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dimanche 31 décembre 2023

 





Un livre, un jour
Poète et passager du silence
Ouest-France Dimanche Finistère du 17 décembre 2023

Gilles Baudry, Cette enfance à venir, éditions L'enfance des arbres, 80 pages,
15 €.

« Comment parler de toi autrement/ Qu'avec des mots titubants/En égrenant le rosaire des larmes/Tant la beauté du monde nous poigne. »
Dans cette « Intangible présence »
Gilles Baudry plante le décor comme un arbre. En faisant bien attention.
Non pas seulement à la terre dans laquelle il va plonger ses racines mais aussi au ciel de sa future cime. Pas étonnant que son dernier recueil ait trouvé comme refuge, un endroit où nicher dans le tronc de l'édition, avec la maison de L'enfance des arbres.
Arbres, enfance. Le poète et moine à l'abbaye de Landévennec, en a fait son terreau.
Par petites touches, tel des haïkus, il annonce : « Le fond de l'être/Est tout amour/Le feu limpide du silence/Brûle le cœur/Et tout se tait. »
Dans un monde de chaos et de tumulte, ce silence est réconfortant.
Le poète se fait messager d'une parole bienveillante avec une économie de mots dans une société trop bavar-de. Il se fait passager du silence pour paraphraser le titre d'un livre de Fabienne Verdier, peintre et calligra-phe. Et de l'arbre, on apprend la patience des racines comme le dit justement Gilles Baudry. Les dessins de Nathalie Fréour, en noir et blanc, dialoguent avec les courts textes du poète dans un ouvrage plein de sagesse. Une idée de cadeau pour les fêtes de fin d'année.

Jean-Marc PINSON












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samedi 30 décembre 2023

 





Une année s’achève
À l’éclaircie du silence 

Tant de courants contraires
Qu’il nous fallut surmonter
Mais aussi tant de bourgeons 
Nourris inespérés 
Aux sèves de la joie !

Que l’année nouvelle
Fasse triompher en chacun
Et partout dans le monde 
Des germes de confiance 
Et des semences de paix ! 

Que la clairière illuminée
Au centre du fleuve
Descende jusqu’à nos eaux profondes !

Laissons-la rejaillir
En sources bénissantes
Sur chacun de nos jours ! 

Même s’il se cache
Le soleil ne s’éloigne jamais
Des battements de notre cœur 

Le moindre brin d’herbe
Remué par le vent
Nous sera signe de l’invisible 

Nous saurons parfois nous taire
Pour laisser résonner en nous
L’écho de nos tendresses 

Tout nous sera poème 
Sourire émerveillé 
Chant des montées sur la voie 

Nous aurons la patience
Sobre des nuages
Et l’éclat de l’azur révélé

Nous saurons nous asseoir
Pour laisser grandir en nous
Le feu de l’abandon 

Nous irons au plus bref
Cueillir l’écho 
De la beauté 

Et si les mots se taisent
Nous tisserons entre eux
Les lianes du mystère 

Même au bout de la terre
Nous nous sentirons appelés
Par la voix suppliante du frère 

Sur tout visage
Nous saurons reconnaître 
La trace du Vivant ! 

Jean Lavoué, 28 décembre 2023
Photo JL 28/12/23








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vendredi 29 décembre 2023

 


Branches, vent, nudité, sève, silence, racines, écorce, bourgeon, oiseau… L’arbre seul envisage le poème avec des mots de tous les jours. C’est de sa pauvreté qu’il trace ses lignes d’amour dans le soleil. Et c’est ainsi qu’il se recueille, jour après jour, s’accordant, saisons après saisons, à nos âmes assoiffées d’ouverture et d’éveil… (Écrits de l’arbre dans le soleil, L’enfance des arbres, 2023)

JL 29/12/23






J’ai demandé à l’arbre ce matin
De m’aider à ciseler un poème

Il m’a d’abord parlé du vent
Au souffle imprévisible 

Puis de l’hiver quand seules les branches nues
Fouaillent en vain le ciel

Et encore de la sève dont la nuit silencieuse
Irrigue tous les mots

Puis il s’est tu longuement 
Me laissant supposer un obscur travail de racines

Et c’est alors que j’ai cru sentir 
Sous l’écorce de mes doigts
Percer le premier bourgeon
Et s’envoler l’oiseau dont le chant 
Annonçait déjà le printemps.

Jean Lavoué, le 28 décembre 2022
Photo JL La Chesnaie 5/12/22
www.enfancedesarbres.com










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jeudi 28 décembre 2023

 

À l’annonce de la mort de Christian Bobin en novembre 2022, le magazine FC publia à nouveau son dernier entretien avec lui au siège des éditions Gallimard à Paris en 2019. C’était à l’occasion de la publication de « La nuit du cœur ». Plusieurs années auparavant, en 2011, lors de la sortie de « La présence pure », à propos de la maladie d’alzheimer de son père, Luc Adrian l’avait déjà rencontré. On a aujourd’hui encore soif des éclats de sa poésie vibrante. Joie de la retrouver dans les extraits de ces entretiens saisis au vol à quelques années d’intervalle  : « Je suis juste amoureux de la vie au plus haut point … »


JL 28/12/23





2019…


L’écriture est l’ange gardien de la vie, dites-vous...


Il est, je crois, impossible de traverser cette vie sans passer par des zones de ténèbres et sans avoir un moment le cœur serré, mais l’écriture réplique à ces ténèbres... Ce que j’appelle l’écriture est un combat à mener pour que la vie continue et qu’elle soit respectée, aimée et accompagnée jusque dans les heures les plus graves.


La poésie est-elle un chant, un acte de résistance ou la capacité de soulever le voile des apparences ?


Je vais proposer deux définitions, inventées dans l’instant de la conversion. Une première, triviale : la poésie est ce qui décrasse l’âme pour lui permettre de respirer à nouveau, ce qui la nettoie des cendres retombantes du monde et de ses images, dont la finalité profonde n’est peut-être que de nous emmener à désespérer. Elle ouvre les fenêtres et fait entrer tout l’océan de la vie. Autre définition : la poésie est l’ultime chance de faire revenir dans la volière de la page tous ces oiseaux que notre espèce a commencé à détruire et avec eux les chants secrets de la vie. La poésie est le fracas d’une parole vivante, le surgissement d’un imprévu bienveillant, ce qui ne supporte pas la répétition. Peut-on modifier un poème de Rimbaud, Verlaine, Marceline Desbordes-Valmore ou Jean Grosjean ?

La simple lecture d’un poème, dans la solitude et le silence quasiment parfait d’une maison, reconstruit déjà le monde entier. De même qu’une personne effectuant avec cœur et honnêteté son travail empêche le monde de se déchirer comme un vieux drap. La femme de chambre, à Conques, était un poème vivant...


La poésie est aussi le refuge de la vie intérieure, que le monde moderne n’aime pas...


Ce qu’on appelle « le monde » est une très ancienne tentative de destruction des âmes : destruction de la pudeur, du silence, de la solitude, de tout ce qui fait germer l’amour. La légère différence, c’est que le monde moderne est très proche d’arriver à ses fins par le raffinement de ses technologies et par l’invasion qu’elles font de notre intériorité. Peut-être avez-vous remarqué que le rythme des voix publiques s’accélère. On a commencé à défaire la lenteur qui permet aux mots les plus forts de venir. On confond aussi la spontanéité et la liberté. La spontanéité est ce que la mode et l’air du temps ont déposé en nous et qui n’est pas nous-mêmes. La liberté demande un creusement, c’est une matière amoureuse et sauvage. Elle jaillit certes comme une source mais après un long temps de cheminement souterrain.


Venons-en à votre dernier et éblouissant ouvrage, La Nuit du cœur. Que s’est-il passé exactement à Conques, entre vous et Dieu ?


Je dirais plutôt, peut-être, entre moi et moi. On parle toujours trop vite de Dieu, et du coup cela le fait s’enfuir... Ce qui me gêne dans les discours religieux, c’est qu’ils soient bien sages, bien ordonnés. La fraîcheur des étoiles, le silence enfantin de ma chambre, à peine rayé par une chorale réunie dans l’abbatiale, les vitraux, le plomb de la gouttière au bord de la fenêtre mansardée, la fatigue du voyage peut-être, tout s’est précipité en seul point de fusion, presque d’explosion silencieuse, un accident nucléaire à l’intérieur de la poitrine. J’ai vu la splendeur de la vie qui nous est donnée à chacun, qui que l’on soit, où que l’on soit. Pas la peine de faire des études pour cela : il suffit d’éprouver la bonté paradoxale de cette main qui donne et qui reprend. Il suffit de deviner que cette histoire dans laquelle chacun de nous est embarqué a un sens, malgré absolument tout.


Êtes-vous tout à fait normal ?!


Je ne suis pas en permanence dans le voisinage de l’invisible ! Il m’arrive de me perdre, de m’engourdir, beaucoup. Je suis juste amoureux de cette vie au plus haut point, et quand je retrouve cette vie, les retrouvailles sont toujours surprenantes, imprévisibles... c’est pour cela que j’écris : pour partager une sorte de révélation qui me dépasse, pour n’en pas souffrir aussi.


 « Le septième a versé son bol dans l’air. Alors du sanctuaire, une voix forte a dit : “Ça y est.” » Pourquoi ce verset de l’Apocalypse(XVI, 17) en incipit ?


J’ai ouvert l’Apocalypse et j’ai choisi les premières lignes sur lesquelles mon œil est tombé, dans une traduction du poète Jean Grosjean dont j’aime la rudesse et la simplicité. Les paroles les plus importantes dans la vie sont toujours dites d’une manière bousculée. Devant le tombeau de son ami Lazare, le Christ dit : « Sors de là » avec force, presque comme on dit à un enfant bêtisier : « Arrête ça ! » De même pour le « ça y est » de l’ange, qui mettra fin à l’égarement et à l’ensevelissement de nos cœurs. Enfin, quelque chose se passe ! Enfin, quelque chose va commencer. C’est ce que j’ai ressenti en écrivant. Je ne peux pas m’en expliquer.


2011… « Si j’étais atteint par Alzheimer, j’aimerais garder l’émerveillement »


Si vous, Christian Bobin, poète de la présence, appreniez que vous êtes touché par cette maladie de l’absence, comment réagiriez-vous ?


Pour quelqu’un qui voue sa vie à l’écriture, perdre cette capacité, et le sens immédiat des choses, cela doit être très… Comment dire ? (long silence). Je crois que je garderais le lien d’émerveillement avec la vie. Curieusement, l’émerveillement est le propre de cette maladie. Elle s’est annoncée chez mon père par des paroles étranges, mais j’ignorais alors que c’était les premières marques, au dedans, de cette bête qui ronge la conscience et en laisse assez pour qu’il connaisse, par instants, l’horreur d’être là. Mon père, revenant de courses, un trajet quotidien, depuis des dizaines d’années, dans les rues du Creusot m’a dit : « Je ne reconnais plus rien, tout est neuf. Je suis très étonné : le monde est neuf. » J’aimerais rester dans une relation d’émerveillement et ne pas trop faire souffrir mon entourage. Mais est-ce possible ?


Cette maladie est très douloureuse pour les proches ?


Effectivement. Et j’entends souvent dire : « À quoi sert de leur rendre visite, ils ne nous reconnaissent plus. Un père ne reconnaît plus son fils, une femme ne reconnaît plus son mari.» Les mots se sont cassés comme de la porcelaine ; le langage est « ébréché », affecté, mais pas le cœur profond. Le langage est comme une coupe qui serait remplie à ras bord de silence, de lumière et de sens ; cette coupe, de par le choc de la maladie, perd un peu de son contenu ; ce qui fait que le malade ne retrouve plus les mots adéquats. En revanche, le cœur est intact, et le lien demeure, même s’il est remis aux puissances du silence, du secret, de la pudeur – et de « choses » difficiles à reconnaître et à nommer.


L’accompagnement de votre papa a-t-il changé votre façon de voir votre métier d’écrivain ?


Ma vie est vouée à une bouteille d’encre. Mon existence est pleine de tâches d’encre, du bruit de pages tournées. Je lis beaucoup, j’écris beaucoup. Mais tout ça, n’est-ce pas inutile, dans un sens ? Ça l’était en tout cas quand je me trouvais assis à côté de mon père, à côté des personnes devenues ses frères parce qu’elles étaient affectées du même mal. Ma pauvre science d’écrivain n’avait plus d’emploi quand j’étais à côté de mon père, souriant et comme rêveur, avec son visage traversé de nuages erratiques. Étrangement, moi qui ne peux me passer de lire ou d’écrire, je n’avais plus besoin de cela quand j’étais avec lui.


Vous racontez : « Mon père, lui, n’a plus ce souci des apparences. Plusieurs fois je l’ai vu se pencher comme un adolescent devant des malades particulièrement disgraciés et leur dire : "Vous avez un merveilleux visage, je ne vous oublierai jamais." » Vous ajoutez : « Cette scène à chaque fois me bouleverse comme si l’infirmité pendant un instant n’était plus dans le camp de mon père mais dans le mien. » Cette maladie vous a-t-elle révélé certaines de vos infirmités ?


Oh, oui ! On aide jamais assez ses proches et autrui. On est maladroit, on ne sait pas toujours comment faire, mais peu importe : on aide jamais assez. Bien sûr, cela montre nos déficiences. Mais cela révèle aussi quelque chose qui est en nous. Blaise Pascal dit que, lorsque nous voyons un homme qui boîte, on ne s’offusque pas, on n’est pas irrité. Par contre, on s’impatiente, on s’irrite vite devant un homme qui bégaye ou qui ne trouve pas ses mots. Pourquoi ? Dans le premier cas, l’infirmité ne parle que de la personne et de son corps. Dans le deuxième cas, l’infirmité parle de toute l’espèce humaine, de la fragilité de l’esprit, de celle de notre langage, le manque d’assise de nos savoirs. C’est devant nous-mêmes que nous nous irritons.


« Ces gens dont l’âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n’auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe », écrivez-vous. On a du mal à vous croire lorsqu’on voit certaines « épaves » ?


Les vraies « épaves », c’est nous-mêmes ! Il n’y a aucune différence entre eux et nous, je le dis avec le maximum de puissance possible. Aucune différence entre un humain et un autre humain. Simplement, il y a une muraille, par moment invisible, qui est celle de notre propre intelligence.


Vous citez également saint Jean (21, 18) : « quand tu seras vieux, tu étendras les mains et un autre te mettra la ceinture, et il te mènera où tu ne veux pas. » Prophétique ?


Cette parole est bouleversante. Elle est loin d’être la seule. La Bible, les Évangiles particulièrement, tombe comme des rayons en oblique sur la table de chacun de nos jours et les éclaire. C’est aujourd’hui que les choses se passent. C’est aujourd’hui le jugement dernier, aujourd’hui la Passion, aujourd’hui la Résurrection. Tous ces évènements se réalisent dans chacun de nos jours. Enfin, c’est ce que je crois. Voici pourquoi chaque jour est à la fois plus dense, plus menaçant, et plus réjouissant.


Luc Adrian

















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mercredi 27 décembre 2023

 

Cher François Cheng, depuis votre grand retrait que vous impose désormais l’âge et la fatigue, combien votre voix silencieuse et amicale ne cesse de résonner en nous !

JL 27/12/23


« Parfois les absents sont là
Plus intensément là
Mêlant au dire humain
au rire humain
Ce fond de gravité
Que seuls
ils sauront conserver
Que seuls
ils sauront dissiper

Trop intensément là
Ils gardent silence encore »

François CHENG





Gratitude, cher François Cheng, pour cette lettre adressée en ce mois de décembre 2018 où vous liez ensemble nos silences, nos mains vides, nos chants et nos sources poétiques !
JL 26/12/18

« Bien cher Jean Lavoué

Merci infiniment de nous offrir 
Le levain de votre joie.
Oui, du fond du silence
Jaillit le chant.
Un haut chant qui célèbre
Ce qui, par-delà toutes souffrances,
Ne cesse d’advenir :
Immarcescible promesse de Vie.

     "Si le silence s’invite
     A demeurer chez toi
     Fais-lui toute la place !

     Que la table soit prête
     S’il t’apporte le grain,

     Sois le vide qui accueille,
     N’aie pas peur de ce rien !

     Tu n’as plus à mendier
     Puisque le Maître est là."

En « cette nappe souterraine
Où s’abreuvent nos sources »,
Nous sommes « à l’intérieur les uns des autres ».

François Cheng









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mardi 26 décembre 2023

 

Le 23 décembre était diffusée sur RCF Sud Bretagne Lorient ma lecture de poèmes extraits du recueil de Gilles Baudry : Cette enfance à venir. Une autre manière de dire encore Noël !
Merci à Pierre Tanguy pour la belle note de lecture qu’il consacre à ce recueil, publiée également à la veille de Noël dans Bretagne actuelle.

JL 26/12/23





NATHALIE FRÉOUR, GILLES BAUDRY : « CETTE ENFANCE À VENIR »

Une artiste et un moine-poète. Leur collaboration ne date pas d’hier, mais les voici de nouveau réunis dans un recueil où Nathalie Fréour et Gilles Baudry déclinent à leur manière « cette enfance à venir ». Avec la complicité de l’académicien François Cheng.

« Toujours l’arbre déploie ses branches,/Toujours la pie vient y percher,/Toujours le temps joue à l’enfance,/Pour faire durer le bref été ». Ce sont les quatre vers que François Cheng (97 ans) a tenu à écrire, précise l’éditeur Jean Lavoué, « pour accompagner la naissance de ce recueil ». L’écrivain et poète français d’origine chinoise connaît bien l’éditeur tout comme l’artiste et le moine. Il est venu à quelques reprises à l’abbaye bénédictine de Landévennec où vit le moine-poète Gilles Baudry.

Son message de sympathie cerne d’ailleurs, en quelques mots, le cœur de ce recueil. On y trouve des branches, beaucoup de branches, mais aussi des feuilles, des racines, des troncs, des sous-bois, des clairières… L’arbre est le thème central des superbes dessins blancs sur papier noir de Nathalie Fréour. Monde végétal transfiguré par l’artiste nantaise… « De l’arbre apprendre la patience des racines/aller jusqu’à la nuit », écrit pour sa part Gilles Baudry.

Accompagnant ces dessins, le moine-poète nous parle « d’une enfance à venir » comme s’il s’agissait de remonter le temps vers « une source inconnue très en amont ». Enigmatique assertion qui nous conduit, en réalité, vers cette « seconde naissance » qu’il appelle de ses vœux. Ce Dies natalis évoqué par Gilles Baudry, on l’avait déjà entrevu dans un recueil plus ancien (Jusqu’où meurt un point d’orgue ? Rougerie, 1987) où le poète évoquait ce passage de la mort à la vie (pour une nouvelle vie) à l’occasion du décès de son père. « Que l’aube approche/blanche préface/sur le monde ».

Ce dies natalis, il le chante à nouveau ici. « Voici le seuil/Le rendez-vous//Voici le terme/Où tout commence//La mort s’éteint/Derrière nous//Et devant nous/Voici l’enfance ». Cette enfance à venir est bien cette « enfance pérenne/inaliénable/où l’éternel du temps/s’accorde ».  Car dans « les sortilèges de l’enfance » que souligne Gilles Baudry, il y a la prescience d’une forme d’éternité, par cette attention particulière de l’enfant à l’instant vécu en plénitude.
Et nous voilà, par petites touches, conduits à rejoindre les propos mêmes de François Cheng dans ses Méditations sur la mort et donc sur la vie (Albin Michel). Gilles Baudry, lui, célèbre « l’enfance phréatrique » et son goût d’éternité, Nathalie Fréour, elle, célèbre l’arbre et son cycle de renaissance. Avec, chez l’un comme chez l’autre, « ce sentiment, soudain,//de porosité entre l’ici et l’ailleurs », qui donne toute sa force aux poèmes comme aux dessins regroupés dans ce recueil.

Pierre TANGUY.

Cette enfance à venir, Nathalie Fréour (dessins), Gilles Baudry (poèmes), L’Enfance des arbres, 2023, 70 pages, 15 euros.

Photo : dessin de Nathalie Fréour extrait du recueil









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