Il n’y a plus
de feu pour forger nos matins,
Plus de lois,
de serments où nous serions tenus,
Tous les noms
sont perdus, les cartes, les indices,
Nous sommes
sans racines comme des rois déchus.
Nous n’avons
plus de cap, agir est sans boussole,
Nous ruons à
tout-va enserrés dans la nasse,
Ceux qui
croient voir l’issue nous précipitent à perte
Ceux qui pensaient
mieux faire nous ligotent un peu plus.
Notre legs ne
sera qu’écriture du vent
Car nous
brisons les sceaux qui nous réunissaient,
Les clés sont
inutiles, les serrures oubliées,
Et nous
allons ainsi redoublant de vigueur
Pour dénoncer
un monde dont nous sommes les fruits.
Aucun été en
nous, aucun cri, nulle étoile,
Seul le bruit
sans raison de notre tragédie,
Nous allons
sans savoir, de pourquoi en pourquoi,
Ignorant que
la nuit a dispersé nos hymnes.
Ce chaos, ce
désastre sont justement le signe,
Il faut
dresser la voile et puis tenter de vivre,
Se pencher
sans compter sur l’aubier des saisons,
Réinventer les
gestes, se tourner au dedans.
S’échapper
immobile d’une troublante errance,
Faire naître
un printemps au plus secret de soi,
Savoir qu’il
y a des aubes et des chemins pour tous,
Choisir la
pauvreté des odes fraternelles,
Se donner au
silence comme on livre sa joie.
Se dresser
dans l’instant comme un arbre vivant
Ignorant tout
du sang qui monte sous l’écorce,
Libéré des
combats, apaisant les orages,
Faisant de
tout miracle un aujourd’hui comblé.
Il faut
joindre nos pas aux murmures des roseaux
Et connaître
la paix qui jaillit sous les souches,
Si je tiens
mon journal entre poème et Chant,
Ce n’est pas
par oubli, c’est pour ne pas mourir,
Pour
accueillir l’ivresse de se savoir ici.
Je n’ai que ce
silence pour nous réaccorder,
Que ce vide
entre nous par où le souffle passe,
Le
commencement n’est plus au principe du Livre,
Mais à
l’abîme en nous où il nous faut tomber.
Nous nous
tenons debout dans l’incendie de l’homme,
Le désespoir
n’aura place dans nos mémoires,
Je vais vers
ma naissance en gardant dans le cœur
Non ces
trésors perdus mais l’estuaire à vif,
Il reste des
clairières où se mettre à genoux,
Des marches
inutiles, des gratitudes nues,
Des blessures
guéries sous l’aile des caresses,
Des carrés de
lumière au soupirail des heures.
Je ne relate
pas le redouté présage,
Chacun y a sa
part, nous sommes tous témoins,
Mais cette
île épargnée au milieu des naufrages,
Je la dédie à
tous,
Ce bois, ce
lieu béni où nous serions sauvés.
Jean Lavoué
11 avril
2018, entre l’écluse de Quélennec et l’écluse de Trébihan
.
2 commentaires:
Étonnante photo... Le petit reste ?
merci pour ce très beau poème
Enregistrer un commentaire