HÉBERGER L'INOUÏ
Dans le désert de nos vies,
Dans la nuit qui nous tient, Osons tracer des dessins de lumière !
Le vent souffle fort,
Il nous faut bien pactiser avec lui.
Et si, chacun, nous devenions l'inspiré, le peintre de feu,
L'inventeur de notes de clarté dont nous n'avions jamais rêvé.
L'ombre et le retrait conviennent à cet art oublié :
Dégager des pépites dans les ruisseaux de nos enfances,
Laisser croître un poème,
Adresser par-dessus les toits des constellations
Au moindre carré de ciel.
Soudain le monde est retenu en son errance,
Et nous, suspendus aux actes d'amour de ceux qui prennent soin :
Nous ne sommes plus sur les routes, cherchant toujours
ailleurs
Un soleil étrange pour nous masquer le vide.
Ce que nous n'aurions pu décider seuls,
Ce qui pourtant, nous le savions depuis longtemps, s'imposait
- Protéger la terre de nous-mêmes, la mettre au repos -
Voilà : c'est arrivé !
D'une irruption minuscule, l'inouï est survenu.
Nous sommes tous concernés et contraints,
Perdant jour après jour nos repères,
Ramenés soudain à l'essentiel, confrontés à nos peurs
Mais aussi à notre musique souveraine.
Vulnérables nous le sommes, dans cet enclos inattendu,
Capables de dérives et de glissades
Comme de trouvailles infinies :
Chercheurs d'or, voilà notre destin
Mais désormais nulle part ailleurs qu'en nous-mêmes.
Inventons-nous des rites, des silences,
Des gestes de tendresse capables de déchirer la nuit,
Pourvu qu'ils soient d'offrande et de pauvreté,
De création et de patience,
D'ardente complicité avec le monde qui vient
Qu'il s'agit dès à présent de préparer, de relever
Et d'aimer.
Jean Lavoué, 30 mars 2020
Photo Hans/Pixabay
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