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vendredi 27 mars 2020

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NOTRE COMMUNE PAUVRETÉ


À tous ceux qui, dans l'ombre, 
œuvrent auprès des plus démunis...


Une pensée aujourd'hui pour ceux que la nuit a saisis,
Plus qu'un poème, une lente litanie...
Comment se tenir proche,
Avancer à tâtons,
Tenter d'allumer des étoiles dans leurs yeux,
Faire que ces heures d'éloignement ne se déroulent pas sans eux ?

Il y a ces enfants que déjà la vie a meurtris,
Plus d'école, de cantines, ni de cours de récréation 
Pour respirer loin des coups, loin des cris :
Toutes ces douleurs qu'ils apprirent si tôt à cacher...

Il y a ces petits patients du couloir des cancéreux :
Il n'ont plus de visites.
Chaque semaine, la douce fée qui enchantait leur vie, 
S'asseyait à leur chevet, emplissant leurs chambres de contes lumineux,
Elle aussi est cloîtrée, désormais si loin d'eux...

Il y a ces femmes que la violence subie a rendues mutiques
Et qui partout cherchent de l'air :
Jusqu'alors, un peu chaque jour, elles pouvaient en trouver,
Respirer loin de cet enfer...

Il y a ceux qui sentent proche le frôlement de la mort...
Ils ne se sont jamais sentis aussi seuls.
Patiemment, ils ont appris à douleur
À faire le deuil de leurs proches, à s'en aller, à s'effacer sans bruit...

Il y a celui dont la compagne s'est éteinte
Et qui se trouve soudain seul, démuni, 
Préparant une célébration d'adieu sans témoins, 
Sans présences familières à ses côtés...

Et puis il y a le sans domicile auquel personne ne prête plus attention,
Auquel on ne demande même pas ses papiers,
Ni s'il est malade,
Ni s'il sait où s'abriter...

Il y a ces parents entre quatre murs, débordés,
Dépassés par l'instabilité de leurs petits,
N'entrevoyant plus qu'à travers des écrans illisibles
L'attention d'enseignants qui leur font tant défaut maintenant qu'ils sont sans relais...

Il y a aussi ces bienveillants qui voient venir la vague
Et qui s'affairent du mieux qu'ils peuvent
Pour protéger, pour soigner et sauver
Tout en évitant de se laisser eux-mêmes emporter...

Il y en tant et tant d'autres que l'on n'imagine même pas,
Tandis que, chaque soir, nous sommes abreuvés de consignes et de statistiques,
Ignorant tout des drames singuliers, vécus à présent incognito et sans filets...

Mais il y a encore nous tous qui pouvons écouter au fond de nous l'appel,
Le désir d'un matin printanier où nul ne serait plus indifférent,
Où toute fragilité serait enfin saluée.

Il y a notre vie patiente,
Capable de silence pour ceux que la douleur étreint,
De gestes et de paroles de tendresse,
De veilles et d'humbles traversées, 
De passages même silencieux,
Vers notre humaine, notre commune pauvreté. 

Jean Lavoué, 26 mars 2020 



















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