Par José Arregi
C’est Pâques à nouveau. C’est la Pâque de Jésus, le prophète crucifié,
image particulière pour les chrétiens de l’espérance de tous les crucifiés.
C’est la Pâque de la première lune emplie de printemps que tant de cultures ont
célébrée depuis des millénaires avant notre ère chrétienne : chinois, Indiens,
Sumériens, Babyloniens et Hébreux et les peuples mayas de l’Amérique centrale
qui des milliers d’années avant qu’on appelle ainsi leur terre, voyaient, la
nuit, dans le reflet de la lune, l’irrésistible pouvoir de la vie.
C’est la Pâque de la terre. La Pâque du blé et de toutes les céréales
: le grain meurt, germe et recommence à lever dans les champs, pour devenir le
pain fraternel, pain de l’eucharistie ou pain de la table domestique, le même
pain sacré pour qui sait voir et savourer, rompre et partager. C’est la Pâque
des agriculteurs et des bergers du Néolithique, qui vivaient au rythme de
nouvelles lunes et de pleines lunes, solstices et équinoxes, au rythme de la
Terre Mère et du cosmos infini.
La vie renaît. En chaque bourgeon de vigne, en chaque fleur de
cerisier se fait présente l’énergie de tout l’univers, se manifeste le feu de
L’Être, la force de la vie, le mystère que nous appelons Dieu et qui reçoit
beaucoup d’autres noms et qu’aucun nom peut exprimer. Le moineau porte déjà
dans son bec la brindille pour construire son nid au creux de la toiture. Et
même la tortue d’eau que nous avons sur la terrasse se réveille déjà de sa
léthargie hivernale. Un des deux termes grecs que les textes bibliques
chrétiens connus sous le nom de « Nouveau Testament » emploient pour dire que
Jésus ressuscita signifie littéralement ceci : « se réveiller ». L’autre terme
utilisé signifie « se lever ». Après la nuit, la vie se réveille et
recommence à se lever sous toutes ses formes. C’est ce en quoi nous croyons,
nous chrétiens, et c’est ainsi que nous l’espérons malgré tout ; en nos pauvres
mains, nous portons cette brindille d’espérance, comme la terre porte le grain.
Mais plus d’un chrétien qui aura lu les paragraphes précédents se
sera posé la question : Et où se trouve, au milieu de tant de Pâques la Pâque
chrétienne, celle de Jésus ? Je comprends ta perplexité, mon frère, ma sœur,
mais laisse-moi te dire avec la conviction et l’humilité dont je suis capable :
n’oppose pas la Pâque chrétienne à la Pâque de la terre et des autres religions
et cultures. Ne pense pas que la Pâque de Jésus soit l’unique, ni même la
suprême, la réalisation parfaite de toutes les Pâques. Jésus ne le pensa
jamais. Il vécut jusqu’à mourir, et il mourut jusqu’à ressusciter, comme le
grain, comme le prophète martyr, comme tous les prophètes et martyrs, sans
étiquettes. La mort est Pâque, qui en hébreu signifie « passage ».
J’ai dit « ne pense pas que… », mais je me corrige : à
propos de toutes ces questions que l’on dit de foi, mais dans lesquelles la foi
n’a rien à voir, pense et crois librement en ce qui te paraît le plus
convaincant et raisonnable, mais ne t’angoisse pas STLS
en dénonçant ce que je dis comme négation de l’évangile de Jésus.
L’universel sans forme se réalise seulement sous des formes particulières.
Ainsi le fit Jésus. Fais-le ainsi toi aussi… La Pâque n’est pas encore
pleinement accomplie. Faisons Pâques. Faisons revivre la flamme de la vie en
nous dans les ombres nombreuses qui nous habitent, dans les nombreuses formes
par lesquelles la mort nous blesse.
Ainsi le fit Jésus, et ainsi il ressuscita. Sa résurrection, comme la
nôtre, n’a rien à voir- je souligne : rien- avec le fait que son sépulcre soit
resté vide, le fait que son corps sans vie ait disparu tout de suite «
miraculeusement » et ensuite réapparu de nouveau « miraculeusement » à ses
disciples. Sa résurrection n’a rien à voir avec un quelconque fait « miraculeux
» hors du miracle de la vie : la bonté plus forte que la mort. Jésus ressuscita
dans sa vie de prophète bon, rebelle, guérisseur, libre et libérateur. Il
ressuscita dans sa compassion, sa convivialité, sa solidarité avec les
humbles. Pour cela il mourut et, pour cela, par sa mort ressuscita,
peut-être, comme il est dit dans le dur et beau film « La forme de l’eau » : «
La vie est ce qui reste du naufrage de nos projets ».
Ceci est la Pâque véritable de Jésus, mais cela sera seulement vrai
en nous dans la mesure où nous vivrons comme il le fit, jusqu’à mourir de vie
pure, comme toutes les personnes qui passent leur vie à faire le bien,
simplement, comme la graine et la fleur, sans penser au fruit.
Publié dans DEIA et les journaux du Groupe « Nouvelles », 1 Avril
2018 Dimanche de Pâques
Traduit de l’Espagnol par Rose-Marie Barandiaran
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