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... Cette absence pour qu’elle rayonne ainsi, le cœur aura dû aussi la dégager de trop d’attachements : ce que les psychologues occidentaux appellent le travail du deuil. Mais ils ordonnent ce travail à un effort de libération de liens considérés comme morbides en vue d’une nouvelle capacité d’attachement. Mais ce n’est pas du tout ainsi qu’il faut entendre le silence nécessaire au cœur afin qu’il puisse devenir un cœur qui ouvre. Si dégagement il y a c’est pour laisser précisément totalement ouverte, vacante, telle une empreinte en creux la place vide que désigne l’absence. Et cette place n’en finira plus de ne pas être occupée par autre chose que la trace vive d’une présence qui a cessé de se donner comme un plein illusoire mais s’abandonne désormais comme le sillage à jamais ouvert d’un départ.
C’est ainsi que certains êtres, parce qu’ils en ont déjà fait l’expérience dans leur chair – ou peut-être ont-ils anticipé d’une quelconque manière cette expérience radicale qu’il leur reviendrait un jour de faire -, sont plus sensibles que d’autres à ces signaux dans l’ouvert qui désignent l’absence. Il arrive qu’ils soient comme les récepteurs désignés d’un départ soudain qui atteint en eux cette zone d’un intime qui n’est plus séparé, soumise aux plus infimes vibrations. Ils peuvent ainsi entendre se retourner en eux les vagues que font ces mots de Perros : « le plus beau d’un navire c’est son sillage.»
JL
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