation au sein d’une nature seule à même de lui apporter une forme de résilience.

 

  « Le presque nouveau-né que j’étais quand tu es parti ». Bernard Victor Chartier a 9 mois et son père 33 ans. C’était il y a soixante-dix-sept ans. « Taiseux étais-tu ermite toi aussi/je serais donc né ermite de toi ». Le poète lance alors un défi à son père disparu : « Défricher ensemble le pur bonheur ».

   Symboliquement et métaphoriquement, cette quête se mènera, « en dehors de la ligne droite inévitable », au cœur d’un mandala qu’il a dessiné avec sa tondeuse dans l’herbe de son jardin-éden. « Tu vas ainsi réinventer avec moi la vie courbe ». Et il l’interpelle : « Suis-moi Marcel mon père » (comme si la ligne courbe pouvait le ramener à un point d’origine).

 

   Chemin faisant, les pas de l’auteur le conduisent (ainsi que son père) sur ceux de poètes dont on connaît la communion avec la nature et l’art d’appréhender la vie avec ce détachement propre aux philosophies extrême-orientales. Bonjour, donc, à Bashô, Buson, Issa, Ryokan, tous ces maîtres en haïku que l’auteur cite à plusieurs reprises dans son livre.

   Qu’un « volatile non identifié » le frôle (« un passereau certainement ») et voilà Bernard Victor Chartier citant Issa : « Viens avec moi/et amusons-nous un peu/moineau sans parents ». Ce haïku dit tout, finalement, de la démarche poétique engagée ici. Autrement dit, faire un va-et-vient permanent entre le père, le fils, la nature, le jardin et tous ces auteurs qu’il fréquente assidument. S’engage ainsi une forme de navette que les oiseaux (mésanges, rouges-gorges…) tissent avec application au fil des jours tandis que la cabane dans le sycomore nous renvoie à l’ermitage « intérieur » du père et à une autre cabane, celle du poète Ryokan (« un calme parfait/sur un oreiller d’herbe/ loin de ma cabane »)

 

    D’autres figures de femmes et d’hommes, ceux que Chartier appelle « les résidents de mon éden », peuplent ce livre et aident à faire le saut dans le temps à la redécouverte du père. Ils s’appellent Gandhi, Angelius Silesius, Etty Hillesum ou François d’Assise. Avec eux, l’auteur entretient, dans une attention soutenue aux couleurs et aux sons, une folle espérance. Retrouver, au bout de sa quête, une forme d’apaisement et le « sentiment d’un bonheur nouveau ».

                                                                                                           Pierre TANGUY.

 

Dans tes pas, peut-être, Bernard Victor Chartier, aquarelles de Bernard Schmitt, préface de Jean Lavoué, L’enfance des arbres, 127 pages, 15 euros. L’enfance des arbres publie par ailleurs La nuit et la grâce de Claude Thevenon, poèmes-psaumes, 111 pages, 15 euros.

 

Tous les livres publiés par l’enfance des arbres peuvent être commandées au 3 place vieille ville, 56700 Hennebont (frais de port : 3,50 euros pour 1 livre, 6,50 euros pour 2 livres, offerts à partir de 35 euros. https://www.editionslenfancedesarbres.com/commander.html



















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vendredi 21 août 2020

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Le Poème s'ouvre en avant de nous

Mais c'est nous qui lui préparons le chemin

Il a besoin de nous

Comme nous avons besoin de Lui

Chacun aide l'autre à ne pas s'éteindre en soi

Chacun devient le gardien de cet hôte qui le tire en avant

Lui révèle à chaque pas de nouveaux horizons

À chaque halte de nouveaux possibles 

 

C'est ainsi que nous devenons les témoins émerveillés 

De l'éveil du Poème en nous 

Capables de Le célébrer 

En tout être 

En toute chose.

 

Jean Lavoué, 20 août 2020



















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lundi 17 août 2020

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C'est le Poème qui te met en marche 

Le goût d'un jour nouveau

L'éclat d'instants qui convergent 

 

Alors tu suis le vent

Sans savoir où il va

Tu laisses le silence

S'accorder à ton pas 

 

Il faut nous arracher 

Aux racines de l'ombre

Pour laisser la lumière

Envahir nos chemins 

 

Nous sommes faits pour l'élan 

Pour l'horizon et pour le large

Toute vie se prolonge 

Et nous ne le saurions pas !

 

Jean Lavoué, 12 août 2020

Photo bertvthul/Pixabay

























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jeudi 13 août 2020

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LA JOIE DU MONDE

 

Vers où marchent les arbres

Les galets les rivières 

Vers où marche le monde 

Si ce n'est vers sa joie

 

Et vers où marche l'homme

Quand il nuit aux forêts 

À l'air aux océans 

Si ce n'est vers ses peurs 

 

Mais quand il va vers l'aube

Vers le jour fraternel

Quand il parle aux oiseaux

S'accorde à la lumière 

 

Il fait bien s'élargir

Des clairières d'azur 

Il fait croître alentour

Tout un peuple confiant 

 

Laissons-nous engendrer

Par le souffle du vent

La danse des saisons

L'amour qui nous traverse 

 

Nous serons de plain-pied 

Avec la joie du monde 

Et nous jubilerons

De la gloire d'être ici.

 

Jean Lavoué, le 12 août 2020 

Photo JL 12/08/20
















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mardi 11 août 2020

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Gilles Baudry & Nathalie Fréour

Un silence de verdure (L'enfance des arbres)

Attentif au dialogue entre arts et poésie, Gilles Baudry aime collaborer avec des photographes, des peintres, des graveurs, des musiciens. Ce livre au format à l’italienne, édité par une maison d’édition récemment créée par le poète et écrivain Jean Lavoué, compose un hymne à la vie, où la plénitude s’accorde à la simplicité, loin du vain brouhaha : « C’est le calme qui rend vaste une vie ». Les poèmes concis de Gilles Baudry et les dessins aux traits épurés de Nathalie Fréour se répondent face à face, page après page, pour rendre éloge au silence vital « qui tient en haleine / si proche / qu’il devient notre confident ». Sur fond blanc Nathalie Fréour fait jaillir la lumière de ses encres noires. La verdure du monde végétal est habilement suggérée. Aucune redondance entre poème et dessin mais des « accords subtils » où « se cache l’invisible ». L’ouvrage de 103 pages se clôt sur le vers qui lui donne son titre : « Dans le balancement des graminées / germe un silence de verdure ».

Marie-Josée Christien (Spered Gouez / l'esprit sauvage n°26, octobre 2020)

Recueil de Gilles Baudry toujours disponible aux éditions L'enfance des arbres 3 place vieille ville, 56 700 Hennebont, 15 euros + 3,50 euros de frais de port

https://www.editionslenfancedesarbres.com/un-silence-de-verdure---gilles-baudry.html



















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vendredi 7 août 2020

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Accorder l'instant

Aux battements d'ailes d'un papillon

Et le voir s'engouffrer dans la nuit des feuillages

N'être plus séparé

Par l'esprit qui calcule

Simplement accordé

Au présent qui se donne

Pas d'attente inutile

Lavé de tous projets 

Être aussi légitime 

Que l'arbre dans le vent

En sa danse immobile

De connivence avec l'oiseau

En son aisance ailée 

Avec son chant pour tout message 

Rien de côté pour la mort

Elle n'aura rien à prendre

Tout ici est donné 

Cueillir la pauvreté des mots

Traduits du silence

Se découvrir relié

Au souffle qui traverse 

Sans rien à retenir

Que la joie d'être ici.

 

Jean Lavoué, 5 août 2020 

Photo JL 5/08/20






















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