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mercredi 18 mars 2020

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À nouveau, une belle moisson à partager de notes de lecture de "René Guy Cadou la fraternité au coeur"... Ce COUP DE CŒUR de Philippe Mathy pour le Journal des poètes 1/2020, 89ème année (Belgique)

René Guy Cadou, un poète décédé à trente et un ans, dont on fête le centenaire de la naissance cette année et dont le chant, limpide comme le courant d’un ruisseau, continue d’abreuver de nombreux lecteurs ! Bel hommage très justement intitulé "la fraternité au cœur" que lui offre Jean Lavoué. Un essai, oui, mais d’une originalité profonde car l’angle choisi pour approcher l’œuvre est plus proche de l’empathie que de l’analyse purement intellectuelle. Et c’est un plaisir de cheminer avec eux ai-je envie d’écrire, tant l’auteur Jean Lavoué entre en communion avec le poète. À la base de toute œuvre importante, quelle que soit la forme qu’elle prenne : désespoir, révolte, imprécations, consentement, célébration, on trouve toujours une soif spirituelle. C’est elle que Jean Lavoué traque avec passion chez l’homme et le poète Cadou. De son enfance aux visages de ceux qui vont l’entourer, le poète nous est donné à voir, à rencontrer. Hélène, poète elle aussi, sa compagne, écrit : « Il avait le don de mettre de l’harmonie dans ce qui pouvait être destruction, ravage et il mettait tellement d’amour que ça devenait lumineux. » Cadou lui-même écrit à qui veut le connaître : « Si quelqu’un veut toucher / Mon cœur qu’il s’agenouille / Et creuse lentement / Le cœur chaud de la terre //Qu’il soulève en ses mains / la glaise et le terreau / l’humus qui garde encore / Une odeur de châtaigne. »

Parmi les visages qui l’entourent et qui nous permettent de participer à l’aventure spirituelle du poète, Hélène, bien sûr, mais aussi les amis proches, le père Agaësse de l’abbaye de Solesmes, Max Jacob réfugié lui aussi dans une abbaye, à Saint-Benoît, dans un méandre de la Loire, et bien sûr les amis de l’École de Rochefort, Michel Manoll, Luc Bérimont… Une aventure spirituelle qui nous est offerte sans aucun souci de « récupération », précisions-le. L’amour de Cadou pour l’ici-bas, ses accents parfois panthéistes, ses doutes, rien ne nous est occulté. Dans un poème qu’il adresse à Dieu on découvre ces lignes : « Tu ne peux rien pour moi maintenant que je suis / Fané par ton soleil comme une fine pluie / Venue d’un nuage bas qui mettait sur la terre / Quelques larmes de trop au bord de tes paupières / Tu peux bien m’accueillir et m’ouvrir tes palais / Tu ne me rendra point cet amour que j’avais / De la vie ni ce doute inné de Ta Personne / Qui fait que je suis là et que tu me pardonnes. » Miguel de Unamuno ne craignait pas d’affirmer : « Une foi qui ne doute pas est une foi morte. » Celle de Cadou était bien vive car, attaché à dire la joie et la douleur de vivre ici-bas, il a beaucoup douté en regardant le ciel. Dans sa postface, Gilles Baudry précise : « Cadou ne supportait pas qu’on le tienne enfermé dans les pages d’un livre. Gageons qu’il eut encore moins admis qu’on se divise autour de ses convictions personnelles en jouant les hagiographes, les confesseurs, les psychologues. » Avec Gilles Baudry, il faut rendre grâce à Jean Lavoué d’avoir évité tous ces écueils pour nous permettre d’avancer avec René Guy Cadou, mieux le connaître, en partageant son souffle. 

Dans un article précédent j’avais évoqué Norge auquel Pierre Seghers consacra un gros volume reprenant de nombreux recueils. Le même Pierre Seghers qui publia « Poésie la vie entière. Œuvres complètes » de René Guy Cadou. Bruno Doucey vient de publier « Le sang des hommes. Poèmes 1940-1983 » de Luc Bérimont. Comme il est réconfortant – quelle leçon aussi – de voir que ces voix limpides et fraternelles, si riches d’humanité, demeurent bien vivantes parmi nous, au-delà de la disparition de leurs auteurs. Norge, Bérimont, aujourd’hui Cadou… merci à ceux qui continuent d’être leur passeur pour notre plus grand plaisir. 

Philippe Mathy





Et cette chaleureuse recension de Jean-Pierre Boulic parue dans la revue de poésie ARPA dirigée par Gérard Bocholier


RENÉ GUY CADOU, POÈTE DU CHEMIN INTÉRIEUR

Jean Lavoué, poète (et éditeur) s’est mis en frère de cœur à la table de travail pour construire le vitrail de la vie et de l’œuvre poétique (ce qui est la même chose) de René Guy Cadou (1920-1951). C’est là l’occasion de marquer le centenaire de la naissance d’un « prince de la poésie ».
Au long d’un parcours tracé en six étapes d’une grande densité, allant de Sainte-Reine de Bretagne, Mesquer, Piriac, Nantes, à Louisfert, l’auteur convoque ici les principaux personnages qui ont incontestablement marqué la courte vie de l’instituteur-poète, révélant en cela bien plus qu’une amitié, mais une « fraternité au cœur », et tous ceux, dans un autre ordre d’idées, qui ont participé, par leurs réflexions et études, à faire connaître une œuvre poétique incontournable de notre littérature.
De fait, c’est une véritable « somme » (désormais indispensable) que propose Jean Lavoué et à laquelle il nous convie. Elle éclaire de manière pertinente l’accomplissement fulgurant d’une vie fascinée par la « perpétuelle résurgence d’un mystère végétal » « la greffe de l’absence est devenue présence » aboutissant à « la transmission d’une parole qui parle à l’âme autant qu’au corps, à la vie tout simplement » pour la totale liberté et le chant d’amour de l’homme dépouillé des artifices, dogmes et autres contraintes.
Bien sûr, les hautes figures que sont Apollinaire, « ce fantôme des nuées », Max Jacob, porteur de la Bonne nouvelle proclamée des murs de Saint- Benoît en bord de Loire, Hélène attentive veilleuse, épouse éclairée du secret de René, le Père Agaësse « hors-les-murs », Michel Manoll et une poignée d’autres demeurent avec Guy, le grand frère jamais connu, prégnante image de la mort, Véronique, Job, Orphée, les acteurs de « l’expérience christique » de l’auteur de « Poésie la vie entière » : « cette assurance d’une main tenue qui ne quitte pas la vôtre, quels que soient les ombres et les brouillards du chemin » que Jean Lavoué, explicite en fin connaisseur des états d’âme.
Cela l’autorise à dire, à juste titre, après avoir emprunté les quêtes et détours des jours et nuits du poète « révélant soudain la carrière à ciel ouvert et l’irradiant trésor qui y est caché » que « Toute la poésie de René Guy Cadou est une ode à cette vie intérieure magnifiée dont toute la beauté de la création est le miroir réel ». Une strophe de « Nocturne » peut l’illustrer comme il convient : « Si je reviens jamais de ce côté-ci de la terre/Laissez-moi m’appuyer au chambranle des sources/Et tirer quelque note sauvage de la grande forêt d’orgue des pins/O mon Dieu que la nuit est belle où brille l’anneau de Votre Main » (in Poésie la vie entière – Seghers p 346).
L’ouvrage de Jean Lavoué, disposant d’une connaissance approfondie du cheminement de la vie et de l’œuvre de René Guy Cadou, corrobore finalement de manière significative ce propos de Gérard Bocholier dans « Le Poème exercice spirituel » : « De discrètes épiphanies, chaque jour et partout, attendent le poète. À lui de se mettre en marche. S’il sait bien descendre en lui-même, il parviendra à leur vraie contemplation, fixé sur l’étoile intérieure ». (Ad Solem 2014).

                                Jean-Pierre Boulic, Revue ARPA/1/2020


René Guy Cadou la fraternité au cœur – Jean Lavoué – préface de Ghislaine Lejard, postface de Gilles Baudry - Éditions L’enfance des arbres, collection Poésie et intériorité, 302 pages, 20€

Nos amis libraires étant malheureusement contraints de baisser leurs rideaux, il reste possible de commander ce livre (comme les autres publications de la maison d’édition) directement auprès de Jean Lavoué, L’enfance des arbres, 3 place vieille ville, 56 700 Hennebont, en adressant un chèque de 23,50 euros frais de port inclus.

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