Le « chant ensemencé » de Jean Lavoué et
Nathalie Fréour
« Maintenant que le temps m’est compté ». C’est le terrible aveu de Jean Lavoué au cœur de son
dernier livre Chant ensemencé.
Poussé par la nécessité (et quelle nécessité !), il nous livre ici un
ouvrage pétri à la fois de joie et de douleur (retenue) sur cette vie qui
bouillonne plus que jamais en lui. Livre écrit sur son lit d’hôpital à Lorient
ou en convalescence dans sa bonne ville d’Hennebont, livre que l’on espère - du
fond du cœur - ne pas être son dernier.
Car Jean Lavoué n’en aura jamais fini de nous
dire ce qui l’anime. Sourcier, veilleur, homme de l’Exode (celui qu’il a
magnifié dans ses livres sur Jean Sulivan), il nous parle aujourd’hui de « la maladie tapie/Sous la faiblesse
des mots ». Mais il le fait sans amertume, plutôt plein de gratitude
sur ce que la vie lui a apporté et lui apporte toujours. « Si le temps est compté/Arrêtons donc les heures/Pour en faire un
festin ». Festin du « bréviaire
des saisons ». Festin des « graviers
du chemin ». Festin des « Rives
sans souci » du côté du Blavet et du Scorff.
Pour l’accompagner dans cet exode d’un autre
genre, il retrouve les auteurs qui lui sont chers comme Etty Hillesum (« J’aime ta douce incandescence/et ton
exacte jeunesse ») ou encore René Guy Cadou (« Il allait tête nue dans les champs/Vers cette joie enfin
conquise »). Et puis, un jour, il y a cette « enveloppe de verdure et d’amitié glissée le 21 juillet dans la
boîte aux lettres » par Christian Bobin. L’écriture de Jean Lavoué est
pétrie de tout cela. D’une fratrie d’auteurs lus et relus pour qui « rien ne subsistera/Sauf cette soif
d’aimer ».
Passant du « je » au
« tu », du « tu » au « je », l’auteur ne manque
pas aussi de nous parler comme à des frères. « Trouve le lieu de ton repos/Laisse-toi traverser » (…) « Fais confiance à ta nuit/Laisse
germer le silence » (…) « Ne
s’en remettre à rien d’autre/Qu’à la nudité des branches ». Il nous
dit avoir écrit ces mots, ces lignes, tel jour à telle heure (7 h 15, 6 h 14, 2
h 20, 3 h 14, 7 h 34 …) depuis le 21 mai 2017. Oui, Jean Lavoué fait bien
partie, lui aussi, de ces veilleurs dont il parle au début de son livre, « bergers d’un feu qui ne faiblit
pas ». Et pour le dire il a trouvé la belle lumière qui émane des
dessins « blancs » de Nathalie Fréour. Avec le poète et l’artiste, on
entre véritablement dans un univers où « tout
espace est béni ».
Pierre TANGUY.
Chant ensemencé, poèmes de Jean Lavoué, dessins de Nathalie Fréour, éditions L’Enfance
des arbres, 60 pages, grand format à la française 21x29,7 cousu. Adresser les
commandes à Jean Lavoué, L’Enfance des arbres, 3, place vieille ville,
56 700 Hennebont. 22 euros + 4 euros de port.
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