Traduire

mercredi 31 juillet 2019

.












Lettre d’Antoine de Saint-Exupéry écrite le 30 juillet 1944, veille de sa mort le 31 juillet (extraits)

… Il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. On ne peut vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du 15ème siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots…

Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ca déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison — cet amour inconnaissable aux États-Unis — est déjà de la vie de l’esprit.
… Il faut absolument parler aux hommes…

Ça m’est égal d’être tué en guerre. De ce que j’ai aimé, que restera-t-il ? Autant que les êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d’une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses. Je m’en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c’est certain arrangement des choses. La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments de musique, distribués en grande série, mais où sera le musicien ? Si je suis tué en guerre, je m’en moque bien. Ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes qui n’ont plus rien à voir avec le vol et font du pilote parmi ses boutons et ses cadrans une sorte de chef comptable (le vol aussi c’est un certain ordre de liens).

-->
Mais si je rentre vivant de ce « job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ?



Photo : Antoine de Saint-Exupéry au Canada en 1942














.





.













Il y a tout juste 73 ans, ce 31 juillet,
Le petit prince Antoine de Saint-Exupéry,
Profitant, je crois bien, d'une migration d'oies sauvages,
Rejoignait, son mouton sous le bras, sa petite planète et sa rose.

Il avait raconté ce départ, quelques années auparavant,
Dans un livre qui n'est pas vraiment un livre
Mais plutôt une sorte de missive, à la fois amère et joyeuse,
Adressée à l’enfant qu’il était resté
Pour s'encourager malgré tout à croire, à aimer et à sourire à la vie jusqu'au bout.

Il en avait suffisamment appris sur les adultes en parcourant le monde :
Il les avait observés sur toutes sortes de planètes étroites,
Peuplées de leurs étranges habitants solitaires et ennuyeux comme des robots.

Loin de leurs consignes et de leurs devoirs,
Il cherchait pour lui une autre mélodie, une couleur, un parfum, un silence,
Une origine peut-être ou une autre naissance,
Qui seraient à la fois de ce monde sans en être tout à fait cependant...

Une ligne de poésie pure
Une présence étoilée
Un amour solaire
Une tendresse sans prise
Une familiarité de chaque instant avec la mort
Un désert habité

Il demeure ainsi à jamais
Comme le Chant d'une enfance indomptée,
Ouvrant en chacun de nous
La voie de l'intime et du Poème.

Voie de gratuité absolue,
Dénuée de toute utilité,
Libre de toute attache,
Poreuse à la fraternité et à l'amitié,
Sûre comme un puits retrouvé
Dans la chaleur des sables,
Une source unique,
Intarissable comme un Amour  enfin apprivoisé.

Jean Lavoué

Il y a 75 ans aujourd’hui disparaissait un prince dont le Poème ne nous a pas quittés…
1er partage le 31 juillet 2017  

















.

lundi 29 juillet 2019

.











Rejoindre les marées fraternelles
De l’enfance,

La petite main rassurée
Qui sans trembler
Tient la tienne,

Traverser la forêt de troncs noueux
Telle une armée en déroute,

Ne pas craindre 
L’assaut répété des vagues,

Ne pas quitter des yeux
L’icône du soleil,

Prendre à pleines mains cet alliage 
De sels et d’ors, 
Ces bleus constellés,

Tenir vivante la promesse,
Quoiqu’il arrive, ne jamais la lâcher !

Tu avais appris à ne pas retenir
Cela qui t’emportait,

Cet amour impalpable
Rythmant les marées de ton sang.

Il n’y avait qu’un lieu
Où le ciel s’ouvrait,

Qu’un estuaire 
Dans l’offrande des jours,

Tu sentais de partout
Ses racines te prendre,

Tu espérais
La nuit de ses feuillages,

Tu laissais le courant
T’empoigner dans sa joie.


Jean Lavoué, 8 mai 2008, Carnets du souffle
Tandis que s’achève l’écriture de mon livre « René Guy Cadou, la fraternité au cœur », voici un poème remonté des carnets inédits de 2008 envisageant déjà, à sa façon, la jubilation de ce chemin d’écriture…
Photo René Guy Cadou
















.

samedi 27 juillet 2019

.

























Maintenant que tu vois avec tant de clarté
Les ombres de ta vie
Maintenant que la force se tient du côté de l'humus
De la sève invisible
Maintenant que le ciel frôle les mousses
Les feuilles tombées à terre
S'adoucit sous tes pas
A présent que tes amis sont tous plantés bien droits
Dans les forêts de ta mémoire
Tu peux laisser le vent faire son œuvre de source
Te fier au silence que tu as tant trahi
Rassembler de partout ta compagnie de pauvres
De boiteux de saltimbanques
Pour habiter vraiment
La souche du poème
L'abandon aux racines
L'orchestre de l'instant.


Jean Lavoué, 25 juillet 2019













.








[URL=http://www.compteur.fr][IMG]https://www.compteur.fr/6s/1/6057.gif[/IMG][/URL]