L’enfance des arbres,
Ce n’est pas seulement se réjouir qu’un arbre soit jeune,
Encore en devenir et plein de promesse,
Mais c’est envisager que chacun de nous nous devenions des arbres,
Des pousses pleines d’ardeur et de vie
Dans la forêt humaine…
Ce n’est pas seulement que nous cessions de regarder
Vers les grands chênes du passé,
Ceux-là qui nous donnèrent un jour le goût des élans souverains,
Mais que nous nous mettions nous-mêmes à grandir,
À générer des fruits,
À engendrer le souffle,
Partout où nous nous trouvons.
Ce n’est pas que nous ayons trouvé la rectitude des arbres
centenaires
Mais que nous prenions force de toutes nos cicatrices,
De chacun de nos bourgeons vulnérables,
Que nous guettions encore chaque matin la fête du printemps
Comme une percée secourable,
Que nous soyons libres et debout
Dans la clarté d’un jour nouveau,
Paisibles avec nos naufrages
Conciliants avec nos hivers,
Capables d’entrevoir encore à l’horizon
La promesse d’une terre compagne des oiseaux,
Réconciliée avec l’Origine,
Comptable à nouveau de toutes les beautés qu’elle recèle :
Notre vaisseau des grands espaces,
Ce monde commun de justice et d’amour où nous sommes plantés.
L’enfance des arbres, c’est que nous soyons enracinés dans l’audace,
Puissants d’une Parole invincible
Qui nous soulève et nous comble,
Gorgés de sève et d’avenir,
Considérant chaque être dans son égale dignité,
N’ayant d’autre autorité que celle qui grandit au dedans de nous,
Sans pouvoir ni soumission :
Rebelles à tous mots d’ordre,
Mais capables de devenir là-même où nous avons été semés
Des fils et des filles de lumière.
L’enfance des arbres c’est que nous soyons sensibles à toute
variation de l’air,
Poreux à toute lumière,
Réveillés par l’odeur du grand vent qui se répand de branche en
branche,
Attentifs au moindre insecte,
Au moindre papillon posé sur notre épaule,
Reconnaissants pour chaque fleur,
Passionnés par les matins,
Tendres avec les couchants,
Émerveillés par les couleurs de l’automne
Comme par la nudité des caresses du gel,
Compatissants avec nos ombres, nos feuilles mortes,
Nos écorces et nos racines,
Dociles avec les nuits qui s’achevaient toujours par un grand éveil
blanc,
Troublés par l’immensité du ciel,
La danse des galaxies,
Capables de demeurer longtemps silencieux, immobiles,
Contemplant le soleil irradiant nos veines et nos douleurs.
L’enfance des arbres, c’est être toujours devant,
Mais précédés par le chant des saisons,
Illuminés par la ferveur de vivre,
Goûtant en toutes choses la Joie,
Suivant en tout l’ardeur de nos élans,
Cette clarté qui nous redresse,
Cette communion alentour
Et cette symphonie de branches, de murmures et d’oraison,
Cette immensité qui nous relie
Dont personne ne peut se dire propriétaire
Et sur laquelle nul ne cherche plus à apposer son nom.
Jean Lavoué, 26 février 2019
Photo JL 27/02.2019
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire