D’UNE SEULE ÉTOFFE
Pour
Monika
Pourquoi est-ce le goût du simple qui aujourd'hui me saisit ?
Je pense à cette jeune amie dont le souffle s'est retiré ce matin
même.
Je me tiens au plus près de son silence.
Il ne me viendrait pas à l'idée de mêler à son absence des rythmes
ou des images, mais c'est pourtant l'écriture qui s'impose encore ;
Comme si je cherchais à prolonger son rêve et ses promesses sur
les carnets qu'elle remplissait patiemment avec son cœur.
Comme si tracer ainsi quelques mots sur le sable restait la plus
sûre manière de demeurer relié
À son visage rieur et à sa joie, à son énergie insolente, à son
goût débordant de présence et de vie.
C'est elle, ce sont ses enfants encore jeunes, son mari que je
vous confie :
Afin que chacun puisse laisser résonner en lui l'amour dont elle
nous fait gardiens.
Même si nous ne l'avons pas connue, ni même jamais rencontrée,
nous la devinons car elle est nôtre,
De la même espérance et de la même chair, de la même enfance et de
la même terre :
Elle qui traversa des frontières infranchissables par nos
pères,
Elle qui savait que la seule guerre qu'il importe de mener et de
gagner se trouve, plus que jamais, à l'intérieur de nous.
Que notre vie se prolonge par cet amour que nous
éprouvons, n'est-ce pas là au fond la demande que nous ne cessons de nous
adresser les uns aux autres, le sachant où non ?
Nous sentant tous quelque peu rescapés, passagers incertains sur
cette rive, mais nous le cachant le plus souvent à nous-mêmes...
Laissons-la poser doucement ses lèvres sur la source de la nuit,
et écoutons le bienveillant murmure de son âme dont le dialogue se poursuit :
Car être de ce côté-ci ou de l'autre du miroir, nous
empêcherait-il de dire encore et encore combien la vie est belle et combien
nous l'aimons ?
Combien c'est en son sein que nous avons reçu le plus précieux, le
trésor inouï,
l'insaisissable mystère ?
Et combien il nous importe de demeurer unis, de ce même élan et de
cette même étoffe dont, instant après instant, tel un fruit éternel, nous fûmes
ensemble tissés ?
Jean Lavoué, le 5 février 2020
Photo MBatty/Pixabay
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