Quand j’étais enfant, je pratiquais régulièrement deux exercices.
Il y en avait un qui consistait à m’incliner. J’apprenais à faire une révérence
profonde. Je passais des heures à m’incliner et je me souviens de la joie que
j’éprouvais quand vraiment j’étais entière dans cette révérence. Il se passait
alors quelque chose qui était comme un spasme, un bonheur complet…
Le deuxième exercice consistait à sentir le poids d’une couronne
sur ma tête. A Marseille, on dit de quelqu’un d’un peu prétentieux
qu'« il s’en croit ». Et moi, qui avais la sensation de porter
une couronne invisible ! J’étais obligée de la porter même à l’école et je
me disais que, si un jour quelqu’un la remarquait, je pourrais toujours la ranger
dans mon cartable…
Cette sensation de royauté qui m’habitait n’avait vraiment rien à
voir avec « s’en croire » ; c’était seulement le secret bien
sûr, gardé de ma naissance, et c’est aussi le secret de la vôtre !
Ces deux sensations vont ensemble : la révérence et le port de
la couronne, et elles sont restées dans la mémoire de mon corps. Je les
retrouve en vieillissant… Ce secret qui nous est commun et qui est celui de
notre royauté.
Christiane Singer
Où cours-tu, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
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