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mardi 30 juin 2020

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Escorte la lumière
Sois fidèle au matin
Du plus obscur jaillit le germe

Ne maudis pas ton sillon
Sois le complice de tes nuits
Là où tu te croyais perdu
L'amour pousse sans bruit.



J.L. 30 juin 2020
Photo Tuan86/Pixabay



































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vendredi 26 juin 2020

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LES MIETTES DU POÈME

Qu'est-ce qui va surgir aujourd'hui 
Que tu n'aies jamais vu
Quelles fleurs du soleil
Fêteront ton chemin 
Quelle feuille en tombant 
Ranimera l'été 

Tu vas vers des visages
Dont les traits sont mystère
Des secrets murmurés
Par les oiseaux de l'âme 
Des mains dont la ferveur
Annoncent le matin 

Là-haut les graminées
Font cortège à la terre
Tu marches calmement 
Dans la lisière des heures
Disponible à l'orage 
Poreux à la lumière 

Toute vie a son chant
Tout instant a sa gloire 
Tu recueilles en tremblant
Les miettes du poème 
Tu accordes ton pas
À l'amble de la joie.

Jean Lavoué, 25 juin 2020
Photo J.L. 25/06/2020






















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mercredi 24 juin 2020

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LES PAS D'UN AMI 

À Jacques Bonnadier

Quand les pas d'un ami se rapprochent
Aussitôt des cohortes d'oiseaux
S'enfuient dans ma mémoire 
Pour me donner la clé
D'un royaume enfoui 

Il savait les passages
Les levées souveraines 
Les éclaircies de l'âme
Il connaissait le chiffre 
L'enclume de la parole
Avait gardé au cœur
Étincelles invisibles 
Les éclats d'un amour 

Ses mots dessinaient l'arche
Du poème en attente 
Il prononçait par cœur
La rime des saisons 

Sa voix perçait encore
Sous la brume des fatigues
Il n'avait pu échapper au printemps tourmenté
À ces fièvres sournoises
Mais il reprenait pied dans les biefs de la joie

Il m'atteignait ici 
Sur les berges du silence
Où tant de voix bruissaient
Dans les marges de l'aube 

Les pages d'un chant libre
De soleil et de vent 
Faisaient revivre en nous
Tout un peuple endormi
Dont nous étions ici
Dans l'instant infini
Enfants de même source
Et rois du même sang

Nous savions retrouver
La sève sous l'écorce
Et le feu des racines 
Le souffle du vieil arbre
Et la force invincible.

Jean Lavoué, le 23 juin 2020 
Photo Andre_Rau/Pixabay














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dimanche 21 juin 2020

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Quelques mots partagés ce 20 juin avec les participants au parcours Meditatio Écologie "s'élancer vers une terre nouvelle !" qui s'est déroulé du 20 mai au 20 juin. Une cinquantaine de personnes ont participé aux différents ateliers d'écriture poétique que j'ai animé par visioconférence dans ce cadre à l'invitation de de la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne (WCCM http://www.wccm.fr/)

Quel émerveillement de voir comment ce simple exercice de se consacrer entièrement, pendant un bref moment, à l'attention à nous-mêmes, à notre corps, à la présence à ce qui nous entoure, à tout ce qui nous habite d'émotion, de chagrin ou de joie, nous fait entrer, nous met en état de poésie !

       Et cet état de poésie ne consiste pas d'abord, ni seulement, à écrire quelques mots imagés, à s'efforcer à un exercice studieux, appliqué, mais c'est plutôt avant tout   une "manière d'être et de s'habiter vraiment" (Perros), de se rendre poreux au bruissement de la vie qui nous traverse. Comme l'enfant, c'est entrer dans le jeu, et se laisser simplement aller à la joie d'être au monde.

       C'est s'autoriser à laisser surgir en soi un chant qui est le fruit d'un accord avec tout ce qui est : la nature, la beauté comme la fragilité du monde ; l'épreuve traversée ; le deuil ; l'émotion d'une rencontre, d'un amour... Un silence qui bouleverse...

       C'est tout cela que nous nous sommes donnés la chance de vivre ensemble au cours de ces ateliers.

       Et les mots qui sont nés, qui ont été partagés, sont vraiment le fruit de cette attention à l'essentiel qui fait vivre.

       Chacun l'a senti dans le moment du partage, après cette plongée dans le silence à partir duquel ont surgi ces mots inattendus. Il suffisait simplement de leur laisser en soi la place. Chaque personne nous a fait le cadeau de mettre au monde ce qui faisait pour lui, à cet instant précis, la note unique dont tout son être résonnait.

       Gratitude donc et merci à chacun pour cette entrée en résonnance qu'ont permis autant ce silence que l'accueil de cette voix et de ce chant dont nous sommes, chacun, les hôtes.

       Il nous revient à présent de continuer à nous donner des temps pour accueillir simplement cette voix et ce chant, afin de les honorer et de les laisser se donner en nous et autour de nous avec confiance.

Jean Lavoué, 20 juin 2020












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samedi 20 juin 2020

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Merci, François Cassingena-Trévedy, pour cet hymne à la lumière !

Solstice

Rayon du soleil, lumière la plus belle
qui ait jamais lui sur Thèbes aux sept portes, 
tu es apparu enfin, ô œil
du jour doré…

SOPHOCLE, Antigone

Aujourd’hui, solennité du solstice.
Il y a quelque chose d’émouvant dans cette grande marée de la lumière,
dans cette marée de vive-eau de la lumière
qu’un long flux a préparée et qu’un long jusant va suivre.
L’homme fait beaucoup de bruit, 
un bruit qu’il appelle parfois insolemment de la musique :
la lumière qui monte ce matin sur les feuillages 
et qui va les caresser ce soir encore en son retrait
ne fait aucun bruit.
Oh ! vibration silencieuse de la grande scie circulaire en roue libre dans le ciel,
Soleil triomphal tranchant les fenaisons !
La lumière est pur événement,
le seul événement véritable, 
le seul événement qui arrive au monde
aujourd’hui.
Gratitude
pour la lumière que reçoivent aujourd’hui les façades de nos corps
et que gardent, comme le somptueux trésor des pauvres, nos yeux fermés.
Car les aveugles aussi savent la lumière : mieux que les autres
qui la consomment sans merci.
Merci, merci aujourd’hui, à la lumière qui monte
sur les arbres, les hommes et les cités.
C’est prière suffisante, pour tout homme qui vient au monde,
que de recevoir l’impression de la lumière sur sa face
et de lui répondre tout bas un merci dont le silence honore la sienne.
C’est un commencement de métier, pour l’homme, déjà, que d’être au monde 
aujourd’hui
dans la simple exposition de sa face à lumière
qui est le premier des biens.
C’est liturgie, déjà, que la Terre en train de devenir le Monde,
en peine de devenir le Monde,
la Terre offrant tour à tour son visage à la caresse d’une lumière sans années
dans la grande Nuit natale des espaces. 

Chaque jour est acropole pour que l’homme y monte,
n’offrant rien d’autre à la lumière
que la première de ses hymnes.

fr. François, 21 juin 2020

Photo J. L. 20/06/20
























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jeudi 18 juin 2020














Voilà le genre d'histoires qui se racontent dans les livres de Jean Sulivan. Je me suis mis à rassembler des coups de cœur de lecteurs à l'occasion des quarante ans de sa disparition. Une cinquantaine. Le livre paraîtra à l'automne à L'enfance des arbres. Avec quelques autres... Après Cadou, la clairière du confinement a ouvert d'autres voies : "Le temps qui m'est donné, que l'amour le prolonge..."

J.L. 18 juin 2020 



QUE PEUT-ON BIEN ATTENDRE D’UN HOMME CONTENT ? 

Runy habite un quartier ouvrier promis à la déconstruction, aux entours de la ville. Une maison avec une cour dans laquelle se promènent quelques poules, trois canards, une chèvre qui vient d’avoir deux chevreaux. Les chevreaux grimpent les trois marches de la maison et bondissent, galopent avant de freiner brusquement pour ne pas se heurter à la murette. Le toit plat supporte des cageots de terre où poussent des poireaux, carottes, radis, haricots verts. Une ferme miniature parmi les prolos.

Runy cependant n’est pas sans qualification. Métreur chez un architecte vaguement complice il ne travaille que la moitié de l’année. Vers le milieu du printemps il part pour l’Ardèche s’amuser à remuer la terre. La hiérarchie ni le niveau de vie ne l’intéressent guère. Imaginez qu’il a convaincu ses riches parents de lui signer un refus d’héritage. Est-ce ainsi que l’on dit ? Est-ce que ça existe seulement ? Qu’importe ! Le monde renversé ! 

Un temps cependant, au sortir des écoles où il avait été dompté au vouloir paraître et à la concurrence, il avait été possédé par la foi économique et sociale. Voici ce qui était arrivé. Il ne l’a pas cherché. C’est arrivé. 

Dessinateur dans une grande entreprise, il gagne bien, les voies promotionnelles lui sont ouvertes, il se repose sur son importance. Un nouveau directeur est nommé, qui se tait pendant trois mois. Un homme exceptionnel. Après quoi il convoque ses quarante-trois cadres, un à un. Quelque chose comme ceci : 
— Cigarette ? Votre femme, vos enfants ? 
Gentil, amical, le petit directeur. Et juste au dernier moment, quand la douce chaleur de la fraternité vous inonde l’âme : 
— Êtes-vous content de votre situation ? 
— Oui. 
— Ne me répondez pas pour me faire plaisir, dites-moi la vérité. 
— Oui. 
Éliminé. Il en a sorti vingt-sept. Comprenez bien, un homme content, il n’y a plus rien à attendre de lui. Il nous faut des captateurs, des avides, c’est la guerre... Il aura perdu beaucoup d’argent avec les indemnités.
Décidément vous n’y êtes pas. Il a embauché de tout jeunes gens, beaucoup moins payés, et d’autres à temps partiel, tous donc bien à la main. 

Runy ne lui en veut mie au jeune patron. Il le bénirait presque, puisque c’est par lui que lui est venue l’ « illumination ». 
Les gens du quartier rendent visite à Runy, regardent les bêtes, la naïveté des légumes, leurs couleurs vives comme s’ils venaient du fin fond d’une campagne. Les enfants à certaines heures s’assemblent, galopent et rient avec les chevreaux. 
Un syndicaliste, chef d’atelier, et qui est quelque chose de très important dans le syndicat, passe parfois, l’air rêveur. Le voici un dimanche matin. 
— Ça, on ne peut pas dire que tu sois un militant, Runy, ça non, tu serais plutôt du genre démobilisateur, et pourtant, des fois, je me demande si tu es en retard sur ton temps ou en avance. Tu es ce que tu es. Nos militants, tu vois, sont de braves gars mais qui n’ont que quelques idées en tête, des slogans. Il leur manque l’imagination et l’humour. 
Runy ne savait pas qu’un syndicaliste pouvait parler ainsi. Ça lui a fait chaud, une seconde. 

Que voilà une expérience qui n’est guère universalisable. Elle est donc sans importance. N’allez pas vous imaginer que je donne Runy en exemple à quiconque.

Jean Sulivan. Matinales 2. La traversée des illusions.









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RETROUVER LA CLAIRIÈRE

Bonheur de la clairière après l'averse !
Ces troncs couchés se font hospitaliers,
Sièges pour l'écriture.
Faisant vibrer l'air,
Le bourdonnement des insectes
Le pépiement des oiseaux.
Tout autour ces arbres sacrifiés Pour permettre aux souches survivantes
De pousser demain plus haut leurs branches vers le ciel.

Nos nuits sont elles aussi tapissées de tant de feuillages
Par où s'engouffre la lumière.
Seule la parole neuve pour garder intacte
La verticalité des troncs
Et la forêt revêt son sacre. 
Déjà les jeunes hêtres se tiennent au pied des futaies 
Pour prendre un jour la relève ; 
Le vent pactise avec l'instant,
Son chant gratuit.
Nul accès pour nous arracher à l'écho du silence ;
Juste s'y glisser
En croyant qu'un avenir s'ouvre peut-être 
Par les sentiers de l'aube.

C'est aussi par l'éclaircie que s'éprouve la voie,
Son tracé qui nous sauve.
Gagnés par l'inconnu,
Nous laissons-là nos certitudes bannies,
Nos peurs familières. 
Nous sommes prêts au combat contre nous-mêmes,
À mettre nos pas dans des traces oubliées,
Recouvertes de tant de ronces,
De doctes vérités,
De feuilles mortes,
De croyances passagères.
Sans assurance, 
Il nous reste encore à nous perdre,
À nous frayer un chemin par des passes ignorées, 
Des brèches clandestines,
Et, pour nous retrouver,
À nous fier aux mousses,
À marcher sans boussole
Et à tenter de vivre.


Jean Lavoué, La Chesnaie, 13 juin 2020






















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