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vendredi 16 avril 2021

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Merci, cher Jean-Claude Guillebaud  pour ce bel éloge des oiseaux et de l'amitié... 

De minuscules bâtisseurs du monde 

Une phrase, une simple phrase trouvée dans un livre, vous apporte parfois un éclairage nouveau sur une réalité qui vous était (trop) familière. Cela m’est arrivé ces derniers jours à propos des oiseaux. Ces compagnons ailés me fascinent depuis longtemps. Je me suis inscrit plusieurs fois, via Internet, à des groupes d’ornithologues amateurs mais souvent érudits. On y échange des photos, des conseils, des informations concernant la huppe fasciée, la corneille mantelée ou l’on discute du décompte des passages de grues au-dessus du canton charentais où je « niche ». 

L’auteur de la phrase en question, François Cassingena-Trévedy  est un ancien élève de l’École normale supérieure, devenu « Frère François », un moine hors du commun. Auteur de nombreux ouvrages, il est désormais considéré comme (je cite) « l’un des plus grands écrivains catholiques de notre époque ». Paru en mars de cette année, son dernier livre, rassemble des chroniques qui s’efforcent de donner un sens à la catastrophe sanitaire que nous vivons tous depuis un an. (*) 

À la page 23, j’ai trouvé ces lignes inattendues. « Le chant des oiseaux n’accompagne pas seulement la construction des nids : il est lui-même un minuscule effort de construction du monde. » Cette notation m’a fait sursauter. Bien sûr, chaque année entre début mars et fin avril, j’observe l’affairement printanier de la nidification. Je trouvais jusque-là cet événement pittoresque mais sans m’interroger sur ce qu’il pouvait signifier. 

Mon regard s’en est trouvé changé. J’ai envoyé un message à « Frère François » et nous avons échangé plusieurs fois. Depuis lors, je suis plus émerveillé que jamais en voyant ces oiseaux, grands ou petits, une brindille ou autre chose dans le bec, voler vers leurs nids en construction. Certains d’entre eux sont mes préférés notamment grâce à leurs choix architecturaux. 

Les pies par exemple. (Ma grand-mère parlait des « ajasses » en patois poitevin-saintongeais). Leur nid est une construction solide et muni d’un toit en branche épineuses, censé protéger les futures couvées des prédateurs. Sa construction requiert quantité d’aller-venues et beaucoup d’habileté. Les superbes pic-épeiches, avec leur plumage noir et blanc assorti d’une tache rouge sur le bas-ventre, retrouvent quant à eux chaque année leur nids creusé dans un tronc. Cette « maison » est rendue douillette par une garniture de plumes ou d’herbe sèche. 

Même attachement pour le lieu chez les huppes fasciées avec leur crête de plumes érectiles que je classe — avec les chardonnerets, les loriots, et les mésanges charbonnières — parmi les plus beaux volatiles du canton. Pendant des années, le même couple de huppes, revint loger chaque printemps dans une discrète anfractuosité au-dessus de la porte de notre pigeonnier. Leur arrivée très ponctuelle nous confirmait le début du printemps. 

Parfois, un couple de buses venait restaurer ou rebâtir leur épais nid, à la fourche ou au sommet d’un chêne. Il servait plusieurs années de suite. J’admire toujours leur travail et « je me souviens », comme disent les québécois. J’appartiens à une génération qui a connu le temps des buses clouées sur la porte des granges par des agriculteurs dont elles capturaient et mangeaient qui une poule qui un petit lapin. Leur vol en cercle au-dessus des basse-cours semait alors la panique. Les « buses variables » sont désormais protégées. Elles sont très nombreuses et devenues banales, mais pas leurs nids. 

La place me manque pour évoquer mon admiration renouvelée par la grâce d’une petite phrase. Hulottes, chouettes effraie, éperviers, choucas, et bien d’autres, je les observe plus attentivement qu’hier. Je ne suis pas près de m’en lasser. Quelle chance ! 

(*) François Cassingena-Trévedy, Chroniques du temps de peste, Taillandier, 2021. 

Jean-Claude Guillebaud, Sud-Ouest-Dimanche, 11 avril 2021

Photos : huppe fasciée, mésange charbonnière, pic-épeiche






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