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Le voici qui emprunte des chemins de traverse
Le « françoisier »* de la chanson
Ce petit prince du souffle pur et de la joie
S’il semble s’éloigner
C’est pour mieux demeurer avec nous
Sa voix s’amenuise de jour en jour
Mais il s’avance confiant dans un grand champ de bleuets
Ayant accompli sa tâche d’enchanteur fraternel
Depuis son lit d’infortune
Il a tenu à transmettre à ses amis
Un dernier message de soleil et d’amitié
Le ciel s’est engouffré dans son visage
Et ses yeux irradient la bonté
Jusqu’à la pointe de l’horizon
Quand il prononce au bout du fil son prénom
« C’est Philippe »
Il s’étonne à demi que l’on puisse encore l’entendre
Mais son âme a gardé l’accent
De ces grands galops de Camargue
Et le vent souffle dru
Dans les roseaux et les tamaris de son cœur
Il rêvait me disait-il de revoir la Bretagne
Mais désormais chaque pays où crèche un ami
Sera pour lui à jamais son pays
Compagnon des dernières heures
De son frère Christian Bobin
Comme il le fut depuis toujours de son cher Cadou
Il demeure maintenant à l’ombre du Très-Bas
À l’abri de ses ailes
Avec lui tu ne crains plus
Philippe
Ni les terreurs de la nuit
Ni la flèche qui vole de jour
La misère de l’homme
Tu l’as traversée depuis longtemps
Dans ton livre d’heures et de chansons
Éclaboussé de fleurs radieuses et d’étoiles
Parmi les épines
Tu continues à cueillir jusqu’à l’ultime instant
Les fruits et les petits miracles
De ton existence graciée
Tu nous laisses un chant
Aussi lumineux
Que celui du rossignol
Et une compagnie aussi familière
Que celle du rouge-gorge
La poésie qui t’accompagne
Ne cesse de battre des ailes
Aux lisières de ton chemin dont les arbres te saluent
Avec gratitude
Nous tournons une à une en tremblant
Les pages bénies
De ton livre de vie**
Jean Lavoué, le 13 février 2023
* À la manière de Joseph Delteil qui aimait se dire écrivain françoisier plutôt que franciscain
** Philippe Forcioli, Les Impromptus de La Sauvegarde, L’enfance des arbres 2023
Photo Pixabay/JillWellington
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