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lundi 18 janvier 2021

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Gratitude à Jean-Claude Guillebaud  pour son dernier livre, "Entrer dans la douceur", hymne à la fraternité et à l'entraide et aussi dénonciation du cynisme et du cléricalisme. Je me permets d'en citer quelques passages. Me voici en bonne compagnie avec tous ces amis... 

"Je travaillais à ce livre quand un visiteur imprévu nous est arrivé : le coronavirus, petite bête assez puissante pour chambouler le monde et tuer beaucoup de gens. J'ai été moi-même perturbé pendant huit semaines. Je ne ferai pas comme si ces semaines n'avaient pas existé. Je ne les oublierai pas.{...} 

J'avais surtout envie de lire, de relire ou de parler à des poètes. Quelques années plus tôt, j'avais noué des liens avec certains d'entre eux, ou avec leurs œuvres. Jean Lavoué, Xavier Grall, Jean Sulivan, René Guy Cadou, Jacques Berlin. Ces retrouvailles à distance, ces échanges de messages via Internet avec ceux qui vivent encore m'ont rasséréné. Dans ces dialogues, je retrouvais avec bonheur cette appétence pour la douceur qui nous rassemblait. J'ai eu la chance d'être associé à un hommage à Jean Sulivan, de renouer avec le chanteur et poète Jacques Bertin, ou de correspondre deux ou trois fois avec la veuve de Xavier Grall. 

Ce que Jean Lavoué m'a aidé à comprendre, c'est de quelle façon tant d'hommes et de femmes, et surtout des poètes, étaient aujourd'hui "en exode". Chrétiens ou anciens chrétiens, ils ont quitté une spiritualité trop encombrée du rituel religieux, cadenassé par un cléricalisme raide. Ces hommes et femmes sont désormais "dehors", mais portés par un agnosticisme qui n'a pas vraiment rompu avec la vibration, le poème, le parfum spirituel de l'Évangile. 

"J'écris pour me sauver / pour saluer ce qui reste" écrivait René Guy Cadou. Il fut ainsi un visionnaire ou un sourcier du "prochain christianisme", si tant est qu'il se révèle un jour. Tel est le propos de Jean Lavoué*. Il se dit lui même (encore) chrétien, mais ouvert sur le monde des autres spiritualités, et les quêteurs de sens, tous en exode au sens le plus exact du terme. En exode, cela veut dire aussi en recherche. 

Quand on suit à la trace ces poètes, on est frappé par le riche ensemble que l'on voit apparaître. Il va des plus "éloignés" aux plus "proches". Jean sulivan (1913-1980), de la même génération que René Guy Cadou, est à classer parmi les proches, puisqu'il fut prêtre jusqu'à la fin. Dans les années 1970, j'avais lu une partie de son œuvre (conséquente) d'écrivain, dont les deux volumes de ses "Matinales", qui restèrent longtemps sur ma table de nuit, à côté du roboratif "Bonheur des rebelles". 

J'ai été heureux de pouvoir saluer, avec autant de gratitude que d'émotion, la mémoire de Jean Sulivan**. Oserais-je ajouter qu'à titre personnel je dois beaucoup à cette "voix" chrétienne, mêlant révolte et fidélité, foi chrétienne et esprit d'enfance, érudition et ferveur intacte des commencement.{...} 

Bien sûr le fiévreux - et lyrique - Xavier Grall, poète et journaliste breton, disparu en 1981, n'a ni le même style ni le statut de Sulivan, mais dans mon esprit ils se rejoignent dans leur acceptation de la "liberté évangélique". Sulivan (né en 1913) était l'aîné de Xavier Grall de dix-sept années. Mais le temps les rapprocha. Leurs morts fut presque jointes. Grall disparut en 1981, Sulivan un an plus tôt**.{...} 

Jean Sulivan définit l'Évangile comme un "livre-parole" et même un "livre insurgé". Quant à Xavier Grall, j'ai lu plusieurs de se livres dont l'époustouflant "L'inconnu me dévore". Je garde encore certaines apostrophes de Grall en mémoire. Comme celle-ci, adressée à ses cinq filles qu'il appelle "mes divines". "Méfiez-vous de ceux qui montent la garde à la porte des églises. Ils font la quête. Ils pérorent, écrivent des cantiques, sermonnent. Mes filles, méfiez-vous des sacristains. À force de nous sonner les cloches, ils couvrent la forte rumeur des Évangiles." 

* René Guy Cadou, La fraternité au cœur, L'enfance des arbres 2019. https://www.editionslenfancedesarbres.com/reneacute-guy-cadou---jean-lavoueacute.html

** "avec Jean Sulivan, dans l'espérance d'une Parole", éditions L'enfance des arbres 2020. https://www.editionslenfancedesarbres.com/dans-lespeacuterance-dune-parole--j-sulivan.html

*** Les éditions L'enfance des arbres préparent pour l'automne prochain un double hommage à Xavier Grall avec un livre de Pierre Tanguy et un ouvrage où je rassemble les voix de Bretagne dont l'écriture et le "Chant d'exode" m'inspirent : Xavier Grall et Jean Sulivan, bien sûr, mais aussi Armand Robin, Yann-Fañch Kemener, Guillevic, René Guy Cadou, Max Jacob et Georges Perros. Il s'intitulera "Le chant des pauvres". 

























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1 commentaire:

Anne Le Maître a dit…

Une bien belle famille...

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