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Brière, 23 juin 2012 |
Il fut un temps où des hommes et des femmes semblaient quitter leur vocation par faiblesse, quand du moins elle avait été autre chose qu'un malentendu. Maintenant on dirait que beaucoup se sont laissé travailler par l'Evangile que l'Eglise leur avait demandé d'annoncer. L'annoncer et s'en garder : tel était le projet. Ils se sont mal gardés. C'est pour cela qu'ils se sont détachés de certaines institutions et sont devenus des étrangers de l'intérieur, bien avant de s'esquiver. L'Eglise conventionnelle a autant à craindre (ou à espérer) des mystiques et des saints que de ses ennemis. A vrai dire ses fils les plus fidèles et ses ennemis la conduisent dans la même direction. Il semble qu'elle-même ne veuille ou ne puisse se tenir que dans les zones moyennes où règne la peur.
Mais d'un autre point de vue en laissant se détacher d'elle ses fils "rebelles" jetés désarmés dans le monde, parfois irrémédiablement blessés dans les faux combats idéalistes, elle remplit encore sa mission de façon paradoxale. De grâce qu'elle n'en vienne pas trop tôt à "récupérer" ses religieuses et ses prêtres réduits, mariés ou divorcés. Quelle les laisse "misérables" ou joyeux. En réalité, ceux qui l'ont quittée, violemment ou non, et qui vivent l'amour et la foi ou la nudité de l'incroyance à travers une expérience humaine réelle, des joies et des blessures réelles, dessinent la forme que prend la foi dans les consciences.
L'à venir se prépare autant et plus dans l'obscur et le douteux que dans les pensées raisonnables de la Collégialité. Mais il y a péril. Reconnaître ce fait serait mettre radicalement en question un mode de présence au monde."
Jean Sulivan
La traversée des illusions, 1977
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