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mardi 14 avril 2020

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NOTRE-DAME INCENDIÉE


Voici un an Notre-Dame incendiée nous bouleversait 
Elle reste encore aujourd'hui avec ce trou béant
Sa voûte éventrée 
Le signe de ce qui n'en finit plus de nous arriver 
Sa flèche brisée nous atteint en plein cœur

Maintenant que tant d'églises et de temples sont vides
Comment ne pas entendre cet appel à rentrer en nous-mêmes
Qui résonnait déjà il y a un an
Certes il faudra bâtir et reconstruire 
Et l'on ne peut décréter à l'avance le temps qu'il nous faudra
Mais il nous faut d'abord nous retirer au fond de nos maisons
Nous souvenir que nous sommes mortels 
Entreprendre en tremblant cette remontée vers nos sources
Car rien ne sera plus jamais comme avant

Notre désir de grandeur d'expansion infinie
Les voici anéantis 
Il nous faut envisager à présent autrement notre avenir
De la quantité passer à la qualité
Du toujours plus vite toujours plus loin
Passer à l'éloge du plus proche et de la lenteur
À la fascination pour l'extérieur préférer la voie de l'intériorité 

Nous savons maintenant notre royauté vulnérable
Un rien peut la renverser
C'est forts de cette faiblesse retrouvée
Qu'il nous faut envisager demain
Là où était le bruit nous inventerons des silences 
Là où était la démesure nous trouverons des sobriétés joyeuses
Là où était la dispersion nous chercherons l'unité

Il nous a fallu tout ce chemin pour accepter enfin d'entrer en nous-mêmes 
D'entendre au fond de nous la voix des pauvres
Celle des inutiles des oubliés
Des pierres de touche de notre futile société 
À entreprendre cet immense changement des valeurs 
Qui met au centre de nos vies le plus précieux et le plus humble
Le plus indispensable et le plus caché 

Nous voici au pied du mur devant une splendeur nouvelle
Qu'il s'agit d'élever pierre à pierre 
En sachant que bâtir cette maison commune
Suppose de relever d'abord notre cathédrale intérieure 
Celle qui est fondée sur le roc de l'amour 

Que ces semaines et ces mois qui nous jettent dans l'inconnu
Que cette échancrure à jamais visible
Dans le ciel de notre trop sûre humanité 
Plongent profondément leurs racines en nous-mêmes 
Afin que nous soyons les uns pour les autres
Arbres de salut forêt de reconnaissance
Futaies de fraternité 
Gardiens pour chacun de notre nature oubliée 
Conservant à jamais au cœur la blessure
De notre ardente pauvreté.

Jean Lavoué, 14 avril 2020 
Photo, incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019


















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1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci à vous pour ce beau texte! Il fait écho aux vidéos d'Annick de Souzenelle que je médite.....

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