L’automne est arrivé
et avec lui mon livre sur René Guy Cadou désormais disponible.
Aujourd’hui, cette
note de Pierre Tanguy à son sujet…
Jean
Lavoué : « René Guy Cadou, la fraternité au cœur »
La poésie de René Guy Cadou (1920-1951)
n’en finit pas de susciter des commentaires émerveillés. A l’occasion du
centenaire de sa naissance à Sainte-Reine de Bretagne, l’écrivain et poète
breton Jean Lavoué – il vit à Hennebont - nous livre son Cadou intime.
La fraternité est au cœur du livre de Jean
Lavoué. Auteur d’un Perros, Bretagne fraternelle
(éditions L’Ancolie, 2004), il récidive en quelque sorte dans ce livre sur René
Guy Cadou. La fraternité, en effet, parcourt ce livre. Fraternité de René Guy
avec ses amis poètes et écrivains de l’Ecole de Rochefort, cette école
buissonnière d’auteurs en rupture avec le surréalisme et prônant le retour à la
nature et à l’émotion. Fraternité avec le poète Max Jacob. Fraternité avec le
Père Agaësse, moine bénédictin de
l’abbaye de Solesmes. Fraternité avec Michel Manoll, le libraire nantais qui
l’introduisit dans le monde de la poésie… La liste est longue.
Cette fraternité trouve sa source, estime
Jean Lavoué, dans la figure quasiment « christique »
de René Guy. Car si Cadou n’était pas chrétien, il avait au cœur ce Dieu
incarné qu’il entrevoyait comme le frère de tous les hommes, un Dieu loin des
dogmes et des pesanteurs de l’Eglise officielle. René Guy Cadou avait-il dans
sa poche gauche une carte du Parti communiste et dans sa poche droite une
médaille de saint Benoît (que lui avait offerte Max Jacob quand il lui rendit
visite à Saint-Benoît sur Loire) ? On peut en tout cas l’envisager, comme
le fait Jean Lavoué, nous rappelant au passage que le curé de Louisfert, où
mourut le poète, lui refusa des obsèques religieuses. « Seigneur ! Me voici peut-être à la veille de te rencontrer.
Il fera nuit, je serai là debout à la barrière du pré », écrivait
pourtant Cadou pressentant sa mort prochaine. « Je crois en Dieu parce qu’il n’y a pas moyen de faire
autrement ».
Jean Lavoué développe, à ce propos, un thème
qui lui est cher et parcourt ses propres livres : celui de l’exode. Il
voit dans l’œuvre de René Guy Cadou des traces de cette approche de la vie qui
fut celle de Jean Sulivan, d’Etty Hillesum
et de tant d’autres, notamment les mystiques rhénans, à savoir « cet exode du christianisme religieux
pour mieux nous redonner sa sève dans l’intensité d’une intériorité vécue et
d’une donation dans la chair du monde ».
L’auteur estime donc que Cadou a beaucoup à
dire aux hommes de notre temps. Il n’hésite pas à parler, à propos de son
œuvre, de « 5e
Evangile destiné au monde non religieux dans lequel nous sommes
entrés », car « la poésie
fut pour lui cette vie entière, cette vie rêvée, cette écriture vouée à l’autre
et à l’amour, à chaque instant ».
On ne peut pas, pour autant, réduire ce
livre à une approche du Cadou « christique ». Jean Lavoué insiste
beaucoup, au début de son livre, sur la double identité du poète : la
sienne propre d’une part et, d’autre part,
celle de son frère Guy décédé huit ans avant sa naissance et dont le
prénom a été accolé au sien (René devient ainsi un « Re-né »). Double
identité porteuse d’interrogations, lourde de sens sur le destin individuel et sur la mort. Jean
Lavoué souligne également – et on ne s’en étonnera pas - le rôle éminent joué par Hélène, son
« amoureuse », auprès de lui. « René
se plaira d’ailleurs à signer nombre de leurs correspondances communes « Renélène »… la fusion est parfaite ».
Cette lecture particulière de l’œuvre de
Cadou amène Jean Lavoué a expliciter sa démarche : « Je ne m’adresse pas ici aux spécialistes. Derrière le poème de
Cadou, c’est le Poème que je cherche avant tout à faire entendre », car
« il nous parle de l’Homme (…) De
l’homme que nous sommes appelés à devenir ».
Ce livre n’a donc rien d’une thèse
universitaire ou d’un exercice littéraire. C’est plutôt, comme le dit l’auteur,
« une sorte de libre cheminement
autour de ce qui révèle la destinée d’un poète dont la vie se confond avec
l’œuvre : brèves comme une étoile filante dans la nuit mais suffisantes à
dire l’éclat d’une existence vécue dans le déchiffrement obscur de l’énigme qui
la fonde ».
Le poète instituteur René Guy Cadou est
mort le 25 mars 1951. Il avait 31 ans. Des enfants de son école apportèrent des
bouquets de primevères près de son cercueil.
Pierre TANGUY.
René Guy Cadou, la fraternité au cœur,
Jean Lavoué, préface de Ghislaine Lejard, postface de Gilles Baudry, éditions
L’enfance des arbres, 300 pages, 20 euros.
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