Sais-tu que le moindre paysage
Possède cette texture infinie
Dont le poème ne sera jamais que le
pâle reflet
Au bout de tes doigts ?
Si tu cours d'un mot à l'autre
Sans t'arrêter,
Comment épouserais-tu le bruit de tes
propres pas
Dans les allées de moissons sèches
Qui tapissent l'hiver de brûlures et
de gloire ?
Comment te laisserais-tu toucher
Par les souches arrachées de décembre,
Comment aurais-tu ce goût d'absence
et de lumière
Et cet espoir jamais vaincu ?
Comment serais-tu emporté
Par les fûts endiablés du soleil
Jouant leurs partitions
Sur le grand orgue du silence ?
Comment enlèverais-tu l’archet aux
branches entrelacées
Pour jouer à l’octave la sonate de
l'aube,
Ton présent consenti,
Dans la nudité des jeunes rameaux
brandis
Et du houx ?
Comment suivrais-tu sans attendre
Chaque bourgeon en partance
Sur les rampes pavoisées de son
avenir ?
Comment guetterais-tu à chaque pas le
chant du coucou,
Le tam-tam du pic-vert,
L'orchestre du pinson,
L'envol des colverts sur la grande
nappe fraîche de l'étang recueilli ?
Comment franchirais tu sans te hâter
Des barrières vermoulues,
Des fossés aux mousses glissantes,
Des rochers offrant au ciel limpide
leurs lichens de cendre et d'or ?
Comment serais-tu certain
Que la clairière s'ouvre à l'avant de
toi,
Là où la vie te convoque et t'espère,
Dans l'espace qu'elle veut pour
toi
Avec son peuple des lisières,
Sa patience sans défaut,
Son printemps fraternel ?
Jean Lavoué
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