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mercredi 25 avril 2018

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N’attache pas plus d’importance à ce qui fleurit en toi
Qu’à ce qui te désole,
Soigne le paradoxe,
Laisse venir au jour l’énigme de ta joie.
Il y a plus d’écho de l’abîme à la source
Qu’entre sèves et racines quand les arbres verdoient.
Quand tu te sais promis au craquement des branches,
À l’orchestre des futaies dont nul ne tient l’archet,   
Quand tu ne marches plus vers des auberges lentes
Où le sel de la vie pourrait te ranimer,
Tu n’éprouves pas moins ce vide où tout converge,      
La Pâques sans savoir,
La perte consumée ;
Tu n’as pas le secret du signe de l’absence,                
Le moindre oiseau qui chante te donne envie d’aimer.
Comment te fierais-tu au secret des forêts ?
Il y a trop d’idoles sur l’étal de ton âme,
Trop de greniers avides où les planchers sont nus,
Et surtout tant de pauvres que tu ne connais pas.
Rien ne subsistera de notre grand voyage
Si ce n’est chaque pas que nous aurons donné.
Il n’y a pas de fin à l’ultime passage,
Pas de trésor gardé, plus rien à consoler.
Crois-tu que l’abondance te sera rocher fiable,         
Crois-tu que la santé prouverait qui tu es ?
Tu glanes ici ou là des miettes d’existence,
Tu te berces en ce monde de forfaits consentis.
Le poème n’est l’écho de rien que tu possèdes,
Il surgit de ce vent dont nul ne sait la voie :
Chaque mot se délivre d’une gangue inconnue           
Avant de se lever sans demander pourquoi.
Maintenant que tu n’as plus d’or à conquérir,                      
Maintenant que le temps te manque pour espérer,
Tu te défais sans peine de ce que tu as cru,
Tu contemples sans miroir l’illusion que tu es :
Tu ne méprises pas ce monde où nous sommes,
Tu ne rejettes rien mais tu le laisses aller.
Tu laisses grandir en toi l’espace sans empreintes,  
La nudité sans nom,
Le désert dont tu nais.
Le moindre battement d’ailes élargit ta demeure,
Ce lieu qui est sans mur où tu te reconnais ;
Tu n’as pas à forcer,
Tu dresses ici la table
Où l’éclat du soleil viendra te visiter.


Jean Lavoué
Bois de la Chênaie, 21 avril 2018

Photo Jean-Marie Delthil 
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1 commentaire:

Sylvie Méheut a dit…

Ta poésie nous désigne la lumière, Jean.
Merci pour cette inestimable don.

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