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vendredi 13 avril 2018

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Il n’y a plus de feu pour forger nos matins,  
Plus de lois, de serments où nous serions tenus,
Tous les noms sont perdus, les cartes, les indices,
Nous sommes sans racines comme des rois déchus.

Nous n’avons plus de cap, agir est sans boussole,
Nous ruons à tout-va enserrés dans la nasse,
Ceux qui croient voir l’issue nous précipitent à perte                           
Ceux qui pensaient mieux faire nous ligotent un peu plus.    

Notre legs ne sera qu’écriture du vent
Car nous brisons les sceaux qui nous réunissaient,
Les clés sont inutiles, les serrures oubliées,
Et nous allons ainsi redoublant de vigueur
Pour dénoncer un monde dont nous sommes les fruits.   

Aucun été en nous, aucun cri, nulle étoile,        
Seul le bruit sans raison de notre tragédie,
Nous allons sans savoir, de pourquoi en pourquoi,
Ignorant que la nuit a dispersé nos hymnes.

Ce chaos, ce désastre sont justement le signe,        
Il faut dresser la voile et puis tenter de vivre,
Se pencher sans compter sur l’aubier des saisons,
Réinventer les gestes, se tourner au dedans.

S’échapper immobile d’une troublante errance,
Faire naître un printemps au plus secret de soi,
Savoir qu’il y a des aubes et des chemins pour tous,
Choisir la pauvreté des odes fraternelles,
Se donner au silence comme on livre sa joie.

Se dresser dans l’instant comme un arbre vivant
Ignorant tout du sang qui monte sous l’écorce,
Libéré des combats, apaisant les orages,
Faisant de tout miracle un aujourd’hui comblé.

Il faut joindre nos pas aux murmures des roseaux
Et connaître la paix qui jaillit sous les souches,
Si je tiens mon journal entre poème et Chant,
Ce n’est pas par oubli, c’est pour ne pas mourir,
Pour accueillir l’ivresse de se savoir ici.

Je n’ai que ce silence pour nous réaccorder,                       
Que ce vide entre nous par où le souffle passe,
Le commencement n’est plus au principe du Livre,
Mais à l’abîme en nous où il nous faut tomber.

Nous nous tenons debout dans l’incendie de l’homme,
Le désespoir n’aura place dans nos mémoires,
Je vais vers ma naissance en gardant dans le cœur
Non ces trésors perdus mais l’estuaire à vif,

Il reste des clairières où se mettre à genoux,
Des marches inutiles, des gratitudes nues,
Des blessures guéries sous l’aile des caresses,
Des carrés de lumière au soupirail des heures.

Je ne relate pas le redouté présage,
Chacun y a sa part, nous sommes tous témoins,
Mais cette île épargnée au milieu des naufrages,                              
Je la dédie à tous,
Ce bois, ce lieu béni où nous serions sauvés.


Jean Lavoué
11 avril 2018, entre l’écluse de Quélennec et l’écluse de Trébihan

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Étonnante photo... Le petit reste ?

gazou a dit…

merci pour ce très beau poème

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