Photo Sergio Naturalité
Oh mon fleuve aux eaux de feuilles
Et d'automne promis,
Tu fais corps avec les racines
Et les fougères déjà roussies.
Tu te montres patient
À l'ordre des marées,
Tu ne veux rien précipiter
Car chaque instant t'attache au port.
Tes sous-bois, tes polders
Ont des élans de flammes,
Tu remontes vers moi des viviers de
l'enfance.
Je suis en bonne compagnie
Lorsque tu coules en moi.
Le grèbe et le courlis, l'aigrette et
le canard
Anticipent la pluie de tous leurs
chants sauvages.
Bientôt tu ne seras qu'une alliance
de flots,
Terre et ciel confondus de rumeurs en
partance.
Je ne cherche jamais à devancer ton
pas :
Tu es de chaque soir l'inaccompli du
jour
Où l'océan se donne.
Je remonte avec toi vers les grèves
enfiévrées
Où tu t'étourdiras de vagues et d'espace
Sous les liserés du sel
Et le feu sans partage de tous les
sables gris.
Je ne t'ai rien donné et tu m'as tout
remis :
Les mots, le Chant, l'espoir,
La marche sans objet, la présence
sans bruit.
Je ne peux que louer ton ardente
patience,
Tes lents plissements d'ailes
Pour faire face aux vents,
Ta jeunesse insolente,
Tes berges sans confort.
Tu es le prince ici d'un monde dont
l'avenir
Est noué au silence,
Aux
matins de la vie.
Jean Lavoué
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