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mardi 14 mars 2023

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Olivier Risser, auteur notamment d’ouvrages consacrés à Etty Hillesum publiés à L’enfance des arbres, a lu le livre de Philippe Forcioli, Les Impromptus de La Sauvegarde. Merci Olivier d’avoir su ainsi saisir l’élan de l’ami Philippe dans son dernier parcours en terre de poésie !

JL

"S’il y a peut-être çà et là quelques basses notes, l’essentiel de ce livre, Les Impromptus de la Sauvegarde, est porté par le souffle très large de la vie. Traversé par une sorte d’allégresse, comme ces cantates de Bach que l’auteur nous invite à écouter, le recueil n’est pas exempt de soubresauts dignes de Pierre Boulez. Frères des morceaux de Schubert, ces « Impromptus » ont peut-être davantage encore de parenté avec le jazz : « il nous faut du grain à moudre / du grain à moudre, du grain à moudre / Il nous faut du grain à moudre / Du grain à moudre il nous faut ».

En somme, ce livre écrit sur « un lit voiture » invite au chant tout autant qu’au voyage. A un chant, parsemé de jeux de mots, de jonglages des sonorités, un chant qui n’est jamais (seulement) triste et qui allume souvent des lanternes au cœur à force d’humour. Un chant qui aide au voyage dans le temps. Ainsi de « mon insomnie ni ni [qui] jamais ne se finit ni ni ». Et pourtant, de la peine, très certainement, il y en eut, de ces épreuves au bord de l’abîme, de ces sorties de route quand le poète « à plat » ne pouvait plus tenir le volant.  Comme il est difficile aussi de refermer l’ouvrage sans être saisi d’émotion au moment de lire, justement « Fin N,i ni, Fini ». On comprend que le poète accepte un peu plus facilement que l’homme cette fin mais il y a là, dans cette sortie, plus qu’une politesse, un message d’espérance et d’amitié. Il y a là aussi, disons-le, du Cyrano qui emporte avec lui… « son panache » !
Le trésor essentiel de ce petit ouvrage écrit au fil des soins de dernière instance, c’est sans doute le lien qu’il tisse entre les humains, une sorte de « communion des saints », où les infirmières côtoient François d’Assise, François le pape, Pelé le footballeur : « les infirmières étaient avec le Père bien Adam et Eve ».
Le trésor essentiel de ce petit ouvrage tient – et quelle leçon ! – dans la gratitude, long et profond regard tourné vers l’enfance « dans le rétroviseur », lettre d’amour à la mère (« Mon chaire traizor »), souvenir d’un match de foot avec le père (« pour cet énormissime événement, mon papa avait prévu d’acheter des places bien à l’avance »). Dans la force donc de dire « merci » à la vie : « cette chance offerte à mon étroite fenêtre d’hôpital de m’émerveiller de ce don gratuit du ciel » et le pléonasme d’un don gratuit est ici le bienvenu.
Le trésor de cet ouvrage tient en un questionnement adressé à tous : « auriez-vous une définition de la joie ? » et dans… la réponse qu’il propose.

La vie, j’imagine, quand elle finit et qu’on regarde en arrière, doit ressembler à une longue, très longue phrase, comme celle dans « Quarante ans déjà », conjuguée (ce n’est pas un détail) au futur antérieur, qui court sur deux pleines pages et dans laquelle j’ai trouvé une pépite de poésie, une pépite d’instant, une pépite tout simplement, je crois, comme on en trouve peu :
« J’aurai beaucoup communié pour de rire mais gravement dans ma voiture les dimanches matins en écoutant la messe sur France Culture ».

Le trésor de ce recueil tient dans ce titre « Ne pas mourir encore vivant ». Quel gâchis, en effet, que de mourir encore vivant ! Autant attendre, pour mourir d’être vraiment mort. Mais comment, Philippe, être sûr d’en trouver la force quand « la valse folle des pensées » comme vous dites, nous empêche de nous (re)poser ? Dans le récit, dites-vous ? Sans doute. Dans la danse des notes, entre les mesures de la partition, en inventant de petits mensonges qui sont comme des allégories ? Oui. En disant «merci », me dites-vous ? Merci.

Si un jour je suis au lit comme Philippe, je veux être en vie comme Forcioli."

Olivier Risser 

https://www.editionslenfancedesarbres.com/philippe-forcioli--les-impromptus-de-la-sauvegarde.html







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