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samedi 28 avril 2018

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Tu reviens à ce mot,
Tu ne l’arrimes d’aucun sens,
Tu n’espères rien de lui si ce n’est l’abandon.
Être ici sans pourquoi te suffit amplement,     
Tu chasses des ornières les eaux de tes combats    
Et tu franchis la ligne sans rime ni raison,
Osant le vent durable, les feuillages reverdis.
             
En allant simplement au rythme de ton pas,
Tu ne compliques rien,
Tu simplifies le temps ;
Il y a tant d’obstacles quand l’homme se croit libre,
Il y a ces violences que tu ne comprends pas.           
Tu ne remontes pas aux sources sans partage
Et tu n’épèles plus l’alphabet de ta vie,
Tu n’as pas de motifs pour espacer les brumes,   
Il suffit d’être là sans comprendre et sans but.           

Tu t’avances doucement à l’amble de ton âme,
Il n’est rien au dehors qui ne soit au-dedans,
Les haies que tu croyais nécessaires à franchir
Ne sont qu’un livre ouvert vers la présence nue.

Te laisseras-tu enfin prendre dans les courants,
Atteindras-tu un jour les matins espérés ?
Il n’y a que l’attente pour apaiser ce vide,
Le papillon des jours,
La patience d’aimer.
Chaque fois que tu fuis ce grand désert sonore
Choisissant à l’aveugle l’agitation, le bruit,
Tu t’écartes un peu plus de la joie des lisières,
Tu t’éloignes un peu plus de l’ardeur du torrent.

Ne t’en vas pas plus loin que ce qui est à dire,
Reste en-deçà des mers dans l’orbe de la voie,
Ne renonce jamais à déployer tes ailes
Quand le chant lui se courbe en épousant ta voix.  
Aux plantes du soleil tu redonnes mémoire,
Tu leur délivres ici le vœu de pauvreté ;
Qu’attends-tu pour ouvrir toi-même tes pétales,
Qu’attends-tu pour trouver ta folle éternité ?


Jean Lavoué, 19 avril 2018
Ecluse du Rudet – Pont-Neuf










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mercredi 25 avril 2018

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N’attache pas plus d’importance à ce qui fleurit en toi
Qu’à ce qui te désole,
Soigne le paradoxe,
Laisse venir au jour l’énigme de ta joie.
Il y a plus d’écho de l’abîme à la source
Qu’entre sèves et racines quand les arbres verdoient.
Quand tu te sais promis au craquement des branches,
À l’orchestre des futaies dont nul ne tient l’archet,   
Quand tu ne marches plus vers des auberges lentes
Où le sel de la vie pourrait te ranimer,
Tu n’éprouves pas moins ce vide où tout converge,      
La Pâques sans savoir,
La perte consumée ;
Tu n’as pas le secret du signe de l’absence,                
Le moindre oiseau qui chante te donne envie d’aimer.
Comment te fierais-tu au secret des forêts ?
Il y a trop d’idoles sur l’étal de ton âme,
Trop de greniers avides où les planchers sont nus,
Et surtout tant de pauvres que tu ne connais pas.
Rien ne subsistera de notre grand voyage
Si ce n’est chaque pas que nous aurons donné.
Il n’y a pas de fin à l’ultime passage,
Pas de trésor gardé, plus rien à consoler.
Crois-tu que l’abondance te sera rocher fiable,         
Crois-tu que la santé prouverait qui tu es ?
Tu glanes ici ou là des miettes d’existence,
Tu te berces en ce monde de forfaits consentis.
Le poème n’est l’écho de rien que tu possèdes,
Il surgit de ce vent dont nul ne sait la voie :
Chaque mot se délivre d’une gangue inconnue           
Avant de se lever sans demander pourquoi.
Maintenant que tu n’as plus d’or à conquérir,                      
Maintenant que le temps te manque pour espérer,
Tu te défais sans peine de ce que tu as cru,
Tu contemples sans miroir l’illusion que tu es :
Tu ne méprises pas ce monde où nous sommes,
Tu ne rejettes rien mais tu le laisses aller.
Tu laisses grandir en toi l’espace sans empreintes,  
La nudité sans nom,
Le désert dont tu nais.
Le moindre battement d’ailes élargit ta demeure,
Ce lieu qui est sans mur où tu te reconnais ;
Tu n’as pas à forcer,
Tu dresses ici la table
Où l’éclat du soleil viendra te visiter.


Jean Lavoué
Bois de la Chênaie, 21 avril 2018

Photo Jean-Marie Delthil 
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vendredi 20 avril 2018

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Ranimant doucement la lampe de mes pas,
J’arpente en dérivant les allées du silence,
Je chemine sans but au rythme de ma voix,
J’ai quelques chants fichés dans les secrets du cœur.
J’ai des clameurs de sève et de rites sauvages,
De branches endeuillées couvertes de bourgeons,
Je m’en vais sans compter ni pour dresser la carte,
Je ne me hâte pas de la souche à la cime.
J’apprivoise en rêvant les matins de l’éveil,
Quand le ciel est trop bas je soulève la pierre,      
Je me tiens au repos dans les bras de l’enfance,
Je n’ai qu’un seul désir : y être enfin trouvé.
La paix que je promets n’est pas celle que l’on donne
Mais celle que l’on éprouve en soi les yeux fermés,
Quand le monde est absous de toutes ses souffrances,
Quand la joie est soudaine comme l’éclat dans la nuit.
Je vais en trébuchant vers des aubes certaines 
Je n’abrite aucun ordre pour couronner l’ici ;
Cet abime dans l’âme qui d’autre s’y est jeté ?
J’y tombe avec confiance : il peut me relever.
Là où mes yeux vacillent, où mon souffle chancelle,
Je sais que le sommeil saura me protéger,
Là où je m’encombrais de lierres, de buissons,
J’ai laissé un grand vent refleurir mes coteaux.    
Si je ne puis veiller plus d’une heure dans le noir,
J’accueille cette main qui tendrement bénit,
Je guette sous la treille sa ferveur qui passe,
Je n’ai qu’un grand soleil pour diriger ma vie.


Jean Lavoué
13 avril, écluse de Polvern













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lundi 16 avril 2018

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Mon ermitage est joie, il m’est chemin d’errance
Sans borne ni butée pour s’y poser un jour,
Je n’ai que mes halages pour regagner les sources,
J’y glane en remontant des psaumes en graminées.

Plus l’horizon s’efface, plus je marque le pas,
Je n’ai pas d’autre clef que le vif aujourd’hui ;
Je ne sais d’où ce vent venu me visiter,
D’où ces éclats nocturnes avides de clarté.   

J’ai des rives de roseaux, des chevaux pèlerins,
Des saules pour scander l’oratorio du cœur ;
Nulle règle nul chapitre pour absoudre mes heures :
Le bréviaire des nuages pour consoler mes jours.

Je travaille sans cesse sur les lambeaux de l’aube,
Je conserve l’empreinte des trouées du printemps,
Je me tiens à l’orée du monde où tout commence,
J’élargis la clairière où nos poumons sont rois.

Je secours en rêvant les ruades du sommeil,
J’escalade à mains nues les carrières de la nuit,
Je plante en écoutant les ogives du silence,
J’énumère un à un les bourgeons du soleil.

Je recouvre de mousses la souche des grands chênes,
J’épouse leurs racines, je m’y sens accordé,
Je consens à ployer sous le poids de leurs branches,
J’écoute le pinson servir l’office du soir.

Du monastère sans murs le cloître est invisible,  
Il n’y a pas de moines ni de chœur pour chanter,
Les seules cérémonies sont de se perdre au large,
Les courants y gravitent en naufrages inouïs.                          

Rien ne pourra jamais renverser la clôture,
Rien ne pourra c’est sûr éteindre l’incendie,
Un feu sans bruit soudain gagne dans les soupentes,
Un grand désert s’entrouvre en vaste prophétie.

Que chacun trouve en lui l’hôtellerie du vent,
Le moulin des prières, l’auberge de la paix ;
Il suffit pas à pas de dégager la route,
D’émonder chaque jour les sarments de la vie :

Que chacun fasse en lui provision de ce vide,
Qu’il retrouve en son fond ces gorges affranchies,
Qu’il prépare en secret ses noces de lumière,
Qu’il ne redoute en rien de s’y sentir tomber. 


Jean Lavoué                        
14 - 15 avril 2016, écluse de Kérousse - écluse du Rudet







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