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vendredi 6 mai 2022

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Merci, cher Olivier Risser, pour cette note de lecture sensible à propos de mon petit recueil « Des ailes pour l’Ukraine » rassemblant des poèmes déjà partagés ici…

J’ai, sur mon bureau, Des ailes pour l’Ukraine[1], le petit recueil de poésie de Jean Lavoué, tout juste paru[2]. Si le livre, d’une remarquable conception, tient dans la paume de la main, s’il peut se glisser au fond d’un sac, se loger encore dans une poche de veste ou de pantalon, les vers qu’il contient s’en vont en effet, à tire-d’aile. C’est que leur auteur est un oiseau qui compose ses poèmes au printemps, la saison des nidifications et des chants matutinaux.

Des trous noirs dans les ailes…

Les quelques poèmes du recueil sont beaux sans prétention, profonds sans ostentation. « Reste-t-il encore des oiseaux à contempler dans le ciel d’Ukraine ? », c’est par cette question vertigineuse que débute l’ouvrage. Le poète connaît et nous indique la vraie réponse : les oiseaux d’Ukraine ne peuvent plus contempler le ciel, leur vocation. Les survivants doivent se cacher sous l’orage des hommes. Dans les poèmes suivants, il est question de « grand trou noir », de « sombre pluie », « de forteresses noires trouant la paix du ciel ». Les mots sont dignes, les métaphores parlent la langue du cœur et nous aident à formuler l’impensable déraison. René-Guy Cadou et sa Lettre à des amis perdus ne sont pas loin : « j’ai des trous noirs dans les ailes ». C’est que Jean Lavoué partage avec cet autre poète qu’il invite en exergue, la passion de la tendresse.

A ceux qui n’ont pas tout perdu…

Ces oiseaux qui sautent de page en page, ce sont « nos oiseaux » qui ne peuvent plus « voler vers leur naissance ». Ce possessif dévoile une parenté, il nous désigne, nous ; nous, appelés en tout temps par l’esprit à nous épanouir et à naître à nous-mêmes, nous, empêchés aujourd’hui par « cette sombre pluie de monstres métalliques », nous encore et enfin qui devons sauvegarder l’espoir pour ensuite le partager. « Hissons haut les couleurs de nos cœurs ! », nous invite l’un des poèmes. Oui, la tempête est là qui fait rage ; oui, un pays tout entier semble à la dérive ; oui, on meurt « sous les bombes à Marioupol » ; oui encore tristement oui, on assiste à un naufrage du cœur ! « Tous, nous nous trouvons blessés au plus vif de notre humanité ! », s’exclame le poète et dans son cri, on sent la lame du couteau qui entaille la chair. Et pourtant, ce livre est une invite parce que « nous croyons toujours au printemps », par décision, par résolution, par promesse. Et puisque « nous croyons toujours au printemps », nous devons l’accueillir « en dépit des ombres qui nous tenaillent ». Et accueillir le printemps, c’est aussi décider d’être « passeurs » confiants de la vie comme source inépuisable d’amour et de lien. Parce que nous aurons, demain, à porter de l’espérance pour nos frères et sœurs, offrons-leur, dès maintenant, « cette lueur que nous portons encore au fond des yeux » afin qu’eux aussi aient « leur printemps ».

Ce livre est un cadeau pour toi…

Jean Lavoué ne chemine pas seul. En de somptueuses illustrations, cet opuscule invite littéralement les mésanges bleues, le mimosa jaune, le ciel lavé par la pluie. Merci aussi à l’auteur d’avoir placé au milieu du livre un magnifique poème d’Armand Robin. Il me semble que les poèmes de Lavoué, de part et d’autre, sont comme les ailes de ce majestueux oiseau. On sent les vers de l’auteur de La Fausse parole[3] au cœur de l’ouvrage comme son poème est au centre du livre. « NOUS Y SOMMES » ! Après avoir supprimé la foi, la lumière, l’âme et bien d’autres de nos trésors d’humanité, voici qu’on supprime l’Homme, avertit Robin . Ce livre de Jean Lavoué le rétablit.
De tous, mon poème préféré parle de ce « il » jamais nommé - Lavoué a trop de pudeur et il répugne aux vilains mots - qui, semant la terreur et la mort, « humilie le monde » et « assèche le printemps dans les vergers de l’âme ». Poème qui, déjà au cœur de l’abject, invite à l’espoir par l’utilisation du futur dans son dernier vers qui nous assure que « le juste triomphera » et où se laisse entendre la promesse du premier des Psaumes faite pour l’homme juste, « tout ce qu’il entreprend réussira ». Les derniers poèmes du recueil introduisent un « tu » et l’adresse se fait plus précise et plus délicate encore. Le poète compatit et pleure avec la personne en exil qui « [s’]arrache en cachant [ses]larmes », il pénètre dans les décombres de son appartement dont le sol est jonché, pour quelques jours encore, des « photos de [ses]ancêtres ». Ce « tu » est ukrainien, ce « tu » est l’Ukraine, ce « tu » est humain, ce « tu », c’est nous tous réunis. « Réuni » c’est aussi le dernier mot du dernier poème.

Le poète, en quatrième de couverture, pose cette question qui invite au recueillement : « les oiseaux sauront-ils encore qu’il existe un printemps ? ». Cette question qu’on ne peut poser sans avoir le cœur serré, cette question que faute d’avoir su se poser, tant d’Hommes sont partis en guerre contre leurs frères, cette question, aux allures modestes et naïves, fait désormais partie de notre patrimoine.

Olivier Risser, 5 mai 2022

Le recueil est toujours disponible à L’enfance des arbres, 3 place vieille ville, 56700 Hennebont (jlavoue@gmail.com) au prix de 9 euros (+2 € de port, 4 € pour 2 ou 3 ex., port offert à partir de 4 ex.)
www.editionslenfancedesarbres.com

[1] Les bénéfices de la vente du recueil seront réservés à des associations humanitaires qui portent assistance au peuple ukrainien.
[2] Avril 2022, éditions L’enfance des arbres
[3] Armand Robin, La Fausse parole, 1953
















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