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Quelques mots de Christian Bobin à propos de Noël… c’était en décembre 2007 dans le cadre d’une interview pour le Journal La Vie :
À Noël nous arrive un nouveau-né bien particulier...
Christian Bobin : C'est difficile de parler de Noël. Je ne veux pas aller du côté de l'attendrissement, car ce penchant-là est aujourd'hui nourri, et même gavé. J'aimerais éviter les sucres et les papillotes en offrant une vision très simple du destin de ce nouveau-né : il va être notre victime, nous allons le massacrer. Mais son absence de ressentiment est si grande qu'elle a peut-être une chance de nous atteindre et de nous délivrer de nos manies d'avoir toujours raison, de notre volonté d'être sans cesse les premiers. Jésus, l'enfant le plus fragile de tous, est en même temps invulnérable. Car il a accepté cette fragilité, il en a fait la fleur de sa vie. Quand on écoute les paroles des Évangiles, elles sont étrangement simples et d'une profondeur abyssale. Comme si le Christ, cet homme de 33 ans, était à chaque fois en train de naître. Comme s'il se trouvait toujours dans l'émerveillement des premières fois, des premiers jours. Celui que nous cherchons à célébrer à Noël, c'est tout simplement la vie à son point de source : c'est un bébé infatigable.
►Vous ne souhaitez donc pas que le message évangélique soit morcelé ?
Christian Bobin : Toute la vie est toujours là, entière, à chaque seconde. Les préraphaélites, ces peintres anglais du XIXe siècle, ont réalisé des tableaux du Christ enfant où se dessine l'ombre de la croix. Si nous savions regarder dans l'incroyable bleu des yeux des nouveau-nés, nous y capterions des nouvelles toutes fraîches du ciel. Nous y verrions la mort à venir, mais aussi le démenti de cette mort. Ce qui est presque insupportable et merveilleux tout à la fois, c'est la densité atomique de notre existence : chaque instant contient tous les autres. C'est la raison pour laquelle la racine de la vie est la poésie. En une seule image, un poème fait surgir de multiples réalités, le maximum de lumière en un minimum de mots. La vie n'est pas si bavarde, elle est furtive souvent, parfois même muette. Et elle jaillit soudain de manière elliptique ou énigmatique. Mais, dans cette brièveté, il y a de quoi entendre jusqu'à la fin des siècles. En ce nouveau-né qu'est le Christ à Noël, il y a non seulement les 33 ans à venir, mais aussi tout le paradis, toute la joie qui excède et lave notre maladie d'inattention.
►Le cadeau de Noël qui vous rendrait heureux ?
Christian Bobin : Qu'on m'emmène devant un arbre couvert de givre... Tout simplement.
Texte transmis par Olivier de Beaulieu
Photo de Jackie Fourmiès
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