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mercredi 25 octobre 2023

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Joie de recevoir plusieurs notes de lecture d’amis poètes à propos de Passio vegetalis paru cet été aux éditions des Sources et des Livres : Alain le Beuze, texte à paraître dans Ar Men, Francoise Favre-Prinet et Claude Serreau. Je partage ici ces trois textes. 


JL






Présence des arbres

 

                                             

  Fortement impressionné par les arbres crucifiés du graveur Serge Marzin dénonçant la déforestation, Jean Lavoue s'engage dans une superbe évocation des arbres pour critiquer à son tour l'indifférence et la cruauté des hommes à leur égard. Sentinelles et témoins de nos vies écrit-il, il les  tutoie malgré le caractère aristocratique qu'il leur assigne, établissant ainsi une relation fraternelle voire fusionnelle. «Nous sommes du même souffle/ Nous sommes du même feu» poursuit-il pour appuyer ce lien. A d'autres moments il veut «devenir oiseau» ou «simple signature du vent» pour partager leur intimité et déceler leur énigmes. L'arbre lui apprend à «se tenir debout». Il lui offre une leçon d'humilité, notamment quand «Il reste digne/ au creux de son désastre». Les gravures de Serge Marzin ponctuant le livre répondent bien aux interrogations du poète et à ses préoccupations devant la nature martyrisée.

 

                                            Alain Le Beuze

 

Passio Vegetalis, Jean Lavoué, Serge Marzin,éditions Des sources et des livres,68 pages,15 €.

Aussi disponible à L’enfance des arbres, 3 place vieille ville, 56 700 Hennebont + 4 € de port. 



Je suis rentrée tard hier soir d'une escapade à Rodez, puis à Conques... Chercher la beauté, me blottir en elle, la laisser me revêtir de ce que je ne saurai jamais nommer ... Long, long silence au souffle large et remuant, bouleversant, devant les toiles et les aquarelles de Pierre Soulages, puis Conques, la pluie battante et la beauté si longuement sacrée de cette jonque de lumière qui file sans bruit vers le plus intime de mon propre mystère. 

Soulages et Bobin, eux et moi, et tous les autres... tous les silencieux ébahis de lumière, depuis une éternité qui jamais ne baissera les bras mais les ouvrira...

Dans la boîte aux lettres m'attendait ce très beau recueil, puissant, fulgurant, vos poèmes refusant les mises à mort des arbres, des âmes, un salut, un salve, un haut chant... les gravures de Serge Marzin sont bouleversantes, et ne laissent pas tranquilles.

Je vous remercie de tout coeur, je n'ai fait que commencer à le contempler, à l'écouter et je vais lui donner du temps et oui, c'est vrai, je reconnais cette levée, ce chavirement, cette impossible acceptation d'un désastre voulu par l'homme sur la Vie. Vraiment merci. Là encore la beauté vient prendre dans sa présence le plus déchiré pour un retournement inespéré.De l'envers à l'endroit, l'endroit de la Vie, l'endroit où la vie nous porte, où nous la portons aussi.


Françoise Favre-Prinet



Par un de ces heureux hasards qui naissent d'un rapprochement comme il s'en rencontre en littérature, lisant Noeuds de vie, un ouvrage posthume de Julien Gracq, attire l'attention cette affirmation, « chaque homme un arbre», alors que vient de paraître PASSIO VEGETALIS, un très explicite et fort esthétique recueil de poèmes de Jean LAVOUE aux éditions des Sources et des Livres, illustré par douze gravures de Serge Marzun, lequel, en fin de livre, explique le bonheur de cette rencontre.

L'auteur, reconnu pour avoir publié à ses propres éditions L'enfance des arbres une bonne quinzaine d'œuvres sur le thème de la fraternité des arbres marque ainsi l'inaliénable lien unissant dans un même destin l'humanité à la nature, dont on trouve déjà trace chez le berger de Virgile se reposant sous l'ombre d'un chêne ou chez Ronsard s'élevant contre les bûcherons de la forêt de Gastines... Mais l'urgence de la situation devenant une cruelle évidence, PASSIO VEGETALIS impressionne par ses poèmes d'une simplicité toute biblique dont la clarté des images interroge la sensibilité et induit une philosophie quotidienne par sa marche-démarche quant au sort que notre humaine espèce semble se préparer. Sous la symbolique de la crucifixion mise en valeur par des remarquables reproductions des tableaux gravés de Serge Marzun, c'est une suite de poèmes-étincelles que l'on pourrait qualifier de christiques tant l'arbre en devient incarné dans sa souffrance. De l'arbre à la croix y a-t-il si loin? En tout cas, à l'égal de l'homme contemporain, il sait se faire rédempteur dans son cycle terrestre: « Avec l'arbre / J'ai appris à ne plus seulement marcher / Mais à me tenir debout / Offert aux quatre vents du monde ». Pertinent interprète d'une immanente joie de vivre, Jean LAVOUE trouve en cet être végétal une raison d'espérer dans sa méditation ambulatoire: « Tu es ce compagnon / Que je n'espérais plus ....Vivant poème de ma joie ...La promesse végétale / D'un printemps insoumis » Le poète rejoint alors ces anciennes croyances qui, des druides à nos modernes écologistes, célébrant une nature véritable avenir de l'Homme, s'entendent comme une religion de survie. Et il y a certes un sens religieux avec des vers dont la clarté enrichit la générosité du combat face à l'ombre qui ne cesse de croître, mais comment ne pas être concerné... Par ces magistrales soixante pages, voici beaucoup plus qu'un « petit » livre, d'une prégnante luminosité, un opus où Jean LAVOUE donne à voir, à entendre et à sentir toute la mesure d'un grand souffle poétique ! Pour conclure, ce quatrain qui en dit long; » Arbres crucifiés / Par cet automne aux larmes rougies / Garderez-vous assez de sève / Pour traverser l'hiver » Là est bien la question !


Claude Serreau 


Saint Evarzec

ce 10-10 -2023


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