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lundi 25 septembre 2023

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Ce vendredi 22 septembre, première de nos deux soirées poétiques consacrées l’une à Christian Bobin, l’autre à Jean Sulivan dans le cadre de la « randonnée spirituelle » organisée ce week-end, en compagnie de Robert Scholtus, par Michel Cool-Tadel au centre d’accueil franciscain de Reinacker en Alsace. Dans la bonne compagnie de Colette Nys-Mazure, Jean-Pierre Boulic, Fadila Semaï, Albéric de Palmaert et d’une trentaine d’autres amis poètes, journalistes ou écrivains… Voici l’un des textes de Christian Bobin lus par Joseph Thomas et Anne Lavoué. Philippe Forcioli, qui a écrit ses récits d’un petit miracle sous l’inspiration de Christian Bobin en décembre et janvier derniers (Les impromptus de la Sauvegarde, L’enfance des arbres 2023), était aussi bien présent également grâce aux montages audiovisuels préparés par Maryvonne Thomas…

JL 






Le premier venu est plus proche de Dieu que moi : voilà toute ma croyance. Elle me vient des rencontres plus que des livres. Au début de cette année, j’ai connu la joie de donner la moitié de ma bibliothèque. Je me suis défait des livres qu’une seule lecture éteint. Des romans, des essais. Dans la banquise fondue de la bibliothèque sont apparues les fleurs résistantes, presque toutes de deux genres, poésie, théologie. Les livres de théologie, je les abandonnerai sans doute un autre jour. Ils ne sont pas vraiment indispensables et, sur l’amour, ne m’apprennent rien de plus que le premier venu. Le premier venu peut être un homme, une femme, un enfant, une lettre, une fougère, un moineau, une heure de la journée, les tulipes qui sont revenues habiter ma maison, le silence de l’immeuble à une heure du matin. De cette « révélation » du premier venu, découlent pour moi deux certitudes : pas d’accès direct à Dieu et à ses joueurs de flûtes. Je suis obligé pour avoir des nouvelles du Christ de porter attention à ce qui vient, à qui est là, à ce qui se passe aujourd’hui, maintenant. La deuxième certitude, c’est que je ne suis que rarement à la hauteur de ce que j’écris là. Je manque d’attention et d’amour, je manque à peu près de tout. Ce manque n’est pas désolant. Il me fait plutôt jubiler : j’y trouve à chaque fois l’occasion de reprendre ma vie à ses débuts. Je ne cherche pas la perfection. Cela me semblerait aussi intelligent que de rechercher la mort. Je cherche la justesse - un équilibre précaire entre la vie toujours trop vieille et la vie naissante première venue. Mourir, renaître, mourir, renaître : voilà, c’est toujours comme ça. Toujours.

Christian Bobin, Autoportrait au radiateur, page 125









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