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jeudi 20 mai 2021

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Ce jeudi 20 mai, dans son BLOC-NOTES du journal La Vie, Jean-Claude Guillebaud me fait l’amitié de ce texte chaleureux...

Des clairières en attente

Je reprends ici le titre d’un livre à mes yeux, exceptionnel. (Jean Lavoué, Des clairières en attente, Médiaspaul.) Sa lecture m’a enchanté. J’y trouvais une parole ou des lignes attendues depuis longtemps. Il arrive en effet que certaines pages semblent écrites spécialement pour vous. Sans connaître vraiment l’auteur, on comprend à la seconde qu’il est votre ami. Votre esprit et votre cœur exultent ensemble. Ce n’est pas si fréquent.

Quant à ces « clairières en attente », elles désignent les espaces où se retrouvent des hommes et des femmes « en exode », petits groupes qu’au fil des siècles la rigidité de l’institution catholique a fini par décourager. « Ils avaient soif de désirs, d’espérance, de confiance, écrit Jean Lavoué, et ils n’ont bientôt plus vu que jugements et condamnations. [...] Loin de s’arrêter au bord de la route, ils cheminent dans la forêt des signes, en quête d’espaces fraternels où se reconnaître. »

Vidéo de présentation du livre par Jean Lavoué :

Notre ami Jean Lavoué prolonge un itinéraire courageux qui fut celui de Jean Sulivan, disparu en 1980. Celui-ci s’était déjà libéré — sans rupture — de son statut d’ecclésiastique pour se consacrer à l’écriture (une trentaine d’ouvrages publiés entre 1965 et 1980). À l’image de ce précurseur, nombre de chrétiens en exode aujourd’hui paraissent éloignés de la foi, alors même qu’ils demeurent attentifs aux « semences d’Esprit partout répandues, notamment aux périphéries de l’Église ».

Les images qui jalonnent ce livre sont très belles. On ne s’en étonnera pas. Elles procèdent d’une alliance vivifiante entre foi et poésie. Pour évoquer la parole évangélique, celle de Jésus, l’auteur parle du Poème dont la beauté ne cesse de ressurgir. C’est pour accueillir encore cette parole, deux mille ans après, que les humains en exode sont toujours habités par une foi en l’avenir. Ils constituent ainsi des « pierres d’attente pour ce royaume annoncé qui demeure en avant d’eux-mêmes ».

Pour ce qui me concerne, une autre découverte m’a mis en joie. Les auteurs cités dans ces cent trente pages me « parlaient » car presque tous avaient compté dans ma vie de chrétien. Je me suis senti parmi les miens. Je pense à Bruno Latour, dont le livre Jubiler ou les tourments de la parole religieuse (Seuil) m’avait galvanisé. Je pense aussi à Maurice Bellet, François Jullien, Bernard Feillet, Gérard Bessière, Lytta Basset et tant d’autres. Et comment oublierais-je ici les textes impressionnants de François Cassingena-Trévedy  ce moine qu’ils furent nombreux à aller écouter, quand il était encore à l’abbaye de Ligugé. J’en ai parlé plusieurs fois dans La Vie. Son témoignage est puissant, le livre de Jean Lavoué l’est aussi.

Tous ensemble reprenons donc les mots de Xavier Grall qui voulait « soulever une fois pour toute cette chape de tristesse qui s’était abattue sur le christianisme » ! J’ajouterai un autre projet que mentionne Lavoué. Celui de « se rendre poreux au bruissement de la vie qui nous traverse, d’entrer dans le jeu à la manière de l’enfant, de se laisser aller simplement à la joie d’être au monde ». Il devient alors imaginable de laisser chanter en soi ce qui est « le fruit d’un accord avec tout ce qui est : la nature et la beauté du monde, l’épreuve traversée, l’émotion d’une rencontre, d’un amour. Un silence qui bouleverse. »

Ces pages providentielles sont à lire et relire.

Jean-Claude Guillebaud, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE





























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