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mardi 31 mai 2011

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Voilà que le rythme se fait plus vif.
Les phrases plus brèves.
Les paragraphes ouverts
sur la scansion d’un silence.
Tu jurerais que tu n’y es pour rien.
Un autre souffle cherche à se dire.
Une autre voix au-dedans de ta voix.

C’est un matin sans rituel,
sans cérémonie.
Tu laisses la musique venir en toi.
Jusqu’où resteras-tu ce personnage
 s’efforçant de faire tourner la roue ?

Depuis si longtemps que se cherche
le point de passage et de rupture
quelque part en avant de toi.


JL












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lundi 30 mai 2011

La réalité ne se révèle
qu'éclairée par un rayon poétique.
Tout est sommeil autour de nous.

Georges Braque
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Quand cesseras-tu d’être le figurant de ta propre vie ? De jouer un rôle au mirage de toutes ces attentes que tu prêtes aux autres. A force de ne pas vouloir les décevoir, tu passes à côté de toi-même et de ton désir. Cesse de leur appartenir. Laisses-toi enfin trouver.


Tu ne nommes pas ce mouvement de transformation qui s’opère en toi. Parler de conversion serait un langage encore trop religieux. Il te faudrait plutôt dire : simplification. Renoncement à toutes définitions. Présence essentielle.


JL






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dimanche 29 mai 2011

Le chuchotement de la feuille
traverse d'épaisses forêts.
Le familier lointain fait mesurer
quel long scalpel fut inventé
pour ouvrir, sans peur, le silence.

Pierre-Albert Jourdan

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Une vigilance un peu trop relâchée, et te voilà aux portes du sommeil. Une présence un peu trop tendue et te voilà immédiatement emporté dans les jeux crispés de l’ego. Il te faut cultiver la conscience élargie, ni assoupie, ni maîtrisée, mais disponible au doux envahissement du souffle.


Les passions qui t’emportent, tu dois aussi apprendre à les accueillir et non à t’en couper. Racines accueillies, tu peux les laisser aller : elles n’encombreront pas ta vie d’errance ou de regrets. Elles t’auront fait descendre un peu plus dans la connaissance de tes blessures : ce sont elles qu’il te faut brûler au feu d’un silence renouvelé.


JL






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samedi 28 mai 2011

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Ceux qui comptent sur toi c’est d’abord sur cette parole simple, sincère, qu’ils attendent. Nul besoin de démonstration. L’ouverture à l’instant même de cela qui les touche. Tu essaies de ne pas t’éloigner de ce jaillissement. 


Ce à quoi il te faut porter attention sans cesse c’est à la vie joyeuse, douloureuse, transfigurée. Tu n’as pas à rejeter mais à recevoir et à lâcher. Toute expérience peut t’être bénéfique pour avancer sur la voie.


JL






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vendredi 27 mai 2011

C'est faux de dire : Je pense :
on devrait dire on me pense.
- Pardon du jeu de mots. Je est un autre.
Tant pis pour le bois qui se retrouve violon...


Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute.
Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée :
je la regarde, je l'écoute :
je lance un coup d'archet :
la symphonie fait son remuement dans les profondeurs,
ou vient d'un bond sur la scène.


Arthur Rimbaud
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Tu n’as pas besoin d’en connaître davantage. Tu as besoin de vivre ce que tu sais déjà. A quoi bon cette course effrénée au savoir. Contente toi du peu que tu as déjà compris. Puis avance, courageux, sur le chemin.


Accepte d’écrire aussi pour te recentrer. Pour tenter de traduire en mot ce que le silence a cherché à te communiquer. Sans nul besoin de t’éloigner de ce qui monte du cœur. Tu ne cherches pas. Tu trouves. Ou plutôt tu es trouvé par cela en toi qui veut se manifester.


JL






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jeudi 26 mai 2011

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Nous vivons aujourd’hui la chance que ce Royaume devienne celui de tous les hommes de bonne volonté de la planète. La sortie des religions de pouvoir totalisantes, même si elles peuvent sembler un temps se renforcer de cette confrontation inéluctable avec l’altérité des autres traditions, ouvre aux hommes la perspective d’une accession au mystère commun à l’humanité dont elles cherchaient maladroitement, avec force de raisonnement et de pouvoir, la voie. La relativisation de toutes ces croyances en une divinité extérieure, dont les principes s’excluent les uns les autres, ne supprime pas, bien au contraire, la possibilité pour les hommes d’accéder à leur profondeur. Elle en constitue l’opportunité. La rencontre notamment entre les sagesses d’Orient et les religions d’Occident amènera un nombre de plus en plus important d’êtres humains à vivre, comme le dit Karl Graf Durkheim, au niveau de leur être essentiel, cette Grande Expérience qu’ont tenté d’explorer les êtres spirituels de toutes traditions au fil de l’histoire de l’humanité.

JL





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mercredi 25 mai 2011

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Ce que certains nommaient le charisme et dont on pouvait toujours craindre l’accaparement et la récupération par la personne dans des logiques de pouvoir personnel, je découvrais qu’il pouvait aussi circuler entre les personnes et cela dans un contexte entièrement laïc où la religion ne constituait qu’une sorte de back-ground commun, plus ou moins conscient. Ainsi y a-t-il des êtres athées ou agnostiques qui aiment Dieu, comme se plaisaient à le dire Georges Perros ou Jean Sulivan, qui se reconnaissaient bien l’un et l’autre dans cette description, l’un à partir de sa vie de mécréant assumée, l’autre de son maintien risqué au sein d’une Eglise qui n’avait cessé de le décevoir tout en lui transmettant l’essentiel : l’accès à cette tradition de la parole ne cessant de se murmurer au cœur de tout homme, pourvu qu’il se mette à son écoute. De la même manière, il est aisé de percevoir dans son entourage ceux qui se sont rendus poreux à cette présence, la laissant circuler en eux, quelque soient leurs croyances ou incroyances, et ceux, au contraire, qui se sont fermés à cette traversée de la grâce alors même qu’ils peuvent se dire fidèlement croyants. Cela aussi c’est l’œuvre du discernement et de cette ouverture en soi à l’écoute de ce qui nous est commun : le Royaume intérieur dont ne cesse de nous parler le Christ dans l’Evangile. Toutes paraboles ne sont dites que pour nous conduire à l’intuition de ce Royaume qui se tient au-dedans de nous sans être notre propriété personnelle. C’est un trésor à partager.

JL





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mardi 24 mai 2011

Je ne m'absente qu'à cause du souffle,
à cause du chant.

On peut  seulement laisser la vérité
pousser en soi
et prendre toute la place.

Plus de panique dans les yeux.
Je chante les forêts au coeur des villes.
Je chante l'âme.

Je lance des mots en avant,
je l'ai dit,
pour qu'ils me tirent.

Goûté à l'éternité.
Inguérissable!

Préférence à la voix.

Jean Sulivan
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J’ai pratiqué bien des voies susceptibles de conduire au silence intérieur. Chacun doit trouver la sienne. Pour ce qui me concerne, c’est la pratique du zen en posture debout qui m’a conduit à cette pacification ouvrant progressivement la voie de la présence intérieure. Comme je l’ai déjà dit, c’est dans la posture de l'arbre, la pratique du Zhan Zhuang issu du Qi Gong chinois, que j’ai trouvé l’ancrage quotidien et continu dans la voie du silence. Du yoga, à la méditation silencieuse, au zen, j’ai trouvé là toutes convergences. L’écoute des mouvements du cœur pratiquée selon les intuitions d’Ignace de Loyola trouve dans l’application de cet exercice sa source journalière. J’ai appris à ne plus considérer que le ciel était en haut, mais qu’il se tenait au dedans. Je ne cherche plus la lumière à l’extérieur. Mais j’ai aussi découvert que l’intérieur était tout autant chez ceux qui m’entouraient. Qu’il n’était pas ma propriété. Que tous nous faisions partie d’un monde dont le Royaume était en nous. Et qu’ensemble nous pouvions le faire advenir, quelque soient nos croyances, nos convictions, nos attachements mentaux. Pourvu que nous fassions confiance à cette présence que nous ne pouvions nommer, plus intime à nous que nous-mêmes et qui nous traversait. 

JL





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lundi 23 mai 2011

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Si quiconque aujourd’hui me demandait conseil pour la conduite de sa vie intérieure je l’inviterai d’abord à faire silence, à conquérir l’espace et le temps quotidien à partir desquels toutes perspectives se renversent. Inutile d’alimenter le flux continue des pensées escomptant trouver ainsi la lumière et la joie. Plus de fluidité mentale peut-être. Moins de blocages affectifs. Davantage de lucidité sur les fonctionnements de l'âme. Mais avec tous les risques de se complaire dans une dimension de surface de la personne, sans accéder aux grands fonds de la liberté intérieure. Si le rêve est la voie royale de l’inconscient et de l'analyse, le silence est celle de la naissance en soi de la dimension spirituelle de l’être, capable de communiquer avec le mystère de la vie et d’acquiescer à son origine.

JL






dimanche 22 mai 2011

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La psychanalyse a conduit certains êtres sur cette voie de l’écoute intérieure. Elle en a perdu d’autres dans les méandres de leurs propres fonctionnements psychiques, que des théorisations rationalistes rendaient d’autant plus confus et inextricables. C’est au-delà de toute explication que se fonde la liberté intérieure. Mais toute compréhension passagère, même reposant sur des étayages incertains peut servir la voie. C’est seulement dans l’après-coup que l’on devine le chemin qui se cherchait alors. Mais que de temps perdu ! Que d’errances avant d’atteindre à la simplicité du cœur.

JL




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samedi 21 mai 2011

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Pas de socle dans les mots. Comment faire entendre le souffle qui les traverse ? Le poème peut-être. Rester poreux à l’amitié du monde. Un sourire, un nuage, un battement d'aile, un grain de sable, une touffe d’herbe, la marche usée de chaque jour et soudain tout s’éveille! Rien qui ne soit donné, accordé, à l’instant même.

JL




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vendredi 20 mai 2011

Là, le temps ne peut servir de mesure,
là, l'année ne compte pas
et dix ans ne sont rien...
ne pas calculer, ne pas compter ;
mûrir comme l'arbre qui ne presse pas sa sève
et qui brave avec confiance les tempêtes du printemps,
sans craindre qu'après elles ne vienne l'été.
L'été viendra. Mais il ne vient qu'aux patients
aussi sereinement tranquilles et ouverts
que s'ils avaient l'éternité devant eux.

Rainer Maria Rilke
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Il est toujours difficile de transmettre à quelqu’un d’autre ce qui a fait la source d’un éblouissement. Mais il arrive qu’une parole de témoignage trouve passage et conduise l’autre à se mettre à l’écoute de son propre dialogue avec le mystère. Car on ne convertit jamais personne de l’extérieur. Mais c’est toujours de l’intérieur que vient le retournement. Alors les yeux s’ouvrent, les oreilles entendent, les boiteux marchent. La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres de cœur. La méditation silencieuse est préparation à cet abandon, à ce lâcher prise qui conditionne cette autre présence à la source intérieure. Aucun but n’est à poursuivre si ce n’est celui de renoncer à touts buts pour se livrer au seul soleil de la Parole. Elle n’a jamais cessé de nous chercher depuis l’Origine.

JL











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jeudi 19 mai 2011

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Se laisser conduire sans se perdre. Se laisser guider sans poteaux indicateurs. Accepter d’errer là où le chemin se perd éclairé par les seules lumières des fugitifs éclats intérieurs. Impossibles à prouver. Si ce n’est les fruits de la consolation et de la joie. Devenir capable d’avancer face aux pires incertitudes. Surmonter ses faiblesses et ses fragilités pour s’exposer au vent de la mort, où passe le souffle ténu, indicible. Soleil triomphant de toutes nos inquiétudes. Qui peut transmettre cette voie d’un accompagnement sans maître ? C’est en soi que se forge, par décisions successives, par consentements assumés, l’être intérieur qui pas à pas apprend à discerner les éclairs du chemin.

JL




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mercredi 18 mai 2011

Ici je parlerai
d'un coeur enfin serein
dans la douceur du soir
Je dirai les nuages
et je dirai l'oubli
Je dirai le partage
le sang versé, la nuit
je dirai l'espérance
Je dirai ce que tous
auraient dit si les mots
ne leur faisaient défaut

Geoges Haldas
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Cette manne qu’il t’est donné de recueillir chaque jour, à quoi bon si elle n’est partagée. Elle n’est pas faite pour être conservée, recensée. Elle se donne en abondance à chaque instant qui passe. Celle qui n’est pas ramassée est perdue. L’important pour chacun est d’ouvrir les yeux du cœur sur la merveille qui le concerne en propre. Il y faut souvent une blessure, un amour déchiré, une joie revenue de la mort, imprenable.

JL




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mardi 17 mai 2011

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Comment partager avec vous l’indicible ? L’Ange qui se tient joyeux sur le chemin ?

Rien de grand qui ne puise sa force dans cette lumière du cœur. Dont nul raisonnement ne saurait rendre compte. Mais seulement la joie. Cela vaut pour toutes choses de l’existence. Les grandes et les petites. Cela aide à traverser l’obscur. Ainsi de tous ces hasards heureux glanés à chaque instant de la vie. Les voir c’est se faire aveugle à tout ce qui nous empèse. Les soucis. Les certitudes. Les aveuglements. Se laisser guider ainsi chaque jour vers la source indicible. Avec des yeux d’enfant.

JL




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lundi 16 mai 2011


me grandir, c'est impossible,
je dois me supporter telle que je suis
avec toutes mes imperfections.

Thérèse de Lisieux
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Pas d’autre liberté que celle de se mettre à l’école de cet aveuglement volontaire. Aimer cette impossibilité de voir vraiment. La reconnaître pour ce qu’elle est. Notre attachement à tant d’illusions. La paix du cœur enfin gagnée sur la prétention à voir et à comprendre. Retour à la nuit des origines où s’ouvrent pour nous les mains du dieu vivant. Sans possibilité jamais pour nous de Le reconnaître. Avant que nos yeux ne s’ouvrent, il disparaît dans la poussière de nos chemins. Mais avec sa grâce nos lèvres peuvent annoncer la merveille entrevue.

Je n’écris pas pour convaincre. J’écris, comme disait l’ami Sulivan, pour que les mots me tirent en avant. Par des sentiers de connivence, dans les silences du cœur. Si l’écriture ne parvient pas à toucher en vous cette zone d’ouverture silencieuse, elle ne mérite nul lecteur. C’est dans cette vacuité où je me tiens qu’elle gagne ses lignes de partage. Malheur à elle si elle devient bavarde. Si le concept reprend ses droits au milieu des marges. Tout l’exercice qui ne consiste qu’à faire rayonner le silence en dehors de la phrase, ailleurs que dans les mots, est alors à recommencer.


JL




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dimanche 15 mai 2011

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Tu aimes quand l’écriture va à ce rythme lent. Plein de brisures et de voies ouvertes. Tu ne sais rien de l’oiseau qui passe. De son poids sur la branche. Mais tu recueilles son chant. Berger patient sur les rives de l’être. Tu gardes grand ouverts les gestes de ta salutation. Là tu comprends, sans commentaires, qu’aveugle et malvoyant sont deux choses bien différentes. Pas besoin d’ouvrir les yeux pour te sentir de plain pied avec le seul réel qui te concerne. Voilà pourquoi, à celui qui ne voit pas il faut encore lui enduire les yeux pour l’inviter à entrer dans la pénombre lumineuse. La seule qui conduise à la source.

JL




samedi 14 mai 2011

Ces temps-là furent de plénitude.
Il disait qu'il faut peu de temps pour unifier une vie humaine

(give me time forever here in my time).
Joie comme s'il n'y avait plus eu de limites.
Mais en même temps une grande lassitude de tout
et une immense attente d'autre chose.

Edith Delos
in Jean Sulivan, L'écart et l'alliance
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Face à tout ce qui t’encombre, tu opposes ces instants glanés sur le vide. Ce centre caché de ta vie où tu refais tes forces. Ces traces vives. Que pèseront ces quelques pages dans les bibliothèques du monde ? Moins qu’un vol de papillon par le miracle duquel, en toi, tout se trouve allégé. Ce besoin de connaître, insatiable. Cette soif d’apprendre. Tu te trouves plus démuni que le premier passereau venu. Tu restes assis sur la margelle du puits à guetter l’inconnu qui te désaltérerait. Tu te familiarises avec ce qui t’ignore. Tu laisses jaillir en toi l’alléluia qui répond au chant de la terre. Tu participes.

JL




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vendredi 13 mai 2011

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Le poème se donne à mesure. Le mental peut se taire, laisser place aux clairières. Tu t’avances dans le chant souverain. Pas de sandales aux pieds. Comme dans un espace sacré. Tu reconnais chaque arbre qui t’a vu naître. Amitié pour chaque brin d’herbe, chaque fleur. Pas d’exercice qui te soumette aussi patiemment à l’écoute intérieure. Pour qui cette écriture ? D’abord pour l’ouverture en toi à Cela que tu ne nommes pas.

JL




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jeudi 12 mai 2011

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L’heure de l’écriture est l’heure de la plus grande ouverture. Incertitude et disponibilité à l’égard de ce qui doit venir. Sans nécessité. Gratuité absolue. Comme le souffle qui se donne et se reprend sans cesse. Ainsi le rythme de la phrase. Mouvement des marées. Jeu inconsolable de la vie et de la mort mêlées. J’avance à mon pas. Sans plan préconçu. Je me laisse guider. Un mot en appelant un autre. Pensées se confondant aux pulsations du sang. Toutes tensions dénouées. Présent comme devant un silence ne cessant de se dévoiler. C’est sans prise et sans fin. Cela est. 

JL




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mercredi 11 mai 2011

Nous n'appartenons à personne 
sinon au point d'or de cette lampe inconnue de nous,
inaccessible à nous 

qui tient éveillée le courage et le silence.

René Char
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Entre les mots ce qui palpite que tu ne peux nommer. Trésor inconnu, absence souveraine autour desquels tout gravite. Tu donnes du poids à cette gravité. Tu t’y laisses entraîner dans le naufrage d’un silence. Tu sombres en lui corps et bien. Sûr de l’étoile arrimée au fond de la nuit. 

JL





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mardi 10 mai 2011

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Les mots, ce qui te touche en eux, c’est leur fragilité, leur vulnérabilité, leur très haute sensibilité. Un rien et ils s’échappent. Mais s’ils se laissent apprivoiser tu peux sauter de l’un à l’autre comme par mégarde. Ils ne bronchent pas. Ils se laissent déplacer. Ils acceptent de jouer n’importe quel rôle, d’occuper n’importe quelle place, pourvu qu’il en demeure toujours une, vacante, disponible vers laquelle au besoin se rendre. Ils ne bouclent jamais. Ils ne ferment jamais. Ils sont comme un printemps qui va surgir, la fleur éclose sur l’écorce noueuse, prête à s’effacer, furtive, jusqu’aux prochains surgissements.

JL




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lundi 9 mai 2011

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Parfois c’est à d’autres profondeurs que joue l’écriture ; dans l’éclat incessant de la phrase qui échappe. Tu n’as pas choisi d’être celui par qui le poème se disait. Tu as laissé faire. Renoncement à bien des désirs de comprendre, de raisonner, de maîtriser. Simple poussée du vent dans les feuillages de l’âme. Tu es dans ce tremblement qui s’ignore. Tu laisses parler la fêlure. Tu te tiens à l’endroit où ta vie cesse désespérément de s’accrocher. Tu goûtes à l’instant immobile. Brûlure de soleil levant.

JL




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dimanche 8 mai 2011

Très grand arbre mendiant
qui a fripé son patrimoine,
face brûlée d'amour et de violence
où le désir encore va chanter.

... Et ne voilà-t-il pas déjà
toute ma page elle-même bruissante,

Saint-John Perse
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L’écriture peut aussi être cette adresse vers l’autre que vous cherchez au fond de vous-mêmes, le passant solitaire. Et quand elle est reçue, elle devient passage, sentier pour ajuster son pas. Sans le confondre avec celui de l’autre. Mais le contact avec le sol se fait plus ferme, l’allure plus souveraine parce qu’on a reçu confirmation que cette marche était vraiment sacrée. Qu’il ne s’agissait pas d’un jeu mais d’une vraie rencontre, peut-être d’une naissance.

Rien ne saurait advenir sans cette plongée dans les racines de l’être. Rien sans ce silence, cette renonciation douce à toute maîtrise de la raison et du mental. Rien sans l’ouvert de l’intuition la plus pure, alors que rien n’est encore gagné, assuré, et que pourtant se lève le signe victorieux au fond de l’âme. La joie de se sentir sauvé, guéri, rejoint, contre toute évidence, toute fausse morale qui ne fait qu’interdire en fait l’accès à cette joie. Rien sans le secret qui accompagne.


JL




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samedi 7 mai 2011

C'est quand tu chantes pour toi
que tu ouvres pour les autres
l'espace qu'ils désirent

GUILLEVIC
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La chance de la modernité, contre laquelle se dressent précisément toutes les traditions et toutes les religions, est de permettre à tout homme de chercher l’instrument qui est le sien pour rejoindre l’orchestre et le concert que l’humanité entière est appelée à jouer. Sans mépriser pour autant la tradition dont il est issu. Parfois en la renouvelant. Parfois en la quittant mais pour mieux l’entendre résonner avec le chant dont il a découvert qu’il était vraiment le sien : celui là même qu’il lui fallait trouver afin de le partager avec tous.

JL




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La poésie ne sera plus faite par un,
mais par tous.

Arthur Rimbaud




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