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mardi 16 octobre 2018

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Les deux premiers recueils attendus viennent de m’être livrés. Mais il faudra patienter encore une dizaine de jours pour le quatuor : problèmes techniques chez l’imprimeur… Désolé pour ceux qui ont déjà commandé depuis plusieurs semaines !  (Bon de souscription : suivre ce lien)



Début de la préface d’Yves Fravalo à « Levain de ma joie » :

La poésie de Jean Lavoué pourrait être reçue par le lecteur comme une sorte de démenti à l’adage à travers lequel Philippe Jaccottet[1] exprime le regret du caractère à ses yeux trop intermittent de la grâce qui peut être accordée à l’homme de vivre à une certaine altitude, dans une certaine lumière.

Le nouveau recueil qui nous est ici offert porte au plus haut, selon l’aveu même de son titre, Levain de ma joie, l’affirmation d’une ferveur de vivre qui marque l’ensemble d’une œuvre de poète et l’engagement d’un homme. Et cette ferveur s’affirme, faut-il le rappeler, dans le temps d’une épreuve personnelle qui interdit tout abandon au confort et aux complaisances d’un optimisme naïf. Elle est alliée à la lucidité.
Jean Lavoué ne revient pas ici sur les confidences, toujours discrètes, qui passent ailleurs dans son œuvre récente. La réalité fondatrice du temps présent pour le poète – celle de la maladie qui a fait irruption dans sa vie au printemps 2017 - n’est suggérée que de façon oblique. C’est d’abord la citation liminaire de Pablo Neruda (« Le printemps est inexorable »), éclairée par le titre de la première section (JOURNAL D’UN PRINTEMPS BOULEVERSE[2]) et propre à ouvrir au sentiment d’un tragique dont la mesure excède celle du drame qui, dans le fameux poème de Victor Hugo, vient nourrir la Tristesse d’Olympio. C’est ensuite, dans le corps du recueil, quelques motifs épars : celui, par exemple, de la nuit ou du tableau noir, comme temps ou support de l’écriture. C’est enfin, mais très occasionnellement, l’inscription d’une date associée à l’indication d’un lieu (20 mai 2017, Hôpital du Scorff à Lorient). C’est peu, c’est très peu[3], mais cela suffit à laisser deviner l’état d’une conscience confrontée sans répit non pas seulement au sentiment, mais proprement à la sensation de la finitude.
On pourrait s’étonner dès lors de l’éclat solaire qui triomphe dans l’ensemble du recueil, si l’on oubliait que, précisément, selon le mot de René Char, « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ». Une formule toutefois qui n’éclairerait que très imparfaitement un climat spirituel au sein duquel le sentiment de la blessure se trouve dépassé ou pour mieux dire transcendé. Adoptant une approche un peu infléchie, notons qu’il faut apercevoir en permanence dans le poème de Jean Lavoué, si lumineuse qu’en soit la tonalité dominante (« L’instant a des clartés / D’eau  pure et de rivière »)[4], l’épaisseur d’une ambivalence dont les deux termes retenus par Simone Weil pour former l’un de ses plus beaux titres pourraient dire quelque chose : la pesanteur et la grâce. Et il s’agirait d’une grâce qui ne serait pas seulement accordée, mais conquise, conquise avec ardeur, avec patience, dans un geste toujours repris d’arrachement au sol, un geste qui serait celui-là même de l’écriture…

Yves Fravalo




[1] Philippe Jaccottet, A la lumière d’hiver, Poésie/Gallimard, p. 49.
[2] Allusion, bien sûr, au titre d’Etty Hillesum : Une vie bouleversée.
[3]On pourrait noter aussi une occurrence, une seule, du mot « maladie » : « Pourquoi […] Tant de chemins d’errance […] De déserts […] De grèves constellées […] Jusqu’à la maladie qui t’embarque avec elle. » (122)

[4] P. 122.
















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