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mardi 30 avril 2019

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Par José Arregi

C’est Pâques à nouveau. C’est la Pâque de Jésus, le prophète crucifié, image particulière pour les chrétiens de l’espérance de tous les crucifiés. C’est la Pâque de la première lune emplie de printemps que tant de cultures ont célébrée depuis des millénaires avant notre ère chrétienne : chinois, Indiens, Sumériens, Babyloniens et Hébreux et les peuples mayas de l’Amérique centrale qui des milliers d’années avant qu’on appelle ainsi leur terre, voyaient, la nuit, dans le reflet de la lune, l’irrésistible pouvoir de la vie.

C’est la Pâque de la terre. La Pâque du blé et de toutes les céréales : le grain meurt, germe et recommence à lever dans les champs, pour devenir le pain fraternel, pain de l’eucharistie ou pain de la table domestique, le même pain sacré pour qui sait voir et savourer, rompre et partager. C’est la Pâque des agriculteurs et des bergers du Néolithique, qui vivaient au rythme de nouvelles lunes et de pleines lunes, solstices et équinoxes, au rythme de la Terre Mère et du cosmos infini.
La vie renaît. En chaque bourgeon de vigne, en chaque fleur de cerisier se fait présente l’énergie de tout l’univers, se manifeste le feu de L’Être, la force de la vie, le mystère que nous appelons Dieu et qui reçoit beaucoup d’autres noms et qu’aucun nom peut exprimer. Le moineau porte déjà dans son bec la brindille pour construire son nid au creux de la toiture. Et même la tortue d’eau que nous avons sur la terrasse se réveille déjà de sa léthargie hivernale. Un des deux termes grecs que les textes bibliques chrétiens connus sous le nom de « Nouveau Testament » emploient pour dire que Jésus ressuscita signifie littéralement ceci : « se réveiller ». L’autre terme utilisé signifie «  se lever ». Après la nuit, la vie se réveille et recommence à se lever sous toutes ses formes. C’est ce en quoi nous croyons, nous chrétiens, et c’est ainsi que nous l’espérons malgré tout ; en nos pauvres mains, nous portons cette brindille d’espérance, comme la terre porte le grain.

Mais plus d’un chrétien qui aura lu les paragraphes précédents se sera posé la question : Et où se trouve, au milieu de tant de Pâques la Pâque chrétienne, celle de Jésus ? Je comprends ta perplexité, mon frère, ma sœur, mais laisse-moi te dire avec la conviction et l’humilité dont je suis capable : n’oppose pas la Pâque chrétienne à la Pâque de la terre et des autres religions et cultures. Ne pense pas que la Pâque de Jésus soit l’unique, ni même la suprême, la réalisation parfaite de toutes les Pâques. Jésus ne le pensa jamais. Il vécut jusqu’à mourir, et il mourut jusqu’à ressusciter, comme le grain, comme le prophète martyr, comme tous les prophètes et martyrs, sans étiquettes. La mort est Pâque, qui en hébreu signifie « passage ».

J’ai dit «  ne pense pas que… », mais je me corrige : à propos de toutes ces questions que l’on dit de foi, mais dans lesquelles la foi n’a rien à voir, pense et crois librement en ce qui te paraît le plus convaincant et raisonnable, mais ne t’angoisse pas STLS
en dénonçant ce que je dis comme négation de l’évangile de Jésus. L’universel sans forme se réalise seulement sous des formes particulières. Ainsi le fit Jésus. Fais-le ainsi toi aussi… La Pâque n’est pas encore pleinement accomplie. Faisons Pâques. Faisons revivre la flamme de la vie en nous dans les ombres nombreuses qui nous habitent, dans les nombreuses formes par lesquelles la mort nous blesse.

Ainsi le fit Jésus, et ainsi il ressuscita. Sa résurrection, comme la nôtre, n’a rien à voir- je souligne : rien- avec le fait que son sépulcre soit resté vide, le fait que son corps sans vie ait disparu tout de suite « miraculeusement » et ensuite réapparu de nouveau « miraculeusement » à ses disciples. Sa résurrection n’a rien à voir avec un quelconque fait « miraculeux » hors du miracle de la vie : la bonté plus forte que la mort. Jésus ressuscita dans sa vie de prophète bon, rebelle, guérisseur, libre et libérateur. Il ressuscita dans sa compassion, sa convivialité, sa solidarité avec les humbles.   Pour cela il mourut et, pour cela, par sa mort ressuscita, peut-être, comme il est dit dans le dur et beau film « La forme de l’eau » : « La vie est ce qui reste du naufrage de nos projets ».

Ceci est la Pâque véritable de Jésus, mais cela sera seulement vrai en nous dans la mesure où nous vivrons comme il le fit, jusqu’à mourir de vie pure, comme toutes les personnes qui passent leur vie à faire le bien, simplement, comme la graine et la fleur, sans penser au fruit.

Publié dans DEIA et les journaux du Groupe « Nouvelles », 1 Avril 2018 Dimanche de Pâques
Traduit de l’Espagnol par Rose-Marie Barandiaran

Photo Jackie Fourmiès - http://photosnature12.blogspot.com/

lundi 29 avril 2019

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    Photo Pierre Tanguy - Le Bois de la roche





L’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire (basée à Nantes) a attribué son prix de poésie 2019 (Prix Yves Cosson) au poète breton Jean Lavoué. Le prix lui sera remis le mardi 14 mai 2019, lors de la séance solennelle de l’Académie qui se tiendra au Conseil départemental de Loire-Atlantique, Quai Ceineray, à Nantes.

Né le 25 mars 1955 à La Fresnais, commune proche de Saint-Malo, Jean Lavoué vit aujourd’hui à Hennebont dans le Morbihan. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, récits, essais, recueils poétiques touchant notamment à la littérature et à la spiritualité.
Jean Lavoué a créé une maison d’édition sous le nom « L’enfance des arbres » où il publie ses livres et ceux d’auteurs amis. Dans un de ses derniers livres, « Fraternité des lisières », il évoque notamment le drame des migrants et ceux de la guerre en général (livre évoqué dans nos colonnes)
Plusieurs auteurs bretons ont obtenu avant lui ce prix de poésie décerné par l’Académie littéraire : Yvon Le Men, Gérard Le Gouic, Gilles Baudry, Pierre Tanguy, Jean-Pierre Boulic, Cécile Guivarc’h…


Pierre Tanguy - Bretagne Actuelle Avril 2019




















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samedi 27 avril 2019

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La tempête se lève, la nuit est traversière,
Nous lançons nos filets aux sources de la vie :
L’obscur se densifie, notre  pêche est stérile,
Serons-nous toujours seuls affrontant les dangers ?

Le soleil nous échappe, le ciel est sans aveu
Mais sommeille à côté une paix imprenable :
Dans les vents nous sentons la voix qui nous manquait,
Là où croît le danger seul le chant qui nous sauve.

Un grand silence soudain vient nous réconforter,
Un amour connaissant, une clarté sans ombre,
Et nous voici trouvés sur des rivages sûrs,
Offrant aux inconnus ces poissons de la nuit.

Nous sommes de ce côté où le noir est certain,
Toujours rejoints pourtant par les doigts du mystère,
Sans cesse pacifiés par un souffle généreux,
Visités à l’aveugle d’une Joie indicible.

Jean Lavoué, samedi 27 avril 2019
Photo Pixabay



























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mercredi 24 avril 2019

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Trois jours n'auront suffi
À nous consoler de son Absence ;
Cinq ans ne nous permettront pas
de combler l'irrémédiable perte ;
Notre deuil n'est pas à notre mesure :
Nous savons qu'aucun printemps n'en fera refleurir les branches calcinées.

Au Sri Lanka, en Méditerranée,
Un peu partout dans le monde,
Des générations se souviendront à jamais
De ces vies soudain brisées,
De cette entaille vive dans la chair du bonheur ;

Quelques décennies auront suffi pour anéantir
Plantes et animaux, insectes et oiseaux de toutes espèces :
Nos récits fondateurs, tout en nous les confiant, louaient leur profusion...
Quelle vie subsistera sur notre planète si l'eau vient à manquer ?

Ce que nous avions construit s'efface,
Ce dont nous étions les gardiens disparaît ;
Demeure pourtant l'invincible espérance,
Ce souffle qui nous traverse,
Cette petite joie increvable,
Cet amour indicible
Ce très léger tremblement de l'éternité dans le temps ?

Ainsi allons-nous d'assurances en dépouillements,
De conquêtes en déroutes,
Cahotant sur nos chemins d'humaines pauvretés,
Réconfortés par une Parole plus forte que nos défaites,
Ensoleillés par une Présence dont la tendresse est mystère,  
Soudain réconciliés par un silence
Plus puissant que nos peurs.


Jean Lavoué, La Chênaie, 23 avril 2019
Photo La Cathédrale de Rodin











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lundi 22 avril 2019

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Au cœur des symboles de Pâques, un enjeu vital souligné par François Vercelletto, Ouest-France du 22 avril 2019








… Tout commence par un tombeau vide. Comme l’expression d’un manque. Selon la tradition chrétienne, des « saintes femmes » sont les premières à le constater. Leur identité n’est pas clairement connue. Les Évangiles divergent entre eux. Seule Marie-Madeleine, appelée aussi Marie de Magdala, figure dans les quatre récits.

Tous les textes s’accordent sur un autre point : les femmes sont les premiers témoins de la résurrection. Ce n’est pas rien. Alors qu’elles sont considérées comme peu fiables dans les sociétés juive et romaine de l’époque, Jésus a choisi des femmes pour leur révéler l’essentiel.

L’Église a-t-elle pris la mesure de ce choix bouleversant ? Une certaine misogynie des institutions ecclésiales permet d’en douter. La tradition a progressivement minoré le rôle des femmes, pourtant immense, auprès de Jésus.

Elle a privilégié la figure de Marie, mère et vierge, tout en estompant celle de Marie-Madeleine. Le Vatican a attendu… juin 2016 pour fêter officiellement celle qui était qualifiée d’ « apôtre des apôtres ». Et le récit de sa rencontre avec Jésus ressuscité n’est pas même lu lors de la messe de Pâques…

L’institution catholique n’a pas voulu, comme le Christ, accorder aux femmes toute la place qui devait être la leur. En 1994, Jean-Paul II leur a notamment fermé définitivement la porte de l’ordination. Même prêcher leur est interdit. « Moi, je souffre quand je vois que dans l’Église, le rôle de service de la femme dérive vers un rôle de servitude », reconnaît le pape François.

Cette attitude nourrit en grande partie la crise qui traverse l’Église catholique. Il y a cinquante ans, Humanae vitae, l’encyclique du pape Paul VI, opposé à la contraception artificielle, a creusé le fossé entre l’institution et les femmes, alors que la transmission religieuse s’opère essentiellement pas les mères.

Sans compter que c’est grâce à leur engagement, le plus souvent bénévole, que nombre de services d’église fonctionne. La série de scandales sexuels actuels souligne douloureusement les conséquences de leur absence dans la hiérarchie.

L’Église se prive des précieuses ressources de ses fidèles les plus nombreuses. Elles furent les premiers témoins de Pâques : il est grand temps de favoriser une plus grande intégration des femmes à tous les niveaux des communautés chrétiennes. Il y a urgence.





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Cela que nous ne saurions toucher
En son abîme d'inconnu
Un jour nous aurait-il rejoints      
Dans nos gouffres amers,
Nos faiblesses abruptes,
Nos limites ténébreuses,
Nos silences dévastés ?

Se serait-il approché de nous    
Au fil croissant de nos déroutes,
N'aurait-il pas poursuivi son chemin
Dans les tavernes de nos cœurs ?

N'en éprouvons-nous pas toujours la blessure
À mesure que le jour baisse,
Que l'horizon se rapproche
Et que la nuit, assurément promise,
Dispense au plus inconsolable en nous
Des lumières, des caresses auxquelles,
Sans son Absence ardente,  
Nous n’aurions jamais cru ?

Jean Lavoué, 22 avril 2016

























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dimanche 21 avril 2019

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La communion tu la voulais plus forte :
N’avait-il pas mis en toi
Ce goût de l’éternel ?

Le chant interrompu,
La blessure dans la chair,
Il avait su qu’en faire.

Tu te laissais creuser
Par toutes ces rencontres,
Tu sentais dans tes veines
Couler le même vin.

C’est le Poème qu’il t’avait donné,
Un rythme, un souffle
Illuminant l’absence,
Sans cesse l’élargissant.

En s’effaçant
Il était devenu cette voie
Ouvrant en toi l’espace de ta propre voix.


Jean Lavoué, Carnets du souffle, inédits, 2007-2009























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