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mardi 2 novembre 2021

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À l’heure où se réunissent aujourd’hui à Lourdes les hommes responsables d’une institution en plein questionnement sur son devenir, je suis heureux de partager cette parole libre et audacieuse d’une femme, Marie-France Aubré, dont François Vercelletto a retenu le témoignage dans la page du courrier des lectrices et des lecteurs du journal Ouest-France du 1er novembre 2021. Son propos, à l’égard duquel je me sens en grande connivence, met bien en évidence le caractère inconciliable de deux visions de l’Église qui se sont déployées au fil des dernières décennies : l’une, fondée sur la tradition religieuse dogmatique et intangible, l’autre sur le goût de chercher à travers les chemins de l’humanité la source et la lumière évangéliques. Inutile d’envisager une impossible synthèse entre ces deux visions, ou bien que l’une finisse par supprimer l’autre, ce que certains espèrent et attendent encore : de nouvelles générations plus traditionnelles et convaincues finiraient alors par recouvrir les anciennes. Il est plus vraisemblable que, devant l’impossible réforme, la vision religieuse traditionnelle, fondée notamment sur la figure centrale et incontournable du prêtre, déjà solidement installée, finisse par s’imposer totalement à l’intérieur de l’institution.  Tandis que l’autre vision continuera, elle, de son côté, à s’inventer dans des réseaux de chercheurs de sens, œcuméniques et spirituels : ceux-ci, sans adhérer pour autant à une nouvelle religion mais prêts à revisiter tous les fondements de celle qui leur fut transmise, chercheront avant tout à vivre au cœur de l’humanité la fraîcheur du Poème évangélique… C’est cette seconde vision que nous partage ici Marie-France Aubré. Même si l’institution repliée sur son noyau de fidèles, gardiens de la tradition, aura  bien du mal à la faire sienne désormais, nous sommes et serons de plus en plus nombreux à en vivre et à en témoigner…
JL

Pour sa survie, le christianisme doit évoluer 

« Malgré la crainte de n’être pas comprise et de susciter une violente réprobation, je tiens à répondre au lecteur qui affirme que faire évoluer le christianisme est une mauvaise idée (O.-F. du 14 octobre).

Tout en respectant ce correspondant certainement très fervent, j’ose me situer aux antipodes de sa pensée. Contrairement à lui, je suis convaincue qu’il est impératif de revenir à la source du christianisme, si on veut que celui-ci ait un avenir. Il est urgent de revenir à l’Évangile en sa fraîcheur.
Il est urgent d’emprunter cette voie qu’ont suivie les premiers chrétiens. C’est aux alentours du IVe siècle que tout a déraillé. Sous l’égide de l’empereur, quelques « têtes pensantes » se sont réunies pour fixer et imposer aux croyants les dogmes et les vérités à croire. Il faut reconnaître que le credo qui en découle ne parle plus à nos contemporains.
Dans l’Évangile, il n’est jamais question de La Trinité. Pas de Dieu tout-puissant exigeant que son fils meure pour nous sauver d’un péché originel inventé par Augustin ! Dans l’Évangile, pas de distinction « péché mortel / péché véniel ». Pas de dogmes bizarres concernant la mère de Jésus, dont les Écritures parlent très peu : virginité, immaculée conception, assomption… Pas d’infaillibilité accordée à un pape.
Je pourrais continuer la liste des « inventions » qui datent d’une époque reculée et qu’on ne peut plus accepter. Au lieu de s’éloigner de la religion comme l’avait fait son maître en son temps, l’Église, hélas, a vite calqué son comportement, son gouvernement, sur le modèle impérial, adoptant son faste et son implacable autorité.
Au cours de l’histoire, elle s’est longuement et lourdement compromise avec les royautés. Où est l’Évangile dans le luxe des palais épiscopaux, dans ces guerres et ces massacres… qui ont dû faire frémir le Christ en son éternité ? Où est l’Évangile dans ces comportements sexuels de clercs censés marcher sur « la voie » ?
Que pensent nos « célibataires sacrés » quand ils entendent le passage de Matthieu : « N’appelez personne « père » car vous êtes tous frères. Le plus grand parmi vous devra être votre serviteur. »
Que connaissent-ils du Dieu dont ils parlent ? Dieu, en fait, personne ne l’a vu ni entendu. On ne peut que le pressentir à travers les mots et la vie du « Galiléen ».
À noter que Jésus et ses disciples n’entretenaient pas une relation étroite et harmonieuse avec le temple. Aucun apôtre, pas même Jésus, n’était prêtre. Ils sillonnaient les chemins de Galilée rejoignant le peuple dans ses difficultés et ses aspirations. Jésus annonçait simplement la bonne nouvelle : un « amour » est offert à tous et sans condition.
Je me permets de recommander deux livres éclairants édités par Karthala : Pour un christianisme d’avenir, de John Shelby Spong et Pour un christianisme sans religion, de Bruno Mori.
J’admets que « ça décoiffe ». J’ai moi-même été bousculée quand j’ai commencé à découvrir cette remise en cause de mes anciens schémas. Je participais alors à un groupe de réflexion animé par des prêtres, jésuites, théologiens laïcs… Il faut du temps pour quitter ses vieux sabots et pour apprivoiser une foi plus dépouillée, plus réfléchie, plus authentique et dilatante.
Aller dans ce sens créerait un schisme car il est clair que certains (beaucoup ?) ne voudront rien lâcher de ce qu’ils tiennent pour littéralement vrai… mais tant pis ! Renoncer serait lâcheté et fermer une voie de spiritualité à tant de personnes de bonne volonté.

Que chacun aille son chemin avec droiture et générosité sans vouer aux gémonies ceux qui, pense-t-on, s’égarent ! »

Marie-France Aubré, Courrier des lectrices et des lecteurs Ouest-France du 1er novembre 2021.















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