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jeudi 22 octobre 2020

 




 

Jean Sulivan, quel héritage ?

 

 

Il y a quarante ans disparaissait l'écrivain breton Jean Sulivan. Renversé par une voiture, il ne fut retrouvé par ses amis à l’hôpital de Boulogne-Billancourt que quelques jours plus tard. Il y avait été admis, en effet, sous son nom d’état-civil : Joseph Lemarchand. Il ne survécut pas à ses blessures et mourut le 16 février 1980 à l'âge de 66 ans.

 

Joseph Lemarchand était né le 30 octobre 1913 d'une famille paysanne de Montauban-de-Bretagne. Il connut à peine son père qui fut tué à la guerre. Sa mère se remaria, ce qui fut pour lui une blessure. En dépit de plusieurs demi-frères et sœurs, il se considéra toujours comme un fils unique. Après des études à Chateaugiron puis au grand séminaire de Rennes, il fut ordonné prêtre en 1938. Il exerça cette fonction avec passion, son talent oratoire lui valant d'indéniables succès. Aumônier des étudiants puis professeur au lycée Saint-Vincent de Rennes, il organise des conférences, crée un ciné-club, « La chambre noire » et un journal mensuel, « Dialogues-Ouest ». Il invite des intellectuels, des artistes et des réalisateurs de renom... Il est alors l'un des animateurs reconnus de la vie intellectuelle rennaise.

 

« Crise existentielle »

 

Mais son principal débat intérieur se joue avec son Église et notamment avec son propre statut clérical. Il en connaît tous les bénéfices secondaires en ce temps où la Bretagne est une terre encore profondément catholique. Mais en même temps, il le vit comme une épreuve et un carcan. C'est une véritable crise existentielle qu'il traverse. 

 

« Mes lecteurs, ma paroisse »

 

Celle-ci débouchera sur une totale métamorphose de sa vocation. L'écriture, avec la publication d'un premier roman en 1958, Le voyage intérieur, sera désormais la voie l'arrachant au statut et à la position de pouvoir clérical dont il avait connu les facilités mais aussi les abus. Il prend un pseudonyme, Jean Sulivan, inspiré du titre d’un film irlandais. Après ses premiers succès en littérature, il quitte Rennes, dès le début des années 60, pour rejoindre Paris et s'immerger entièrement dans le fleuve de l'écriture. L'archevêque de Rennes, le cardinal Roques, l'autorise à ne plus exercer d’autre ministère que celui d’écrivain.

 

« Mes lecteurs, ma paroisse… », écrit-il en effet. En vingt ans, il publie près d'une trentaine d'ouvrages. Il a une influence profonde sur beaucoup de lecteurs en recherche au cours des années postconciliaires. 

Plus que nul autre, il perçoit la crise institutionnelle qui vient. Aussi, avec son style incomparable, prend-il l'option pour une voie de pauvreté spirituelle et d’intériorité. 

Ses romans et essais invitent au retournement et à l’exode. Auteur reconnu il est essentiellement publié par Gallimard où il dirige plusieurs collections.

 

Ami estimé d'Hubert Beuve-Mery, fondateur du Monde, il dispose aussi au journal de connivences solides. Ses ouvrages y sont chaleureusement recensés. 

À l'occasion des quarante ans de sa disparition, les éditions L'enfance des arbres (Hennebont) publient ces articles, mais aussi un ensemble de soixante témoignages parmi lesquels ceux de Jean-Claude Guillebaud, Colette Nys-Mazure, Claude Goure, Bertrand Révillion, Michel Cool, Robert Migliorini, Anne Sigier, Jacques Musset, Marc Leboucher, Joseph Thomas, Gabriel Ringlet, Robert Scholtus, Dominique Collin, Myriam Tonus, Guy Coq... 

Un livre d'hommage et de reconnaissance[1] pour un auteur qui a bouleversé le destin de bien des vies. 

 

https://www.editionslenfancedesarbres.com/dans-lespeacuterance-dune-parole--j-sulivan.html

 

 

Jean Lavoué, auteur et éditeur


Point de vue paru dans le journal Ouest-France, 

le 21 octobre 2020

















 

 

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