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Pierre Tanguy publiera en septembre prochain à L'enfance des arbres un livre d'hommage consacré à Xavier Grall.
Jean Lavoué : « Des clairières en attente »
Poète, écrivain, éditeur. Le Breton Jean Lavoué creuse son sillon. Dans un récit-témoignage sur son itinéraire de vie, il propose une nouvelle approche du christianisme, en faveur du « poème évangélique », dans la fidélité à des auteurs qui ont choisi « l’exode » et « les marges », à commencer par Jean Sulivan. Que l’on soit chrétien ou non, que l’on croit en Dieu ou non, son témoignage mérite d’être entendu.
S’il y a des mots que Jean Lavoué abhorre, ce sont bien les mots « jugements » et « condamnations » (ceux d’un catholicisme de la culpabilité). Il leur préfère les mots « espérance », « désirs », « confiance ». Car il nous estime « assoiffés de puits », prêts à répondre à « l’appel de l’oasis ». S’il donne l’impression de parler ici en paraboles, il est surtout là pour tisser devant nous le fil conducteur d’une vie qui l’a mené de ses responsabilités dans l’action sociale à un engagement définitif dans l’écriture (inauguré par son blog « L’enfance des arbres »). Des événements fondateurs, des rencontres décisives jalonnent son parcours. Qu’il s’agisse de Maurice Bellet, Bernard Feillet, Etty Hillesum, Dietrich Bonhoeffer, Marcel Légaut, Maurice Zundel, Joseph Moingt, François Cassingena-Trévedy… jusqu’à la découverte essentielle de l’œuvre de Jean Sulivan. Sans oublier les textes poétiques de Gilles Baudry, Christian Bobin, René Guy Cadou, Xavier Grall…
Jean Lavoué se rend vite compte que ses aspirations à une nouvelle approche du christianisme ne sont pas isolées. Le voici engagé dans des « nouveaux réseaux de l’hospitalité et de la générosité » autour de « lignes de fuite permettant d’arracher le souffle évangélique à cette culture qui l’a séquestrée » (la culture gréco-romaine). On le retrouve ainsi dans des rencontres « Bible et poésie », dans des journées alliant spiritualité et culture… Le voici, surtout, qui devient auteur. Il publie des livres sur Sulivan, Lammennais, Grall, Perros… Il cherche de nouvelles voies à emprunter pour faire vivre le souffle évangélique. « Loin du cléricalisme » comme le dit, dans un de ses livres, Loïc de Kerimel.
Aujourd’hui un néologisme retient l’attention de Jean Lavoué, celui de « christité» qu’il voit utilisé par le théologien Jean-Marie Martin. « Cette christité, telle que je la ressens, écrit-il, je dirais d’abord qu’elle déplace complètement le divin, Dieu, le Christ, de cette place d’exception au sommet d’une pyramide verticale où il se tient séparé des humains. Plus de Dieu extérieur, plus de conception théiste ». Qui, alors, est Dieu ? « Une puissance de Vie, répond Jean Lavoué, qui appelle l’homme en avant de lui-même, qui lui ouvre tous les possibles ». Avec comme conséquence, celle « d’assumer la conception d’un Dieu faible, pauvre, incarné en l’homme ».
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Pour faire vivre cette christité, l’auteur croit plus que jamais aux petits groupes cultivant la fraternité évangélique, à la méditation pour se relier à la « diaspora », à la pratique quotidienne de la marche associée à l’écriture poétique… Il va aussi jusqu’à souhaiter un « œcuménisme radical à élargir au judaïsme » pour rejoindre cette « identification profonde de Dieu avec la souffrance de l’homme ». Il note que les périodes de confinement que l’on vient de vivre furent, à ses yeux, « un grand révélateur de tels déplacements qu’il faudrait apprendre à lire comme un signe des temps ». En clair, ne pas revendiquer « à cor et à cri le retour des messes dominicales » mais plutôt faire de nouvelles expérimentations, loin d’une « église autocentrée », autour de « véritables oasis chercheuses de chemins inédits ». Ce que Jean Lavoué appelle des « clairières en attente ».
Pierre TANGUY.
Des clairières en attente, Jean Lavoué, Mediaspaul, collection Grands Témoins, 2021, 130 pages, 15 euros.
Livre disponible ou bien à commander en librairie.
Photo JL 13/04/21
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