Petits propos poétiques de campagne à l'usage des utopistes
N'avez-vous pas remarqué combien le
roi est nu ?
La formule, certes, n'est pas
nouvelle,
Mais jamais réalité ne fut plus
évidente :
Je ne parle pas ici d'un roi en
particulier,
Mais aussi bien de tous les rois réunis,
Candidats de tout poil, de France et
d’ailleurs.
Car pas un seul n'échappe au massacre
du temps :
Qu'il soit doux ou cruel, rêveur ou
malfaiteur,
Ne change rien à l'affaire.
Nul ne se sent plus tenu d'en haut,
Aucun n'est soutenu d'en bas.
Même la force brutale se retourne un
jour contre eux.
Ils peinent à unir ceux-là sur qui
ils croient régner.
Et aucun d'eux pourtant n'est dupe :
Survivre est devenu un passe-temps,
Tenir le sceptre que tous envient une
malédiction.
Et si les règles qui ont fait les
rois étaient tout simplement à oublier :
Plus de destin providentiel !
Plus de magistrature suprême !
Plus de palais, ni de dorures, ni de
crêtes de droit divin !
Mais cette lente assemblée des
sources,
Cette mutation des énergies montant du
sol,
Ce rappel tenace de la terre et du
bien commun,
Cette profonde convergence du fleuve
dont nul ne peut plus se dire capitaine !
Plus de place d'exception qui ne soit
le fruit d'un accord intime et durable,
Entre les femmes et les hommes, la
nature et l’humain,
À rebours de la glorieuse histoire et
de ses mythes défunts.
L'arbre qui a fait son temps c’est
par la cime qu'il meurt,
Celui qui, sûr de lui, défie l’ouragan
sera balayé !
Mais celui qui entend la rumeur du
vent,
Celui qui voit par delà l'horizon,
Celui qui ne fait pas taire en lui
l’enfant déboussolé,
Celui qui donne la parole aux
passants, aux inconnus, aux étrangers aussi bien qu’à ses proches,
Celui-là sera peut-être écouté.
Celui-là sera peut-être écouté.
Seules sont fécondes les racines quand
survient la tempête !
S’il se croit, celui-ci ou celle-là,
aussi démuni que tous
Mais cependant confiant dans la
vigueur commune,
Et aussi dans ce feu qui parfois nous
réchauffe,
S’il ne veut porter, coûte que coûte,
les signes du vainqueur,
Mais redonne à chacun, à force de patience,
Le souverain éclat de son royaume et
de sa joie,
Alors il ne se tiendra plus dans les
hauteurs,
Il ne gouvernera plus en marchand
d’illusion,
Mais il aura trouvé dans le cœur de
tous
Le germe de lumière qui fait de
chacun une reine ou un roi.
Jean Lavoué
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire