Les deux premiers recueils attendus viennent de
m’être livrés. Mais il faudra patienter encore une dizaine de jours pour le
quatuor : problèmes techniques chez l’imprimeur… Désolé pour ceux qui ont
déjà commandé depuis plusieurs semaines ! (Bon de souscription : suivre ce lien)
Début de la préface d’Yves Fravalo à « Levain
de ma joie » :
La poésie de Jean Lavoué pourrait
être reçue par le lecteur comme une sorte de démenti à l’adage à travers lequel
Philippe Jaccottet[1] exprime
le regret du caractère à ses yeux trop intermittent de la grâce qui peut être
accordée à l’homme de vivre à une certaine altitude, dans une certaine lumière.
Le nouveau recueil qui nous est ici
offert porte au plus haut, selon l’aveu même de son titre, Levain de ma joie,
l’affirmation d’une ferveur de vivre
qui marque l’ensemble d’une œuvre de poète et l’engagement d’un homme. Et cette
ferveur s’affirme, faut-il le rappeler, dans le temps d’une épreuve personnelle
qui interdit tout abandon au confort et aux complaisances d’un optimisme naïf.
Elle est alliée à la lucidité.
Jean Lavoué ne revient pas ici sur les
confidences, toujours discrètes, qui passent ailleurs dans son œuvre récente.
La réalité fondatrice du temps présent pour le poète – celle de la maladie qui
a fait irruption dans sa vie au printemps 2017 - n’est suggérée que de façon
oblique. C’est d’abord la citation liminaire de Pablo Neruda (« Le printemps est inexorable »),
éclairée par le titre de la première section (JOURNAL D’UN PRINTEMPS BOULEVERSE[2])
et propre à ouvrir au sentiment d’un tragique dont la mesure excède celle du
drame qui, dans le fameux poème de Victor Hugo, vient nourrir la Tristesse d’Olympio. C’est ensuite, dans
le corps du recueil, quelques motifs épars : celui, par exemple, de la nuit ou du tableau noir, comme temps ou support de l’écriture. C’est enfin,
mais très occasionnellement, l’inscription d’une date associée à l’indication
d’un lieu (20 mai 2017, Hôpital du Scorff à Lorient). C’est peu, c’est très peu[3], mais
cela suffit à laisser deviner l’état d’une conscience confrontée sans répit non
pas seulement au sentiment, mais proprement à la sensation de la finitude.
On pourrait s’étonner dès lors de
l’éclat solaire qui triomphe dans l’ensemble du recueil, si l’on oubliait que,
précisément, selon le mot de René Char, « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».
Une formule toutefois qui n’éclairerait que très imparfaitement un climat
spirituel au sein duquel le sentiment de la blessure
se trouve dépassé ou pour mieux dire transcendé.
Adoptant une approche un peu infléchie, notons qu’il faut apercevoir en
permanence dans le poème de Jean Lavoué, si lumineuse qu’en soit la tonalité
dominante (« L’instant a des clartés
/ D’eau pure et de rivière »)[4],
l’épaisseur d’une ambivalence dont les deux termes retenus par Simone Weil pour
former l’un de ses plus beaux titres pourraient dire quelque chose : la pesanteur et la grâce. Et il s’agirait d’une grâce qui ne serait pas seulement
accordée, mais conquise, conquise avec ardeur,
avec patience, dans un geste toujours
repris d’arrachement au sol, un geste qui serait celui-là même de l’écriture…
Yves Fravalo
[1] Philippe Jaccottet, A la lumière d’hiver, Poésie/Gallimard, p. 49.
[2] Allusion, bien sûr, au titre d’Etty Hillesum : Une vie bouleversée.
[3]On pourrait noter aussi une occurrence, une seule, du
mot « maladie » : « Pourquoi […] Tant de
chemins d’errance […] De déserts […] De grèves constellées […] Jusqu’à la maladie qui t’embarque avec
elle. »
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