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samedi 31 décembre 2022

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Chers amis, c’est avec ce poème déjà partagé ici que je vous souhaite, cette année encore, en dépit des menaces qui pèsent depuis un an sur nos frères ukrainiens 🇺🇦 et sur le monde, une féconde et paisible année 2023. Que nous soyons encore jardiniers d’espérance, que la justice triomphe et que la joie du poème demeure… « Se faire silencieux, vivre, aimer, écrire… ce sont des actes qui n’en font qu’un seul. » Christian Bobin, La merveille et l’obscur, 1991




Si tu te sens très pauvre
Devant l’année qui vient,
Alors tu béniras 
Les marées du silence,
Espaceras la neige 
Dans le ciel de ton cœur. 

Si tu es vulnérable,
Incertain de tes jours,
Tu recevras en toi
La Vie comme un cadeau,
Tu feras face à tout
Délivré de tes peurs.

Entre racine et cime,
Amoureux sans repos,
Faisant danser l’étoile
Tout au fond du chaos,
Tu n’accueilleras rien
D’autre que l’oiseau.

Si tu ne comprends pas
Où va le monde qui vient,
Si tu le trouves gros
De menaces infécondes,
Alors tu seras tendre
Avec chaque bourgeon,

Chaque printemps à naître,
Chaque vie qui commence,
Chaque nuit qui s’achève.

Jean Lavoué
www.enfancedesarbres.com

Poème partagé le 31 décembre 2015
Photos prises le 29 décembre 2015 par  Brigit Laouen










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jeudi 29 décembre 2022

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J’ai demandé à l’arbre ce matin
De m’aider à ciseler un poème

Il m’a d’abord parlé du vent
Au souffle imprévisible 

Puis de l’hiver quand seules les branches nues
Fouaillent en vain le ciel

Et encore de la sève dont la nuit silencieuse
Irrigue tous les mots

Puis il s’est tu longuement 
Me laissant supposer un obscur travail de racines

Et c’est alors que j’ai cru sentir 
Sous l’écorce de mes doigts
Percer le premier bourgeon
Et s’envoler l’oiseau dont le chant 
Annonçait déjà le printemps.

Jean Lavoué, le 28 décembre 2022
Photo JL La Chesnaie 5/12/22
www.enfancedesarbres.com 










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lundi 26 décembre 2022

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Je relis avec émotion 

cette profonde parabole poétique de Francine Carrillo 

dont l’actualité se fait plus vive encore cette année

et la nécessité d’une prise de conscience d’autant plus urgente :

ce sont les larmes de l’enfant vulnérable et divin en chacun de nous

qui devraient nous réveiller…


JL





Poème pour Noël 2021 de Francine Carrillo 


Depuis le fond des siècles

l’enfant dansait avec le vent

les étoiles prenaient vie sous ses pas

tandis que ses doigts 

tressaient d’or le néant

Quand il leva les yeux

il comprit qu’il était tombé

dans un monde déserté

par les dieux

Ici pas de vent 

mais des ouragans

des abîmes de violence

mais si peu d’espérance

et partout du clinquant 

qui offense l’invisible

Il y avait surtout ces regards 

penchés en avant

qui cherchaient consolation

sur leurs écrans

Personne ne voyait l’enfant

et l’enfant était seul

parmi tous

Il aurait voulu

reprendre sa danse

mais son cœur s’était figé

C’est alors 

qu’une larme roula 

sur ses pieds

une perle dont le silence 

fit un tel vacarme

qu’enfin ils levèrent les yeux

sur l’enfant qui pleurait

Ils ne comprirent pas

ce qu’il leur arrivait

mais dans leurs regards

quelque chose d’infime

s’était levé

comme une étrange lumière 

qui en eux ouvrait une clairière


                      FC Noël 2021












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dimanche 25 décembre 2022

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L’humble berger du Très-Bas

 

 

À Noël, ce n’est pas seulement un enfant qui naît mais c’est le monde aussi, dans sa fragilité et sa tragédie, dans sa bonté surtout, sa lumière et son chant. Saurons-nous le reconnaître encore cette année au cœur de cette bourrasque qui secoue les assises mêmes de notre demeure commune ? La guerre est à nos portes. Les grands équilibres de notre planète bleue vacillent…

 

Noël ne survient pas seulement voici deux mille ans, mais c’est au commencement de tout et c’est maintenant : l’acte créateur dont, depuis la nuit des temps, le cosmos entier est le fruit. À quoi bon célébrer la naissance d’un enfant dans les montagnes de Judée si nous n’en discernons pas le surgissement en nous-mêmes maintenant comme partout autour de nous ?

 

Cet enfant refera, dit-on, toutes choses nouvelles, il sera incompris des maîtres des nations, étranger au pouvoir des hommes, il sera mis à mort et pourtant, en chaque conscience ouverte à son amour, sa vie triomphera. Pouvons-nous l’assurer quand, à nos portes, la barbarie s’abat sur des frères partageant depuis des siècles cette même religion d’amour ? L’abus de puissance de traditions religieuses détournées de leur source fait vaciller, lui aussi, des constructions que l’on croyait immuables.

 

La splendeur du monde peut aujourd’hui être anéantie. La démesure humaine, le triomphe du mensonge, la dévastation des ressources de la terre, le règne de l’argent la clouent chaque jour un peu plus sur la croix du désastre à laquelle, le voulant ou non, par le moindre de nos gestes, nous contribuons. C’est la naissance même de l’enfant de la promesse que nous ne cessons de mettre à mal.  Les outils de domination de l’homme se retournent contre lui-même. Saurons-nous redonner à nos démocraties la vigueur nécessaire pour que la vie malgré tout l’emporte ?

 

Célébrerons-nous justement la Vie en ce Noël, rappel du premier jour ? Offrirons-nous notre gratitude pour ce don d’un univers tellement plus vaste que les membres crucifiés de notre petite planète bleue humiliée ? Pourrions-nous revenir au respect profond dont ont témoigné à son égard toutes les cultures premières : la naissance d’un enfant pauvre, témoin au cœur du cosmos étoilé de ce surgissement prodigieux de la Vie, ne devrait-elle pas nous y enraciner davantage ?

 

Pourrions-nous bénir la magnificence de cet enfantement de tout, de cette genèse d’amour qui ne se reprend pas, irradiant le moindre atome et toutes les galaxies ? Songeant à la naissance au vent des étoiles de ce petit enfant, pourrions-nous faire confiance à cette donation féconde, toujours fidèle, qu’aucune atteinte ne décourage jamais ? Elle est la matière même de l’univers, c’est elle qui relève à jamais tout être et toute chose : en serons-nous les bergers reconnaissants ?

 

Le poète Christian Bobin avait une tendresse particulière pour la fête de Noël dont il redoutait plus que tout le recouvrement sous le poids des objets et des cadeaux. Il n’a jamais cherché à revêtir du moindre ornement religieux l’enfant dont il s’est contenté d’accueillir la nudité de la naissance en lui comme en tout être et toutes choses… Chaque instant de sa vie, chaque rencontre lumineuse, le vol d’un papillon de juillet comme l’éclat douloureux du départ de Ghislaine, « la plus que vive », n’ont cessé de réveiller en lui les traces de cette naissance. Il s’est mis à l’humble école du Très-Bas dont il nous a fait le don dans une écriture jaillissant de la Source même.

 

C’est à cette naissance aussi que nous sommes conviés en ce Noël célébrant ce qui se joue à chaque instant au cœur de tout être :  humains, plantes, animaux et jusqu’à la moindre parcelle de l’univers. Que la blessure de l’absence de l’ami rejoignant celle de l’enfant malmené par nous depuis vingt siècles nous ouvre à cette attention première dont il s’est fait pour nous, dans le sillage de ce dernier, non seulement un maître ardent mais surtout un frère tellement accordé !

 

 

Jean Lavoué, texte paru dans le numéro de Noël du journal Témoignage Chrétien


Photo de Jackie Fourmiès

« Le cadeau de Noël qui vous rendrait heureux, Christian Bobin ?
Qu'on m'emmène devant un arbre couvert de givre... Tout simplement. »

20 décembre 2007 - La Vie n°3251










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samedi 24 décembre 2022

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Dans la nuit du monde
Où le souffle de la puissance
Cherche à asphyxier la terre,
Il reste des fenêtres ouvertes,
Des yeux de nouveau-nés à aimer,
Des oiseaux pour nous rappeler le ciel,
Des battements de cœur à protéger,
De plages de fin silence où se donner, 
Des mains ouvertes, des gestes purs,
Des fontaines d’amitié, 
Des chemins où se perdre, 
Des arbres et des fleurs 
Enracinés dans la bonté.♥️

Douce et joyeuse fête de Noël 2022 !

Jean Lavoué, 23 décembre 2022

Photo : Une mère et son enfant au Zanskar (Himalaya indien) Olivier Föllmi, Ambassadeur OM System
Olympus West









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vendredi 23 décembre 2022

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NOËL AVEC CHRISTIAN BOBIN


Des mots, des phrases saisis au vol lors de l’écoute de cette très belle rencontre entre Christian Bobin et Thierry Lyonnet. C’était à l’occasion de Noël 2014. Quelques semaines après sa mort, l’émission est actuellement rediffusée sur les ondes de RCF. Elle nous permet, au milieu de chaleureux éclats de rire, d’entendre le poète évoquer avec sa voix unique cette fête dont les racines plongent dans l’enfance… En fait, seuls les enfants qui ont comme lui « la passion infinie de l’attente » savent bien en parler… Il nous y livre aussi, notamment à propos d’un poème bouleversant dont il doit la découverte à Jean Grosjean, quelques secrets de sa confiance essentielle, de sa foi injustifiable en l’amour qui demeure à jamais…

JL


« Les enfants savent mieux parler de Noël parce le meilleur de ce temps-là est plus léger qu’un flocon de neige, presqu’invisible. Il suppose une passion infinie de l’attente que les enfants ont. Un enfant c’est juste quelqu’un qui attend l’ouverture des portes du paradis… Ce serait cela garder l’esprit d’enfance…

La nuit de Noël est très particulière, j’aurais du mal à dire pourquoi. Elle est comme un bourgeon tout près d’éclater et d’éclore.

Quelque chose se passe qui semble avoir effacé pendant quelques heures toutes les déceptions de la vie. C’est comme si l’on attendait quelque chose mais en fait ce qu’on attend là, c’est ce qu’on attend toute sa vie…

Pour l’enfant, c’est l’espérance de grandes choses. Les enfants sont les rois de l’impatience mais ils ont en eux quelque chose qui ignore notre temps à nous, morcelé, minuté, rongé par la petite mécanique des aiguilles… La perception du temps par l’enfant est très différente de la nôtre… Même les enfants rendus impatients d’aujourd’hui gardent une science autre du temps et de la vie.

La plupart des grandes choses dans cette vie sont muettes, elles passent par en-dessous du langage, elles n’ont pas de mots pour les escorter. Ce qui arrive commence à arriver de manière très silencieuse comme la neige qui tombe sur notre sommeil… La venue de la neige pendant notre sommeil est aussi bouleversante que le geste de la mère venant près de son enfant. Tout cela fait partie de l’imaginaire de Noël. Voilà une des petites fééries de ce moment-là.

Je suis étourdi, ébloui, par cette vie qui va m’arracher le cœur et qui va me mettre à la porte un jour ou l’autre et je suis conquis par elle, amoureux d’elle : elle qui va me lâcher, mais en même temps j’ai trouvé une puissance belle et peut-être au fond supérieure, je dirais celle de l’esprit, celle du redoublement de la vie dans le langage ; la capacité de nommer la vie la plus simple, la plus pauvre… de la nommer lui donne un son et une force et nous met en état de lutter à armes égales avec la mort certaine et peut faire que cette mort n’ait pas le dernier mot.

L’écriture pour moi c’est l’art de toute présence et c’est l’art de toute résurrection.  Et la vie qui passe et qui est bouleversante par ce passage même, poignante, cette vie-là, elle trouve un abri à jamais dans la caravane de papier…

Ce qui me fascine c’est quand la chair se fait verbe. Quand cette vie accède au plan de l’écriture quand elle est au plus près, au plus juste de son cœur nommé…

Ce qui m’intéresse c’est quand la vie passante accède au langage quand elle est éclairée par un verbe, un livre, une méditation

Le verbe et la chair sont étroitement liés. L’esprit et notre pauvre vie qui coule comme de l’eau sont profondément alliés… Nous sommes à l’abri de la mort mais nous ne le savons pas. Nous sommes infiniment gardés, protégés. Nous sommes attendus, nous sommes protégés. C’est quelque chose que je sens comme cela, je sens cette chose quand je regarde des fleurs des près ou bien un poème qui m’étonne… La nuit de Noël est le concentré atomique de cela.

Chaque atome prend soin du nouveau-né mais il faut penser que l’enfant consolé par sa mère c’est le même qui sera 33 ans plus tard mis en croix et injurié. C’est le même, il faut toujours tenir les deux choses en même temps, le terrible et le très doux qui l’emporte à la fin…

C’est un message injustifiable, injustifié, même les morts s’y mettent. Le visage de mon père est comme une lampe de chevet pour moi… Les yeux des gens que nous avons aimés ne se referment pas et sur leur surface il y a quelque chose qui passe qui est extrêmement paisible. Presque à nous faire honte d’avoir peur…

Nous avons raison d’attendre une douceur incroyable, invulnérable, violente, âpre et qui nous tient debout une fois pour toutes.

Le jour de ma naissance une petite neige était tombée sur la terre, comme un pollen, comme un duvet…

… La confiance de cette jeune gitane qui m’a dit à son mariage en me montrant le plafond que son petit frère était là-haut auprès de Dieu, cette croyance, c’est celle que j’ai… Inexplicable, inexpliquée confiance dans le secret devenir de nos jours. C’est comme si nous étions des enveloppes cachetées, fermées mais que quelqu’un va bien finir par ouvrir…

Le devoir d’être heureux écrase les solitaires la nuit de Noël.

La confiance est celle de l’enfant : nous ne serons jamais aussi élevés, aussi hauts que lorsque notre père nous tenait sur ses épaules…

Cette bienveillance d’un père et d’une mère, c’est le roc de la vie, cette falaise à partir de laquelle on peut s’envoler…

Au centre de Noël il y a juste un petit enfant qui dépend de tout, qui est menacé de tout. C’est extraordinaire de poursuivre ensuite la vie comme cela…

Cette fragilité de l’enfant on l’a tous. Le message qui nous est donné c’est d’être dans la confiance malgré cette fragilité.

Je vais vous dire un poème de Coventry Patmore qui est au cœur de tout ce que l’on se dit-là en ce moment…

LES BABIOLES (extrait de l’anthologie poétique de Jean Grosjean sur Dieu, Gallimard, Folio, 1984)

Mon petit garçon avec ses yeux pensifs
ses gestes et ses mots tranquilles de grande personne
m’a désobéi pour la septième fois,
et je l’ai frappé, je l’ai renvoyé
durement sans l’embrasser,
car sa mère qui était patiente est morte.
Puis j’ai eu peur que le chagrin l’empêche de dormir
et j’ai été le voir dans son lit,
mais il était dans un profond sommeil
paupières battues et cils encore mouillés
de son dernier sanglot.
Alors, ému, je l’ai embrassé
et mes larmes remplaçaient les siennes,
car sur une table tirée à son chevet
il avait mis à portée de sa main
une boîte de jetons et une pierre veinée de rouge,
un bout de verre usé par la plage
et six ou sept coquillages,
une bouteille avec des campanules,
et deux sous français, le tout rangé avec soin
pour consoler son pauvre cœur.
Et ce soir-là, dans ma prière,
j’ai pleuré, j’ai dit à Dieu :
Ah, quand à la fin nous serons couchés sans un souffle
et que, morts, nous ne te blesserons plus
tu te rappelleras de quelles babioles
nous avons fait nos joies
et comme nous avons peu compris
ta grande loi de bonté.
Alors tu ne seras pas moins père
que moi dont tu as pétri l’argile,
tu laisseras ta colère, tu diras :
Voyons, ce sont des enfants.

Ce poème est pour moi d’une très grande consolation. C’est un poème où tout est pardonné à l’avance. La vie neuve peut commencer maintenant, à chaque seconde.
En fait, il n’y a pas d’adultes. Ce que l’on appelle les adultes, ce sont des gens qui ont changé de babioles, souvent moins intéressantes qu’un caillou veiné de rouge.

Le peuple des livres est un peuple légendaire qui ne contredit pas cette période de cadeaux. Mais les plus beaux cadeaux que j’ai jamais vu, ce sont des bouquets de fleurs des près décapitées par des enfants…

Aujourd’hui, l’argent, comme une eau très noire, s’est infiltré partout.

Un cadeau est comme une promesse de paix.

Les enfants sont de très grands théologiens.

Les plus beaux cadeaux c’est une parole qui rentre dans le cœur de la personne. Si c’est un objet il doit parler… C’est une parole qui reste secrète, pudique…

Je vois parfois des choses si belles que je me réjouis de ne pas les posséder…  Il m’a semblé que c’était encore plus merveilleux de ne pas posséder cette chose qui m’avait ébloui et peut-être qu’en ne la possédant pas elle était à jamais mienne.

Le Très-bas il est là, au fond, tout le temps de notre vie. Il est là au début c’est vrai et il est là évidemment à la fin. Si on entend par le Très-Bas ce qui en nous est sans défense et étrangement confiant, les deux…

La joie est là avec le tremblement ; La lumière certes mais l’ombre aussi immédiatement. La fleur qui s’ouvre certes mais l’automne et l’hiver immédiatement à côté d’elle. Le pire n’est peut-être le pire que parce qu’il est abandonné. Il faut toujours le remettre dans notre pensée.

Il y a un manque d’égard pour les solitaires qui atteint son maximum dans ces nuits-là.

Peut-être conclure en n’oubliant pas ceux qui nous ont quittés… Nos fêtes sont parfois cruelles d’oublier ceux qui nous ont quittés…



mercredi 21 décembre 2022

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Elle tombe toujours en averse
Soudaine imprévisible 
La petite pluie que l’on malmène
Mais qui laverait pourtant 
La vitre de nos âmes

Il nous suffit de chausser 
Nos semelles d’air et de vent
Pour accueillir la grâce 
De ces heures traversières 

En soulevant la chape des nuages    
Le ciel a des percées d’azur
Qui nous nettoient le front
De tant d’ombres obstinées 

Nous avons besoin de si peu
Pour que l’amour nous visite
Pour qu’une enfance 
Vienne battre des doigts
Aux carreaux de notre vie 

Nous connaissons par cœur 
Cette naissance dont la promesse
D’heure en heure se renouvelle
Aussi vive qu’un vol de victoire
Cisaillant la muraille du ciel

Aussi transparente qu’une eau vive
Et légère qu’une douce bruine
Dont la source en nous jaillit 
Dès que l’on soulève la pierre

Les oiseaux ont des nids
Dans les fourrures de nos hivers
La moindre brise printanière
Les encourage à s’envoler. 

Jean Lavoué, 20 décembre 2022
Photo JL 20/12/22









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mardi 20 décembre 2022

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Comment ne pas partager à nouveau cette année ces mots si justes et si profond de Christian Bobin à propos de Noël ?



Quelques mots de Christian Bobin à propos de Noël… c’était en décembre 2007 dans le cadre d’une interview pour le Journal La Vie :

À Noël nous arrive un nouveau-né bien particulier...

Christian Bobin : C'est difficile de parler de Noël. Je ne veux pas aller du côté de l'attendrissement, car ce penchant-là est aujourd'hui nourri, et même gavé. J'aimerais éviter les sucres et les papillotes en offrant une vision très simple du destin de ce nouveau-né : il va être notre victime, nous allons le massacrer. Mais son absence de ressentiment est si grande qu'elle a peut-être une chance de nous atteindre et de nous délivrer de nos manies d'avoir toujours raison, de notre volonté d'être sans cesse les premiers. Jésus, l'enfant le plus fragile de tous, est en même temps invulnérable. Car il a accepté cette fragilité, il en a fait la fleur de sa vie. Quand on écoute les paroles des Évangiles, elles sont étrangement simples et d'une profondeur abyssale. Comme si le Christ, cet homme de 33 ans, était à chaque fois en train de naître. Comme s'il se trouvait toujours dans l'émerveillement des premières fois, des premiers jours. Celui que nous cherchons à célébrer à Noël, c'est tout simplement la vie à son point de source : c'est un bébé infatigable.

Vous ne souhaitez donc pas que le message évangélique soit morcelé ?

Christian Bobin : Toute la vie est toujours là, entière, à chaque seconde. Les préraphaélites, ces peintres anglais du XIXe siècle, ont réalisé des tableaux du Christ enfant où se dessine l'ombre de la croix. Si nous savions regarder dans l'incroyable bleu des yeux des nouveau-nés, nous y capterions des nouvelles toutes fraîches du ciel. Nous y verrions la mort à venir, mais aussi le démenti de cette mort. Ce qui est presque insupportable et merveilleux tout à la fois, c'est la densité atomique de notre existence : chaque instant contient tous les autres. C'est la raison pour laquelle la racine de la vie est la poésie. En une seule image, un poème fait surgir de multiples réalités, le maximum de lumière en un minimum de mots. La vie n'est pas si bavarde, elle est furtive souvent, parfois même muette. Et elle jaillit soudain de manière elliptique ou énigmatique. Mais, dans cette brièveté, il y a de quoi entendre jusqu'à la fin des siècles. En ce nouveau-né qu'est le Christ à Noël, il y a non seulement les 33 ans à venir, mais aussi tout le paradis, toute la joie qui excède et lave notre maladie d'inattention.

Le cadeau de Noël qui vous rendrait heureux ?

Christian Bobin : Qu'on m'emmène devant un arbre couvert de givre... Tout simplement.

Texte transmis par Olivier de Beaulieu
Photo de Jackie Fourmiès












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