J'ai arpenté une fois encore les
couloirs infinis
De cet immense vaisseau adossé au
grand large.
J'ai soupesé un à un tous les sacs de
douleur,
La plainte silencieuse des marins en
partance.
J'ai porté sur chacun un regard de
confiance,
Et nous avons dit oui,
Et nous nous sommes compris.
Je connaissais le moindre bruit,
Et les signes têtus et les gestes d’amour
Et l'odeur des varechs, la courbe de
la rade,
Le sillage ébahi des navires en
partance.
J'ai laissé nos voies de mer aux
mouettes et aux vagues,
Abandonné au ciel le fil de nos
errances.
J'ai salué le vent, le soleil, les
nuages,
Et hissé haut les voiles pour
couronner nos songes,
Puis béni l'horizon pour tout ce qu'il
cachait,
Les remous, les courants, le secret
des hauts-fonds,
Les récifs sans cordages,
Mais aussi pour les passes,
Les brèches espérées
Et pour la joie furtive.
Je garderai en moi la ferveur de ces
quais
Comme espace donné où la clarté se
fait,
Clairière de haut amour, comme un beau
talisman.
J'ai hâte de retrouver mes racines et
mes souches,
Mon temple de verdure,
Mes lichens et mes sèves,
Le souffle vertical où tout est
célébré,
Où chaque chant nous lie,
Où la Vie n'attend pas.
Mais je n'oublierai pas
D'emporter avec moi
Ces vastes trouées de paix
Et ces carrés d'azur où l'essentiel se
dit
Derrière chaque hublot,
Chaque matin promis.
Jean Lavoué
Hôpital du Scorff, Lorient le 7 juin 2017
Photo, Le départ du marin pêcheur - Fécamp - 1949 © Willy Ronis
Jean Lavoué
Hôpital du Scorff, Lorient le 7 juin 2017
Photo, Le départ du marin pêcheur - Fécamp - 1949 © Willy Ronis
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